Grâce à l’appui de la Minusma, le second tour des législatives a pu se dérouler comme prévu, dimanche 19 avril, malgré la pandémie de coronavirus. Lors d’une visioconférence depuis Bamako, Kacou Assoukpe, directeur des affaires électorales, a commenté pour Sputnik France les conditions sécuritaires dans lesquelles s’est déroulé ce scrutin.
«D’aucuns se sont demandé pourquoi la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) soutient le gouvernement dans cette période de coronavirus. Je le dis d’entrée de jeu: la Minusma met en œuvre la résolution 2480 du Conseil de sécurité des Nations unies et appuie le gouvernement malien dans l’organisation des élections», a déclaré jeudi 23 avril dans son propos liminaire Kacou Assoukpe, directeur des Affaires électorales, lors d’une visioconférence depuis le siège de la mission onusienne à Bamako à laquelle Sputnik France a pris part.
En pleine pandémie mondiale de coronavirus et alors que la crise sécuritaire continue au nord et au centre du pays, les électeurs maliens se sont à nouveau rendus aux urnes, dimanche 19 avril. Après le premier tour qui s’était déroulé le dimanche 29 mars, il leur restait encore 125 députés à élire sur les 147 que compte l’Assemblée nationale malienne.
La décision de maintenir ces élections coûte que coûte a été jugée «risquée» par la plupart des commentateurs, mais rendue nécessaire par l’engagement du Président Ibrahim Boubacar Keita de renouveler l’Assemblée nationale dans le cadre du dialogue national inclusif en cours.
22 députés ont été élus dès le premier tour dans 12 circonscriptions, dont huit se trouvent au nord du pays. Parmi eux, le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, qui préside l’Union pour le renouveau et le développement (URD). Il a été réélu dans sa circonscription à Niafunké malgré son enlèvement, le 25 mars dernier, par un groupe djihadiste.
«Toutes les précautions ont été prises»
Selon un communiqué du ministère de la Santé et des Affaires sociales du 22 avril, le Mali a enregistré un pic de 35 nouveaux cas positifs de personnes atteintes de coronavirus, dont 12 au sein de la Minusma. «Ce qui porte à 293 le nombre total de personnes positives au Covid-19 dans ce pays avec, au total, 73 cas de guérison et 17 morts, dont 7 dans les services de prise en charge des malades», précise ce communiqué.
De son côté, le porte-parole de la Minusma, Olivier Segbo, a précisé qu’au total 26 membres du personnel de l’organisation onusienne ont été contaminés par le Covid-19. «Ils sont placés en isolation et reçoivent les soins adéquats à Bamako», a-t-il ajouté, précisant que deux cas étaient maintenant guéris
Annoncée il y a deux semaines, la suspension des lignes aériennes de la Minusma, «sauf pour les transports cargo et les urgences médicales», vient d’être renouvelée pour deux semaines. Et, dans les camps, les mesures ont également été renforcées avec la multiplication de dispositifs de lavage des mains, désinfection bihebdomadaire des installations sanitaires, contacts permanents avec les équipes de riposte de Covid-19 locales, «mais aussi la fermeture de lieux collectifs ou lieux de culte», a-t-il ajouté.
«La Minusma soutient le gouvernement malien par rapport à son mandat et sur la base des requêtes qu’il a bien voulu soumettre à la Minusma. Bien entendu, la Minusma a pris des mesures pour aider à limiter la propagation du virus dans les différents centres et bureaux de vote», a déclaré de son côté Kacou Assoukpe.
Malgré les difficultés dues à la pandémie, la Minusma a accompli sa mission «sur les plans technique, logistique et sécuritaire», a-t-il insisté. Des patrouilles ont ainsi pu être organisées en même temps que des escortes de matériel. Des moyens de déploiement rapide des Casques bleus ont également été mis en place, partout où c’était nécessaire. «La Mission a par ailleurs pris part aux différentes commissions de travail au niveau des ministères impliqués dans l’organisation du scrutin», a-t-il encore fait valoir.
«Les observateurs du processus électoral ont conclu qu’il s’est plutôt bien déroulé dans l’ensemble du pays. Toutefois, nous avons noté que 691 bureaux de vote n’ont pas pu ouvrir pour plusieurs raisons: l’insécurité et la destruction du matériel électoral par des forces négatives. Ces chiffres seront confirmés lors de l’annonce des résultats provisoires», a expliqué le directeur des Affaires électorales de la Minusma.
Certifiant que les agents déployés sur le terrain «n’avaient relevé d’incidents graves» dans aucune des régions à risque du pays, il a également révélé que la Minusma avait réalisé des projections à partir de 547 bureaux de vote témoins «que nous avons consultés toutes les deux heures durant le scrutin», a-t-il indiqué.
Forte participation dans le Centre et le Nord
Jeudi 23 avril, le ministère malien de l’Administration territoriale a effectivement rendu publics les résultats provisoires du second tour de ces élections législatives 2020. D’après ces premières tendances, le Rassemblement pour le Mali (RPM-parti présidentiel) arrive largement en tête, suivi de l’Adema son allié, puis de l’URD de Soumaïla Cissé.
Les résultats provisoires officiels (ministère de l’Administration territoriale), suivis des résultats définitifs de la Cour constitutionnelle (avec apurement des nombreux contentieux), devraient être proclamés dans les prochains jours.
Lors du premier tour, les listes du parti présidentiel l’ont emporté à Kidal. Dans les trois circonscriptions de Tessalit, Tin-Essako et Abeibara, les scores des candidats ont même dépassé les 87%. À Bamako, le RPM et ses alliés sont arrivés en tête dans quatre communes sur six Quant au taux de participation, il s’est élevé à 35,33%, selon ces résultats provisoires. Un chiffre qui a été confirmé par la Minusma sur la base des 547 bureaux de vote témoins.
«Si l’on compare ce chiffre avec les législatives de 2013, où le taux de participation était de 38%, on voit que l’on n’en est pas très loin. Hormis dans le Nord, comme à Kidal où cette fois-ci, près de 60% des électeurs sont sortis pour aller voter, soit l’un des taux les plus forts jamais enregistrés, la fourchette, depuis 1992, a toujours été sous la barre des 40%», a commenté au micro de Sputnik France Kacou Assoukpe.
À Bamako, en revanche, la participation est faible avec seulement 13% des inscrits qui sont allés voter au premier tour par crainte de la pandémie. Dans les régions du Centre, par contre, celles où l’on enregistre le plus de conflits intracommunautaires, comme à Mopti, les taux de participation se situent «entre 40 et 50%», selon le chef des affaires électorales de la Minusma. Or, c’est aussi là où l’on trouve le plus grand nombre de bureaux non fonctionnels «soit près de 260 sur les 691 que la Minusma a signalés», a-t-il ajouté.
Fermeture des frontières avec l’Algérie
Le jeudi 16 avril, c’est Mahamat Saleh Annadif, représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies au Mali, qui s’était prêté au jeu des questions-réponses lors de la visioconférence hebdomadaire de la Minusma. Il avait aussi insisté sur le soutien apporté, dès le premier tour, aux autorités maliennes pour rendre possible la tenue du scrutin.
«Quelque 14 tonnes de matériel électoral (sensible et non sensible) ainsi que 200 agents de supervision du gouvernement ont été transportés, à leur demande, dans les régions du Nord et du Centre du pays par la Minusma. De plus, 71 assistants logistiques ont été déplacés par route ainsi que près de 1.000 préfets et des sous-préfets dans les cercles», avait annoncé le chef de la Minusma.
Au total, 62 tonnes de matériel ont été transportées entre le premier et le second tour –par air et par terre– pour couvrir les besoins sur les lieux de vote. Se réjouissant de la pleine coopération avec les autorités maliennes, y compris pour circonscrire le coronavirus pendant le vote, il avait appelé ses collègues à adopter une attitude de prudence extrême dans leur déplacement «qui puisse faire que nous continuions à délivrer», avait-il déclaré.
«Nous l’avons vu au niveau de Tombouctou, Gao et même Tessalit qui, aujourd’hui, a beaucoup de difficultés comme Kidal car ces deux régions sont voisines de l’Algérie qui a fermé ses frontières. Il y a des problèmes de ravitaillement. Nous coordonnons tout cela avec les autorités maliennes pour qu’il y ait le moins de contamination possible», a prévenu Mahamat Saleh Annadif.
Quant à savoir si la Minusma est en mesure de confirmer des informations selon lesquelles le chef de l’opposition aurait été enlevé par le Mouvement pour la libération du Massina d’Amadou Kouffa, le chef de l’organisation onusienne n’a pas voulu commenter. «En l’absence de toute revendication, je vous invite à vous adresser aux autorités maliennes qui sont les seules à gérer ce dossier», a-t-il rétorqué à la question de Sputnik France.