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Élections au Mali : De la pure indécence !

J’ai déjà eu à me prononcer sur « Les élections africaines », dans un article consacré à ce sujet, qui faisait suite à la douloureuse crise ivoirienne ; crise qui a fini par une intervention armée pour déloger le Président Laurent Gbagbo de son palais. Burlesque tragédie.

Les faits donnés à voir au Mali ces jours ci sont loin de démentir le caractère “crisogène” que revêtent lesdites élections : duel entre des tenants du pouvoir qui s’accrochent, utilisant toutes sortes de combines pour ne pas perdre, décidés à se maintenir, coûte que coûte, et des opposants exaspérés, décidés de leur côté à en découdre pour ne pas se laisser gruger (une fois de plus ?), comme déjà vu ailleurs.

Le Peuple malien, et c’est valable presque partout sur le continent (le Ghana, le Rwanda, étant des exceptions remarquables au sud du Sahara), a été suffisamment dégoûté par la fourberie des « chercheursde pouvoir », convaincu de mépris pour leur jeu politicien ; la politicaillerie faisant feu de tout bois.

L’argent, on le sait, est venu tout travestir, ramenant la démocratie à une foire d’empoignes, où se croisent et dansent des vendeurs d’illusions et des monnayeurs de conscience, dans un jeu de dupes où les larrons exultent. Rien à perdre.

Ce qui me vaut de prendre la plume pour revenir sur la problématique électorale « chez les Nègres », c’est la nouveauté dans l’imposture, ici, chez nous. J’ai dénoncé dans un précédent papier le manque d’éthique des responsables, expliquant des actes incongrus de l’autorité. Le Président de la République sortant et son régime nous ont fait voir un peu de tout :

  • Raccommodage de la loi électorale
  • Embrigadement des chefferies
  • Tripatouillage du fichier électoral
  • Cartes dites biométriques sans sécurité
  • Manœuvres illicites, électoralistes
  • Décisions administratives irrégulières
  • Planche à billet électoral

Nous assistons à une panoplie de machinations débridées, toutes attentatoires à l’essence morale, impersonnelle, inhérente aux institutions républicaines : de la pure indécence.

Un président de la République en campagne ne saurait valoir plus qu’un simple prétendant au fauteuil, sinon le jeu serait faussé au départ. C’est une évidence. Il est candidat au même titre que ses adversaires, et ne saurait disposer d’un privilège quelconque susceptible de le mettre au dessus de la mêlée dans l’arène. Ses attributs présidentiels ne devraient nullement, pendant cet intervalle, valoir un “fonds de commerce” pour lui dans le cadre de la compétition. C’est dire que durant cette période, il ne sied guère qu’il bénéficie d’avantages non justifiés, ou qu’il prenne des actes engageants qui seraient de nature contraignante pour l’exécutif à venir ; entre autres, des décisions pouvant influer sur l’issue du processus électoral, qui a, en plus de l’administration compétente, un organe de supervision (la CENI), un arbitre souverain (les populations, les électeurs) et un juge (la Cour Constitutionnelle) jugeant en dernier ressort.

Là où le président de la République est privé de ses prérogatives, dans un souci d’égalité des concurrents et d’équité démocratique s’entend, ce n’est pas son gouvernement qui serait autorisé à outrepasser cette réserve limitative de convenance, de bonne pratique.

  1. C’est de l’indécence, lorsque l’on décide dans la loi électorale de soumettre la validation des candidatures au parrainage d’élus (barrière discriminatoire), et qu’en plus aucune disposition préventive sinon dissuasive ne soit énoncée, ou prise, en vue d’empêcher la marchandisation et le marchandage de la caution convoitée.
  2. C’est de l’indécence, lorsque dans un pays appauvri par la misère de la gouvernance, avec des fonctionnaires milliardaires, on oublie de limiter les budgets et plafonner les dépenses de campagne électorale, pour laisser le ploutos piétiner le démos.
  3. C’est de l’indécence, lorsque des élus mettent dans leur bilan la réalisation, sur budget national, ou fonds de coopération, de projets, d’ouvrages, d’équipements, relevant de programmes publics régaliens dont l’initiative remonte le plus souvent à des mandats antérieurs, conçus par les services techniques de l’Etat, et non émanant d’une inspiration politique des partis et des cabinets. Bonjour l’amalgame !
  4. C’est de l’indécence, lorsque le régime en place utilise la période de précampagne pour mener des activités évidentes de campagne, en diffusant sur les antennes publiques des délégations et manifestations d’allégeance au profit d’un candidat (soutien, ralliement, propagande). Ce n’est pas parce qu’au sein de l’opposition d’autres concurrents ont pu faire de même, céder à la bêtise de la publicité au lieu de la dénoncer, que cette pratique déloyale serait recevable.
  5. C’est de l’indécence, lorsque les membres du gouvernement de la République sont appelés (tour à tour), non pas comme citoyens, militants, ou partisans, mais sous l’étiquette de ministres de la République, à battre campagne avec les symboles, titres et ressources de l’Etat pour un candidat, fusse-t-il le Président sortant.
  6. C’est de l’indécence, lorsqu’en lieu et place d’un fichier électoral audité, l’autorité se permet de mettre en ligne un autre fichier controversé, semant la zizanie en ligne, dissimulant mal dans sa légèreté l’intention première frauduleuse.
  7. C’est aussi de l’indécence, lorsqu’à la veille du scrutin le pouvoir se permet, en abus d’autorité et en violation des exceptions réglementées, de changer la hiérarchie du commandement à sa guise, en mettant en mission des fonctionnaires acquis au régime (postes de sous-préfet, de préfet et de gouverneur), des novices relatifs sur le terrain, mis à la place de ceux qui, au vu des dernières évolutions, en avaient eu une moindre connaissance pour pouvoir agir conséquemment face à l’insécurité.
  8. C’est de l’indécence, lorsqu’à la veille du scrutin un Secrétaire Général de département ministériel se permet et s’affiche, mouton sacrificiel, à travers une instruction spéculative infatuée tendant manifestement à autoriser la fraude massive par voie de procuration. Et, à défaut, d’encre indélébile, point.
  9. C’est de l’indécence, lorsqu’en allant aux élections on mise sur l’achat de conscience des damnés de l’ignorance et sur la tricherie, en usant de tous les subterfuges, dont le bourrage des urnes, et exploitant les failles et manques de vigilance adverses et l’inconsistance des écuries des candidats en termes d’organisation et de contrôle.
  1. C’est de l’indécence, enfin, lorsque le trésor public est outrageusement dépouillé, délesté de recettes budgétaires anticipées, pour les besoins de la campagne électorale du pouvoir.

Tant de forfaits valent accusation de forfaiture du régime dans la conduite du processus électoral. On peut en déduire qu’il faut que les patriotes maliens changent de logiciel ; qu’il est temps de trouver une alternative à la démocratie épidermique au Mali et à l’Etat voyou qui ne recule devant aucune entorse à la légalité, ayant la corruption comme cheval de bataille et des malfrats blanchis comme piliers.

Jeunes du Mali, réveillez-vous !

Mohamed Coulibaly

28 juillet 2018

Source: Delta News

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