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Edward Snowden en plein écran

« C’est la première fois que vous apparaissez en France. » Curieuse, cette formulation de Nicolas Demorand pour remercier Edward Snowden d’intervenir à la Journée internationale des droits de l’homme à la Gaîté lyrique, à Paris. Mais comment s’adresser à l’informaticien en exil, l’homme qui a fait connaître au monde entier la surveillance de masse de la NSA ? Merci d’être là sans pouvoir venir ? Merci d’être chez vous ou pas exactement chez vous ?

NSA Drone Strikes

«Vous avez l’air d’avoir bonne mine », lui dit Nicolas Demorand alors que le visage de Snowden apparaît sur l’écran immense. Il l’interroge sur sa sécurité à Moscou où il vit depuis l’été 2013. Les équipes d’Amnesty International ont dû se mettre au mail crypté pour organiser le rendez-vous avec l’aide de ses avocats, mais personne n’a dû vérifier que Demorand et Snowden parleraient la même langue.

Peut-être qu’Edward Snowden n’a plus de jambes depuis longtemps et qu’on l’ignore, condamné depuis son exil russe à une vie de visioconférence.

Sur le grand écran de l’auditorium, le jeune homme regarde à gauche, lève les yeux, sourit. L’animateur de France Inter regarde en l’air. Si la téléconférence marchait trop bien, on trouverait ça louche. Heureusement qu’il y a quelques grumeaux et des « Can you hear me now ? » « Qu’est-ce que vous savez sur nous ? » Snowden botte en touche, il dit ne plus avoir accès aux documents qu’il a dévoilés, rappelle quand même que des rapports avaient indiqué qu’Orange avait fourni des informations à la DGSE. « A la presse de continuer… »

Le rendez-vous des lanceurs d’alerte

A vrai dire, personne n’attendait de scoop. La parole de Snowden n’est plus si rare. Il intervenait encore récemment au Conseil de l’Europe, en Suède une semaine plus tôt pour la remise d’un prix, en Hollande pour un autre la semaine suivante. A chaque fois, son visage apparaît sur un grand écran tel le tyran d’Hunger Games. On reconnaît la fine monture de ses lunettes, ses cols de chemise. Peut-être qu’Edward Snowden n’a plus de jambes depuis longtemps et qu’on l’ignore, condamné depuis son exil russe à une vie de visioconférence.

Face à lui dans la salle, ils sont quelques-uns à avoir aussi été des lanceurs d’alerte, James Dunne, qui a témoigné sur la vente d’un système de surveillance Internet à la Syrie, ou Stéphanie Gibaud, lanceuse d’alerte de la banque suisse UBS. Mais dans l’auditorium, du journaliste du New York Times à l’auteur d’une des biographies qui lui ont été consacrées, on cherche encore surtout à comprendre qui est cet homme de 31 ans, quel est son moteur.

« La surveillance qui se faisait auparavant de manière ciblée, à partir de soupçons, se fait depuis dix ans par une collecte sans discernemente. »

Ce mercredi après-midi, Edward Snowden semble presque surpris du tournant que sa vie a pris. « Je passe beaucoup de temps à travailler, à échanger avec des activistes », dit-il de son nouveau quotidien. Il reconnaît travailler sur les standards du Web (pour qu’il puisse être moins facilement surveillé). « La surveillance qui se faisait auparavant de manière ciblée, à partir de soupçons, se fait depuis dix ans par une collecte sans discernemente », déplore-t-il.

Quand Snowden parle de gouvernement et de démocratie, on comprend comment un même idéalisme a pu le pousser à s’engager dans l’armée pour soutenir la guerre contre l’Irak en 2004 et à se faire traiter de traître moins de dix ans plus tard. « Le gouvernement est fondé sur l’idée d’un consentement des gens qui l’ont élu, rappelle-t-il. Mais si nous ne comprenons plus ses programmes et que le gouvernement les met en oeuvre sans notre consentement, nous ne sommes plus des citoyens mais des sujets. »

En bâtissant le programme de cette Journée internationale des droits de l’homme, Amnesty International n’avait pas prévu que son invité vedette établirait spontanément un lien entre la cybersurveillance illégale et le rapport sur la torture publié par le Sénat américain. « Quand nous changeons les règles sans contrôle démocratique, on l’a vu avec le rapport sur la torture, la pente est dangereuse. » Demorand dit le respect qu’il a pour lui. Edwy Plenel, le patron de Mediapart, assis au premier rang, applaudit vigoureusement, le public avec lui. Et disparaît le visage de l’anti-Big Brother qui vit désormais sur grand écran.
Source: lemonde.fr

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