De 1992, dates des premières élections pluralistes, à nos jours, la démocratie a connu bien des péripéties, vécu bien de hauts et de bas, traversé des crises plus périlleuses les unes que les autres ; elle a même survécu à un coup d’État, enfin c’est que nous croyions. Les événements de ces derniers jours prouvent que nous étions loin du diagnostic et que le mal est plus profond que nous ne le pensions.
Il est bien loin le temps où les élections sonnaient le temps de la fête. Les élections municipales, législatives et présidentielle en 1992 étaient de celles-là. Puis la machine s’est enrhumé en 1997 avec une grosse toux à la clé qui a vu la Cour constitutionnelle invalidé les élections législatives pour cause de cafouillage dans la confection des listes et la distribution des cartes électorales. Malgré la légitime colère et quelques gros mots prononcés de façon fort audible, l’enthousiasme n’avait pas déserté le cœur des électeurs qui savaient bien que, quoiqu’imparfaites les élections leur permettaient de choisir des hommes et des femmes, sur la base d’un programme tiré d’un projet de société.
Mais incontestablement, 1997 marque un tournant dans les faillites enregistrées dans notre parcours démocratique. Les années et les élections suivantes n’ont fait que creuser en profondeur le fossé qui n’a cessé de séparer les citoyens et la classe politique (classe politique assimilée à une sorte de caste). L’arrivée de nouveaux acteurs politiques plus intéressés par leur gain personnel que le confort des populations a fini de corrompre une démocratie déjà mal en point. Le coup d’Etat de 2012 a cassé les derniers ressorts et les Maliens se sont retrouvés devant un vaste champ de ruines.
La manifestation du vendredi 05 juin prolonge une série de manifestations plus ou moins téléguidées, regroupant des responsables d’horizons divers et souvent opposés, surfant sur les frustrations et les déceptions des populations. Aujourd’hui les Maliens dénoncent tout : la fermeture de l’école ; l’insécurité généralisée avec la Région de Mopti comme épicentre où Peulhs et Dogons s’entretuent quand ils ne sont pas tués dans le silence le plus total ; la corruption à tous les niveaux, n’épargnant aucun secteur y compris les plus vitaux ; et « le blanchiment des élections » comme l’a dit l’Imam Dicko. Sur ce dernier point, tous ceux qui étaient dans la rue réclamaient la restitution de leurs voix « volées » par la Cour constitutionnelle. Les Maliens qui se sont battus convaincus que les élections étaient la solution à leurs problèmes se disent aujourd’hui qu’il ne sert à rien de voter, parce que « nos voix ne comptent plus ».
Le Président de la République ne démissionnera pas comme le réclame le nouveau front sociopolitique. Mais en homme avisé, il devra prendre des initiatives rapides et salutaires pour reprendre la main et redresser la barre.
Akhimy Maïga
Nouvelle République