Au fur et à mesure que l’on s’approche des élections prévues pour 2022, une question reste toujours en suspens : les autorités maliennes vont-elles respecter le délai de 18 mois imparti à la transition ? Depuis plusieurs mois, la question de la prorogation n’est plus tabou et agite les cercles politiques à Bamako voire au-delà, jusque dans les « grins », la version malienne de radiotrottoir.
Fichier électoral, réorganisation territoriale, enrôlement des électeurs, organe unique de gestion des élections, réformes politiques et institutionnelles, instabilité sécuritaire, les assises nationales : ce sont les sujets autour desquels se polarise le débat, et qui constituent également des chantiers de grande importance sur lesquels le gouvernement de transition doit avancer pour tenir des élections à date.
Ce que l’on sait, à l’heure actuelle, est que rien de conséquent n’a été réalisé concernant ces dossiers. Ce qui a achevé de convaincre, même les plus incrédules, de l’intention de plus en plus claire des autorités maliennes de transition d’aller au-delà du délai imparti. Et ce sont pas les arguments qui vont manquer. D’ores et déjà, les manifestations et appels à proroger que nous avons vu déferler ces dernières semaines en ont repris certains – les plus majeurs – à leur compte : lutte contre l’impunité et la corruption, l’instabilité sécuritaire, les reformes. Plus qu’un ballon d’essai, ces appels et manifestations font partie d’une stratégie bien huilée destinée à faire triompher l’idée que le « peuple » réclame une prorogation. Et, last but not least, le premier ministre, Choguel Maïga, a déjà dit devant les diplomates étrangers que les élections n’étaient vraiment pas la priorité.
Les partis politiques, notamment ceux réunis au sein de la plateforme pour une transition réussie, l’ont déjà compris : d’où la sonnette d’alarme tirée plusieurs fois pour exprimer leur inquiétude quant à toute tentative de prorogation. Réveil tardif ? On serait tenté de répondre par l’affirmative, tant il est évident qu’ils seront peu audibles dans un contexte sociopolitique où une vague populiste tend à leur imputer la responsabilité de tous les malheurs du pays. Et les militaires sont mis sur un piédestal, adoubés, salués comme les seuls capables de remettre le Mali sur les rails d’une sortie de crise en imposant « la loi et l’ordre », pour reprendre un slogan pompeux qui a fait long feu ailleurs. Car, on le dira jamais assez, l’une des manifestations de l’impasse dans laquelle se trouve le Mali est aussi de croire que « le vrai pouvoir se trouve dans l’institution militaire ».
Il ne fait donc pas de doute qu’un dialogue de sourd s’installe entre Choguel Maïga, qui tient aux Assises nationales dites de la refondation, mais que plusieurs partis, et non des moindres, comptent boycotter car n’en voyant pas la pertinence et estimant que les élections doivent être la priorité du gouvernement de transition. Et des voix, au sujet de l’éventualité d’une prorogation, indiquent que cela pourrait être bien possible en mettant en place un gouvernement d’union nationale, comme ce pays en a déjà connu. Dirigé par Choguel Maïga ? Rien n’est moins sûr.
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