Après l’historique et la mémorable mobilisation du vendredi 14 janvier 2022, nul ne pourrait douter du soutien indéfectible et sans faille du peuple malien à ses autorités de la transition. Cette incontestable légitimité doublée des prouesses militaires évidentes sur le théâtre des opérations donne au Président de la transition, le Colonel Assimi Goïta une force supplémentaire et fait de lui un interlocuteur incontournable pour la CEDEAO, afin d’envisager lucidement des solutions pour une sortie de crise. Mais la question que l’on est en droit de se poser est celle de savoir si le seul soutien populaire suffit-il pour que la CEDEAO fléchisse et allège ses sanctions contre le Mali dont les conséquences se font déjà sentir ? La réponse est certainement non, car la CEDEAO demeure intraitable sur une proposition conséquente et raisonnable d’un chronogramme permettant un retour rapide à l’ordre constitutionnel. En effet, la CEDEAO a non seulement rejeté la proposition de cinq ans comme durée de la transition faite par les autorités maliennes, mais aussi et surtout elle a exigé la tenue sans délai d’élections pour un retour rapide des civils au pouvoir.
Pour rappel après le coup d’Etat d’Août 2020, les autorités d’alors s’étaient engagées, à travers une charte, d’organiser les élections au terme de 18 mois de transition. Ce délai a été revu, après la rectification de la transition par le colonel Assimi Goïta. Cette « rectification » a permis aux Colonels d’écarter le Président de la Transition Bah N’Daw et son premier Ministre Moctar Ouane. Après ce scénario rocambolesque, commença un nouveau feuilleton dont le premier épisode a été la remise en cause et de la charte de la transition et surtout le refus de proposer un autre chronogramme avant la tenue des Assises Nationales de la Refondation, ANR. Au terme de ces ANR c’est une proposition de cinq ans qui a été faite aux chefs d’Etat de la CEDEAO par le Gouvernement Choguel. C’est cette proposition qui a, semble-t-il, précipité la prise de sanctions radicales et sévères de la CEDEAO et de l’UEMOA contre le Mali. Qualifiées d’illégitimes et d’illégales, ces sanctions, qui vont de la fermeture des frontières aériennes et terrestres, au gel des avoirs du Mali à la banque centrale, sont en train de se faire sentir sur le Mali et les maliens. En effet, la raréfaction des ressources financières et surtout l’augmentation des prix des denrées de première nécessité, bien qu’exempt de tout embargo pèse lourdement sur l’économie et sur les ménages déjà fragilisés par la COVID-19 et l’insécurité. Le Mali ne pourrait pas résister longtemps la seule fibre patriotique que l’on exhibe à tout bout de champ ne suffit plus pour résoudre le quotidien des maliens.
Face à ces questionnements, le gouvernement est fortement interpellé pour parer au plus pressé afin d’éviter toute situation désastreuse. Ventre vide n’ayant point d’oreille, le Colonel Assimi Goïta pourrait courir le risque d’être désavoué par son peuple si cette situation perdurait ou s’empirait. Pour éviter que le héros Assimi Goita ne devienne le bourreau, il lui revient d’ouvrir rapidement le dialogue avec la CEDEAO pour trouver une issue favorable à cet imbroglio. Le Colonel Assimi Goïta ne devra nullement céder au son de sirène des Zélateurs et aux discours populistes des opportunistes qui ne vivent que des situations de ce genre. Le Mali ne pourra pas tenir, car tous les établissements financiers sont sous pression, l’économie en ressent fortement et les caisses de l’Etat sous tension.
Youssouf Sissoko
Source: L’Alternance