L’adoption de la loi électorale par le Conseil National de Transition, CNT et sa promulgation par le Présidant de la transition ouvre véritablement un grand boulevard au chef de la junte militaire pour être candidat aux prochaines élections présidentielles, tout comme d’ailleurs les autres membres. Cette loi taillée sur mesure, fait sauter le verrou devant tout porteur d’uniforme qui ambitionne de briguer un mandat électif, mais à la seule condition de démissionner de l’armée quatre petits mois avant les élections.
Pour rappel, la fameuse et controversée loi oppose le CNT au Gouvernement qui dit ne pas s’y reconnaitre. Le débat qui est en cours aujourd’hui est sans nul doute la candidature du chef de la junte le Colonel Assimi Goïta. Où sont les conseillers politiques du Colonel Assimi Goïta ? Aura-t-il été trahi par ses frères d’armes avec lesquels il a perpétré le coup d’Etat et qui n’auront pas le courage de le dissuader ou de le persuader de ne pas se lancer dans une aventure sans issue ? Ne pourrait-il pas s’inspirer de l’exemple du Général putschiste Robert Guéi de la Côte d’Ivoire, avant de nourrir une ambition présidentielle ? Mesure-t-il réellement les défis auxquels il sera confronté pendant la transition et qui lui feront perdre toute sa popularité ? Sur quel appareil politique va-t-il se reposer pour ratisser large ? Compte-t-il sur un tripatouillage des résultats pour confisquer le pouvoir ? De quoi a-t-il peur ? Le Colonel Assimi Goïta doit comprendre que pour relever les immenses défis que sont ceux du Mali d’aujourd’hui il faut un homme d’expérience, un rassembleur, un visionnaire et un porteur de projet pour le Mali
Pour rappel, le Général Robert Guéi était l’auteur du coup d’Etat du 24 Décembre 1999 qui a renversé le Président Henri Konan Bédié. Le Général putschiste ivoirien a pris par la suite la tête du Conseil National du Salut du peuple, comme le CNSP du Colonel Assimi Goïta après avoir renversé IBK le 18 Aout 2020. Le Général Guéi, ayant pris goût du pouvoir organisa une élection présidentielle, pensant la tailler sur sa mesure en écartant tous les ténors qui étaient susceptibles de lui barrer la route. Il n’a autorisé que Laurent Gbagbo à se présenter car il pensait que ce dernier était le maillon faible de la scène politique ivoirienne, parce qu’issu d’une ethnie ultra minoritaire en Côte d’ivoire, à savoir l’ethnie Bété. Pour Balayer le terrain et accomplir son dessein machiavélique, le général putschiste a commencé par éliminer de la course pour le pouvoir des ténors de la politique ivoirienne comme Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié. Malgré les tripatouillages et autres intimidations, il sera battu à plate couture par Laurent Gbagbo. Le Général putschiste sanctionné dans les urnes a voulu confisquer le pouvoir, mais mal lui a pris, car le peuple ivoirien s’est farouchement opposé et Robert Guéi a fini par prendre la poudre d’escampette pour aller se réfugier dans son village natal. Le 19 septembre 2002, accusé par le pouvoir d’être à l’origine de la tentative de coup d’État, le Général Robert Guéi sera assassiné par les escadrons de la mort de Laurent Gbagbo.
Tout le mal que l’on peut souhaiter au Colonel Assimi Goïta c’est non seulement de s’inspirer de l’exemple Robert Guéi pour renoncer à se présenter aux élections présidentielles, mais aussi et surtout de réussir sa transition en remettant le flambeau à un Président démocratiquement élu quitte à lui de revenir plus tard comme ATT. Mais si jamais dans l’euphorie de sa relative popularité, il nourrit l’ambition de troquer le treillis contre la veste pour se maintenir au pouvoir il ne sera pas à l’abris du syndrome Robert Guéi. Trois raisons fondent notre allégation, la première raison est qu’il perdra sa popularité au fur et à mesure que la transition avance, car il sera assailli par les revendications syndicales après la levée de l’embargo et fera également face à la crise socio-sécuritaire. Le deuxième élément qui plaide en sa défaveur serait son manque d’expérience politico-administrative et surtout d’appareil politique outillé pour faire le maillage territorial. Donc en descendant dans un marigot plein de gros caïmans, l’agneau et le néophyte Assimi risque de se faire dévorer. Le troisième argument et non le moindre serait sans nul doute le manque de soutien des grands partis politiques, car pour gagner les élections il faudrait avoir le soutien des grands partis comme l’URD, l’ADEMA et le RPM. Il n’est pas évident d’avoir l’entièreté de ces trois partis qui sont presque tous en lambeaux car minés par des querelles intestines. Il serait alors difficile pour le colonel Assimi Goïta de gagner une présidentielle dans le contexte actuel d’inimitié de la communauté internationale et de fragilité socio sécuritaire, voire économique. Donc mon Colonel sachez raison garder.
Youssouf Sissoko
Source: L’Alternance