Devenu aphone dans le concert des nations depuis la fin du régime de Modibo Kéita, le Mali de Moussa Traoré a eu une diplomatie plus ou moins tranchante avec Alioune Blondin Bèye, avant de rentrer dans les rangs à partir de 1992 parce que les présidents de l’ère démocratique ont été plus soucieux d’apparaître comme de bons élèves de la communauté internationale. Et puis, arriva cette transition atypique dirigée par le Colonel Assimi Goïta qui a choisi Choguel Kokalla Maïga comme Premier Ministre. La langue de bois a disparu et les maliens découvrent la face hideuse de la politique-bouffon et de ses principaux animateurs.
Une transition qui commence à faire rêver
Depuis trente ans, la volonté de conserver le pouvoir et de préserver des intérêts personnels a nettement pris le pas sur l’affirmation de soi et des valeurs qui font la grandeur du Mali. La pratique politique s’est délitée au point que le président de la république et ses proches contrôlent absolument tout, confinant les autres institutions dans un rôle de figurants de luxe. La démocratie est ainsi restée pour de nombreux maliens une simple vue de l’esprit et le pays a été plongé dans l’enfer de la corruption, du népotisme et de l’occupation par des bandes terroristes bien orientées, le plaçant du coup sous la menace permanente des coups d’Etat et des transitions politiques. IBK qui avait suscité beaucoup d’espoir a déçu, abandonnant le Mali aux mains de pires prédateurs avec à la clé de nombreux délits d’initié et des détournements vertigineux des ressources publiques. Les élections législatives controversées de mars-avril 2020 vont sonner le glas du régime moribond et conduire une fois de plus l’armée au-devant de la scène. Aujourd’hui, force est de reconnaître que le tandem Assimi – Choguel pratique une gouvernance de rupture que beaucoup pensaient improbable. Le discours et la posture ont changé, des réformes courageuses et novatrices sont lancées. La Justice libérée des entraves politiciennes interpelle plus gros que de simples lampistes. Le Premier Ministre consulte régulièrement les forces vives et l’armée apparaît plus que jamais soudée. Le front social se calme pendant que les politiciens discrédités, frileux et timorés tournent en rond. C’est dans ce climat que survient le discours mémorable du Premier Ministre Choguel prononcé devant les Nations Unies. Le monde entier médusé a écouté et entendu la voix du Mali, avec des propos certes mesurés mais combien poignants. La France d’abord surprise et désorientée, profondément troublée, a fini par avoir la réaction d’une femme abandonnée, se défendant maladroitement et accusant de tout et de rien. Un bon point pour l’attaque malienne qui a fait mouche à la tribune des Nations-Unies. Décidément, cette jeune génération d’officiers militaires conduite par Assimi Goïta est en train de nous faire rêver et elle a trouvé en Choguel le politicien courageux et constant dans ses prises de position, qui connaît parfaitement le problème malien dans toutes ses dimensions. A présent, il s’agit de pousser la logique jusqu’au bout, en reprenant totalement la main sur le terrain face aux tentatives de spoliation et de déstabilisation.
Le jeu trouble de la France au Mali
Si le Mali a accueilli l’opération SERVAL en 2013 dans la liesse, il a dû déchanter quelques jours seulement après, suite au veto posé par la France à l’entrée de l’armée malienne à Kidal. En soutenant ouvertement le MNLA, un mouvement séparatiste qui ne reconnaît pas l’autorité de Bamako, dont elle est allée chercher les dirigeants dans les pays voisins pour les installer à Kidal et en faire les interlocuteurs obligés de l’Etat du Mali, la France a montré son vrai visage, celui de l’ami qui embrasse pour étouffer et donner le baiser de la mort. En réalité, la trahison a précédé « l’abandon en plein vol » qui n’a été qu’un doux euphémisme préféré par le Premier Ministre Choguel. La transformation plus tard de SERVAL en BARKHANE a confirmé la volonté de la France de noyer le problème malien dans celui plus complexe du Sahel. Le Mali qui n’avait demandé qu’une couverture aérienne à la France, a vu celle-ci débarquer avec des troupes au sol, comme l’a confirmé le Premier Ministre de l’époque Django Sissoko. Ce déplacement du nœud du problème a permis à la France de s’implanter et de faire des maliens affaiblis et vulnérables de simples spectateurs de leur propre destin pendant huit ans. Aucun objectif majeur n’a été atteint avec la présence française parce que la menace djihadiste qui était circonscrite au seul nord du Mali, est présente partout aujourd’hui. Pour ce qui est du devoir de reconnaissance évoqué par Macron, les peuples du Soudan français ont payé pendant la 2ème Guerre mondiale un lourd tribut pour libérer la France de l’occupation allemande, avant d’être payés en monnaie de singe. François Hollande l’a reconnu. Dès lors, si le Mali souhaite explorer d’autres voies pour assurer sa sécurité, quoi de plus normal ? A moins que l’invité se prenne pour le propriétaire, au point de vouloir dicter aux autorités maliennes une conduite. Le Mali ne confond pas la France avec ses dirigeants politiques qui eux, ne sont pas au-dessus de tout soupçon. N’est-ce pas la France qui, au cours des premières années des indépendances, avec les réseaux Foccart et autres barbouzes, a introduit la culture du mercenariat et de la déstabilisation politique en Afrique ? Qui ne connaît Bob Denard de triste mémoire ? N’est-ce pas Nicholas Sarkhozy qui, en déstabilisant la Libye a créé les conditions de l’instabilité au Mali et dans le Sahel ? Le Mali qui apprend vite et bien a été à la bonne école. La Transition conduite par Assimi Goïta fait donc honneur au Mali profond, celui de nos pères qu’il réhabilite, en mettant à nue la forfaiture et la trahison des politiciens et collabos maliens de la 5ème colonne qu’on voit se précipiter à Ouagadougou et à Paris pour prendre des instructions et soutenir des sanctions contre leur propre pays. Aujourd’hui discrédités, ils sont semblables à des âmes en peine qui errent au purgatoire en attendant la chute finale. Et ce n’est pas un hasard si Macron, sentant son « empire malien » s’écrouler, s’inquiète lorsqu’on demande des comptes à certains de ses porteurs de bagages. Le président Ba N’Daw avait quelle légitimité ? Cela n’a pas empêché Macron de lui tresser des lauriers en lui adressant des éloges qu’il a eu tort de mériter. On sait que depuis la fin de la période Mitterrand-Chirac, la France elle aussi est orpheline de grands leaders politiques. Les trois derniers présidents français ont été élus par défaut, c’est-à-dire faute de mieux. Sans grande vision pour un pays de la dimension de la France et adeptes de la politique-spectacle, ils ont été régulièrement vilipendés et ont du mal à se faire réélire. Le Président de Transition et son Premier Ministre ont été durement et bassement attaqués par le Gouvernement français avec la condescendance qui sied à un colonialiste bon teint. C’est la preuve qu’Assimi et Choguel ont choisi de tourner le dos à l’hypocrisie souriante des marionnettes et des marionnettistes, pour le grand bien du Mali.
La France des nains politiques est en train de perdre le Mali qui a pourtant une certaine estime pour le peuple français et sa soif de liberté. Assimi Goïta et Choguel Maïga, totalement en phase avec le peuple malien, ont mis le doigt où cela fait mal : la duplicité des dirigeants politiques français. Le Mali de l’honneur et de la dignité est débout et il sera désormais plus attentif à la présence, aux faits et gestes de tous les aventuriers vaquant sur son sol à des occupations mal définies.
Mahamadou Camara
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Source : L’Alerte