L’Union pour la République et la Démocratie (URD) a été créée en juin 2003 par des transfuges de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema-PASJ), réunis autour de Soumaïla Cissé, ancien candidat à l’élection présidentielle de 2002. Pour cette tendance, malgré la victoire de leur idole, ‘’Soumi Champion’’ aux primaires de l’Adema – PASJ contre son camarade Soumeylou Boubeye Maïga, il n’aurait pas bénéficié de la synergie escomptée de l’ensemble du parti pour réussir le dernier round, le second tour contre le candidat indépendant Amadou Toumani Touré. Le reste, on le sait : si au premier tour de l’élection présidentielle, le 28 avril 2002, Soumaïla Cissé, candidat officiel de l’Adéma-PASJ, arrive second avec 21,32 % des voix derrière Amadou Toumani Touré (28,71 %), au second tour, il est, avec 35,65 % des voix, battu par Amadou Toumani Touré. L’enfant de Niafunké prend date, et l’URD voit le jour.
Et de deux, pour Soumaïla Cissé, candidat au second tour de l’élection présidentielle en 2013, contre le candidat Ibrahim Boubacar Kéita. Ils reportent au second tour leur bataille de titan, le premier tour s’étant soldé par 19,44% des voix pour le candidat de l’Union pour la République et la Démocratie (URD), contre 39,24% des voix pour le candidat du Rassemblement pour le Mali (RPM). Les résultats officiels du second tour, proclamés le 15 août 2013, ont vu le candidat Ibrahim Boubacar Kéita l’emporter avec 77,62 % des voix contre 22,38 % pour Soumaïla Cissé, laissant à ce dernier l’option de la chefferie de l’opposition.
Cinq ans plus tard, le même Ibrahim Boubacar Kéita est appelé à ‘’défendre le titre’’ face au même Soumaïla Cissé, endurci par un quinquennat de vie d’opposant. Et de trois… Au premier tour organisé le 29 juillet 2018, le président sortant Ibrahim Boubacar Keïta arrive en tête avec 41,42 % des voix, contre 17,80 % pour le chef de file de l’opposition Soumaïla Cissé. Ibrahim Boubacar Keïta est réélu avec 67,2 % des voix à l’issue d’un second tour contesté par l’opposition et dans un contexte de forte abstention s’élevant à deux tiers des inscrits. Ce qui n’est pas une caution de crédibilité ni de transparence. En tout état de cause, si le candidat de l’URD Soumaïla Cissé a eu l’amabilité de se rendre chez Ibrahim Boubacar Kéita, pour le féliciter pour sa victoire le soir du scrutin du 13 aout 2013, l’atmosphère ne se prêtait pas à ce fair-play, après le second tour contesté de 2018.
L’enlèvement du président de l’URD Soumaïla Cissé par des extrémistes violents, opérant dans le nord du Mali, puis son décès quelques mois après sa libération, ont bouleversé les Maliens, l’URD et la donne politique au Mali, avec des effets inattendus, dont l’adhésion de ‘’canditiables’’, qui prétendent porter l’étendard du parti lors de la prochaine élection présidentielle du Mali en 2022.
Dignitaire du pouvoir IBK
La vie de l’URD a été marquée du sceau de l’opposition au pouvoir du Président IBK, depuis 2013. Les gouvernements successifs du Président IBK de 2013 jusqu’à sa chute, le 18 aout 2020, ont senti une opposition qui n’a pas baissé les boucliers, ne laissant pas le choix à un pouvoir obligé de maintenir ses gardes, à tout point de vue. Et de 2013 à 2020, Dr. Boubou Cissé a occupé les postes clés, comme celui de ministre de l’Industrie et des Mines en 2013; de ministre des Mines en avril 2014 ; de ministre de l’Economie et des Finances ; ensuite de Premier ministre et de ministre de l’Economie et des Finances cumulés, de janvier 2016 jusqu’au 22 avril 2019. Il reste Premier ministre jusqu’au 18 août 2020, date du renversement du pouvoir IBK par une intervention militaire.
Fraichement sorti entre les pattes de l’éléphant dans une confuse affaire judiciaire de « complot contre le gouvernement», Dr. Boubou Cissé a rapidement pris ses quartiers à l’URD, s’insérant parfaitement dans les organes et prenant une part active dans les instances du parti. Est-ce pour trouver refuge au sein de ce grand parti pour bénéficier de sa protection et sa clémence, après lui avoir infligé une vie dure ? Est-ce pour profiter de l’appareil politique qu’est l’URD pour prendre son envol, en apportant boussole et kérosène ?
En tout cas personne ne croirait que Dr. Boubou Cissé perdrait son temps à poursuivre une politique de phagocytose pour décimer le parti de Me Demba Traoré, de Salikou Sanogo, de Ibrahima Ndiaye et autres, qui ont rendu la vie difficile au pouvoir contesté du président IBK et Boubou Cissé. Un entrisme serait une futilité en période de démocratie pluraliste. Si Boubou Cissé parvient à se faire accepter par ses nouveaux camarades de l’URD où il a posé ses valises et prétend au gouvernail, au grand dam de ceux qui ont trimé pour bâtir brique après brique, cet édifice, affronté les intempéries, marché dans les bourrasques, piétiné épines et serpents pour avoir un instrument capable de relever les défis de la gouvernance, il aura servi de fil réconciliateur, pour rallier les pôles divergents, concilier des signes positifs et négatifs pour que jaillissent le feu, qui ne sera pas destiné à brûler, mais à éclairer. Le technocrate endurci au cœur du pouvoir d’IBK réussira-t-il une telle prouesse pour le Mali et pour les Maliens? Ce qui est sûr, Dr. Boubou Cissé ne peut pas revendiquer l’héritage politique de feu Soumaïla Cissé, et l’URD non plus accepter l’inverse. De part et d’autre parviendra-t-on à se taire sur les différences ? Attendons de voir !
B. Daou
Source: Le Républicain