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Dossier «Mama Lah» : une incarcération à l’allure d’embargo sur le Mali

Le lièvre levé par l’intervention accablante de la ministre de l’Energie n’a de cesse de défrayer la chronique et d’agiter une opinion polarisée autour de la société EDM SA. À défaut de sauver la face par la capture des voleurs fictifs de 59 citernes imaginaires, Bintou Camara trouvera peut-être des excuses dans le déclenchement d’un autre scandale de l’hydrocarbure : le tripatouillage présumé des exonérations accordées au titre de l’approvisionnement des centrales de production électrique.

La tutelle d’EDM aura surtout démontré une grande habileté à l’enquête douanière en activant, avec le coup de pouce département la justice, ce nouveau dossier qui contribue par ailleurs à déresponsabiliser les autorités dans la carence énergétique. Peut-être même plus qu’avec le scandale des groupes électrogènes défectueux. Depuis quelques semaines, en effet, le public paraît plus fasciné par les arrestations spectaculaires qu’il n’est préoccupé par l’irrégularité de la desserte électrique qui s’installe plus ou moins confortablement dans les habitudes. C’est ainsi qu’en plus de la cheffe du Bureau douanier des produits pétroliers, que les brigadiers du Pôle économique ont retenue au-delà des délais légaux, le milieu carcéral s’est enrichi d’une autre figure célèbre. Il s’agit du géant malien des hydrocarbures, Mama Lah, PDG de la société Lah et fils. Selon les sources documentaires que nous en détenons, l’affaire a plutôt trait à un usage abusif des exonérations estampillées EDM SA qu’aux doubles facturations révélées au public par les autorités. Rien n’indique par ailleurs que les proportions de carburant prétendument détournées ne résultent d’un amalgame entre des quantités abusivement importées avec le titre d’exonération d’EDM et celles qui lui sont réellement destinées. Au lieu de 22 millions de litres dont 19 millions pour la seule société Lah & Fils, ne seraient en souffrance, en définitive, que les seuls droits de douane afférents aux dites quantités. C’est la conclusion tirée, en tout cas, par certains enquêteurs dans un document abondamment diffusé sur les réseaux sociaux.

Qu’à cela ne tienne. Les ennuis judiciaires du magnat malien des hydrocarbures semblent comporter plus de préjudice que de justice, au regard de la place qu’il occupe dans le système d’approvisionnement du pays en combustibles. En plus de sa contribution pour environ 5 milliards par mois aux recettes douanières des hydrocarbures, le principal fournisseur d’EDM, selon certaines sources, est également détenteur d’un parc de 500 camions dont l’immobilisation pourrait paralyser l’approvisionnement de tout le pays en hydrocarbure. Or le déclenchement de la procédure judiciaires à son encontre aurait déjà entraîné l’arrêt desdits camions, en vertu du droit de confiscation des biens.

Les observateurs partagent par conséquent la crainte d’un désastre énergétique beaucoup plus intense sur fond de pénurie inhérente à la réduction des moyens d’approvisionnement des centrales de production. La nouvelle crise latente est même extensible et pourrait affecter, selon eux, l’approvisionnement des stations d’essence ainsi que le secteur des transports et la mobilité humaine par ricochet.

Plusieurs établissements bancaires maliennes pourraient redouter par ailleurs d’être atteints par les éclats de l’action judiciaire déclenchée contre le richissime opérateur. On cite par exemple la BCI où Mama Lah serait débiteur pour plus de la centaine de milliards ou encore la BMS avec une série de traites de plusieurs milliards accordés au nom de ses activités dans le domaine des hydrocarbures. Il va sans dire qu’un arrêt d’activités implique une compromission des intérêts liés aux traites alors que le principal ne repose que sur des hypothèques immobilières.

A KEÏTA

Le Témoin

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