Dès son arrivée à la Maison-Blanche, le Président américain Donald Trump a marqué un tournant dans la politique étrangère des États-Unis en signant un décret suspendant pour 90 jours l’aide au développement destinée aux pays étrangers. Cette décision, prise dans le cadre d’une réévaluation des programmes d’aide, suscite de vives inquiétudes au sein des pays bénéficiaires, notamment au Mali. Les États-Unis sont, en effet, de loin l’un des principaux donateurs au Mali à travers l’USAID (Agence des États-Unis pour le développement international) et d’autres programmes bilatéraux ou multilatéraux. L’aide américaine a contribué à soutenir des millions de Maliens dans les domaines tels que l’éducation, la santé, l’aide humanitaire, la sécurité et gouvernance.
Le décret ordonne une « pause de quatre-vingt-dix jours » durant laquelle « l’efficacité des programmes et leur cohérence avec la politique étrangère des États-Unis » seront examinées. À l’issue de cette période, les programmes pourraient être repris ou abandonnés selon les conclusions du secrétaire d’État et du directeur du bureau de la gestion et du budget. Toutefois, des exceptions ont été prévues pour l’aide destinée à l’Égypte, Israël et l’aide alimentaire d’urgence, notamment à Gaza, après un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.
En 2023, selon le magazine Jeune Afrique, l’Afrique représentait un quart de l’aide américaine, avec un montant total de 17,4 milliards de dollars. En moyenne, chaque pays bénéficiait de 300 millions de dollars pour financer des projets essentiels dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’accès à l’eau. Cette suspension risque d’aggraver la situation pour des millions de personnes dépendantes de cette aide.
L’ancien Premier ministre malien, Moussa Mara, a souligné l’impact désastreux que cette mesure pourrait avoir sur le Mali, où plus d’un million de personnes bénéficient des fonds américains. « Cette décision, si elle devait durer, aura des conséquences dramatiques. Je demande à nos autorités de travailler rapidement à anticiper les impacts et à les évaluer », a-t-il déclaré. Il a également proposé que les ressources financières supplémentaires issues des réformes minières soient réservées pour atténuer ces impacts.
Une réorientation de la politique américaine
Pour justifier cette suspension, Donald Trump a affirmé que « l’industrie de l’aide étrangère et la bureaucratie ne sont pas alignées sur les intérêts américains et, dans de nombreux cas, sont contraires aux valeurs américaines ». Le nouveau secrétaire d’État, Marco Rubio, a défini les priorités de l’administration Trump : chaque programme financé devra répondre à l’une des trois questions suivantes : « Est-ce que cela rend l’Amérique plus sûre ? Plus forte ? Ou plus prospère ? »
Cette approche, axée sur le slogan « L’Amérique d’abord », reflète une volonté de recentrer les efforts sur les intérêts nationaux. Cependant, des organisations comme Oxfam ont exprimé leur inquiétude. Abby Maxman, dirigeante d’Oxfam America, a alerté sur les conséquences de cette suspension : « Cela empêche les professionnels de l’aide de planifier ou d’agir efficacement, ce qui pourrait être vital pour d’innombrables enfants et familles en crise. »
La décision de Donald Trump pourrait annoncer une réduction du multilatéralisme et de la solidarité internationale. Moussa Mara a averti que les pays africains doivent se préparer à cette éventualité en réduisant le train de vie de l’État et en créant des marges budgétaires pour faire face aux crises.
Alors que les États-Unis consacraient environ 1 % de leur budget fédéral à l’aide internationale sous l’administration Biden, les incertitudes autour de cette suspension mettent en lumière la fragilité des systèmes dépendant de l’aide extérieure. Pour le Mali, le défi sera de trouver des alternatives et de renforcer l’autonomie de l’économie locale face à cette politique américaine plus restrictive.
Madiassa Kaba Diakité
Source: Le Républicain