Le forum créé par le « Think Tank » marocain ‘’Institut Amadeus’’ poursuit son grand voyage du monde des idées dans la ville qui l’a vu naître et grandir, au bord de la Méditerranée, sur une bande maritime qui fonde la limite historique, géographique et culturelle entre l’Afrique et l’Europe, à la croisée du Nord et du Sud, à la frontière de deux mondes géopolitiques, que tout unit et tout sépare en même temps.
A la loupe d’un Malien, les Medays peuvent être vus sous trois symboles : la construction de la place de l’Afrique dans le débat mondial, l’émergence d’un Maroc moderne et la consolidation des relations entre le Mali et le Maroc.
«L’ambition de créer un forum marocain axé sur les préoccupations des pays du Sud, portée depuis le début par une équipe relativement jeune et ambitieuse, s’est réalisée au fur et à mesure, année après année», déclare Brahim Fassi Fihri, fondateur de l’institut Amadeus et rapporté par le Huffington Post.
L’inspiration, l’ambition, la motivation et la force de porter cet ambitieux « Think tank » qu’est l’Institut Amadeus et son forum des Medays ont fini d’écrire à Tanger une véritable success story de laboratoire d’idées dès le départ en 2008. D’année en année, des modestes nombres de participants en experts et en auditeurs, le forum Medays sort le grand jeu cette année pour une décennie de maturation. Pour cette dixième édition, les Medays s’apprêtent à accueillir plus de 3.000 participants et 150 intervenants parmi lesquels, comme à l’accoutumée, plusieurs anciens chefs d’États et de gouvernements, des ministres, des décideurs politiques, des dirigeants d’entreprises, des universitaires ainsi que des représentants de la société civile et des médias. Tous ces participants auront l’occasion d’échanger autour du nouveau pouvoir économique de l’Afrique ainsi qu’autour des questions liées au développement durable et au nouvel échiquier géopolitique mondial.
Et du coup, les Medays à eux seuls suffisent à écrire l’histoire moderne des relations entre le Mali et le Maroc. Aux premières heures de ce ‘’forum du Sud’’ tel que l’a imaginé l’Institut Amadeus, le Mali était bien là, à travers son chef de la diplomatie de l’époque, le ministre Moctar Ouane, aux côtés de son homologue marocain, Taeb Fassi Fihri. A Tanger en 2008, une belle histoire s’écrivait, celle d’un laboratoire africain, pensé par des africains pour faire parler du monde par l’Afrique, faire parler l’Afrique au monde, faire parler le monde de l’Afrique et faire parler l’Afrique avec le monde. Les Medays jetaient ainsi les bases d’un dialogue permanent entre l’Afrique et l’Europe, voire l’Occident, à cheval de la Méditerranée, entre le Nord et le Sud, entre doutes et espoirs, chocs et émergences, défis et obstacles.
Avec cinq participations, l’ancien ministre des Affaires étrangères mesure le chemin parcouru. « Je saisis l’occasion de cette dixième édition pour féliciter le président de l’Institut Amadeus, M. Brahim Fassi Fihri, pour sa vision et son leadership avisé qui ont fait des Medays une véritable plateforme internationale de réflexion, de dialogue et de concertation.
Je me réjouis, à cet égard, que ce faisant, un think tank du Sud apporte une contribution majeure à la réflexion sur les grandes thématiques de l’heure et à la formulation de solutions novatrices aux multiples défis auxquels est confronté le monde d’aujourd’hui, notamment ceux qui prévalent dans le Sahel et en Afrique de l’Ouest (donc au Mali.) », nous a-t-il confié dans un récent entretien.
Le Mali a donc écrit l’histoire des Medays dès le début en 2008, prenant sa place dans le débat géopolitique de l’heure, entre 2008 et 2011 dans le contexte de l’émergence des extrêmes, mais aussi des printemps arabes, de part et d’autre en Afrique et au Proche Orient, des prises d’otages successives dans le Sahel, des crises politiques en Côte d‘Ivoire, au Soudan, etc. Alors même que le forum lui-même naissait dans un contexte particulier le long de la Méditerranée avec la tenue, quelques mois plutôt, de l’Union pour la Méditerranée. Ainsi, pour mieux lancer sur les fonts baptismaux un tel laboratoire d’idées, le Royaume chérifien n’a pas manqué de compter sur son grand prisme panafricain en associant des pays frères africains avec qui il partage des siècles d’histoire et de culture, au nombre desquels le Mali. En exemple d’illustration de ce prisme panafricain du Maroc, le tout premier grand prix Medays a été décerné au Premier ministre zimbabwéen de l’époque, Morgan Tsvangirai.
Le Mali et la poudrière du Sahel
Lors de la 2e édition en 2009, le Mali aura au moins deux participants : toujours le ministre des Affaires étrangères, mais avec la mention spéciale du prix Business Medays décerné à Malamine Koné, le fondateur de la marque d’équipements sportifs Airness dont la success story avait fini de convaincre sur les rives de la Méditerranée.
Dans la foulée des printemps arabes, les détonations dans la poudrière sahélienne ne mettront pas du temps à percer le Sahara pour se faire entendre à Tanger la blanche, dès l’édition de 2011. Avec les conséquences de la crise libyenne sur l’évolution socio-politique du Mali, les responsables maliens de premier plan ont été invités pour répondre à la nécessité urgente de décrypter un contexte extrêmement complexe, avec un coup d’Etat à Bamako et l’invasion de groupes narcoterroristes dans les régions du Nord du pays. Aux Medays 2012, le Premier ministre de la transition, Cheick Modibo Diarra, un des invités phares, a saisi la tribune pour donner la vision du Mali sur le nouveau contexte au cours d’une session plénière, d’un thème des plus pertinents : « La poudrière sahélo-saharienne : quel rôle pour les acteurs régionaux et les grandes puissances ? ». Le Mali et le Sahel avaient fini, au cours de cette année 2012, de se placer aux premières loges des grosses inquiétudes des dirigeants et penseurs du continent et au-delà. « La situation au Sahel est une réelle poudrière comparable à l’Afghanistan », déclarait dès le début des travaux, le président de l’Institut Amadeus, Brahim Fassi Fihri, organisateur des Medays.
Se fondant sur le coup du destin comme le sien, car, lors de l’édition précédente, il était au forum en tant que représentant de Microsoft Afrique, le Premier ministre Cheick Modibo Diarra avait plutôt préféré laisser entrevoir des lueurs d’espoirs pour l‘Afrique et le Mali. « L’Afrique dispose du potentiel aussi bien naturel qu’humain qui fera de lui le continent du 21ème siècle », a-t-il estimé ; tout en déclinant la vision du gouvernement sur le réarmement moral et matériel de l’armée malienne ou encore la libération des grandes villes.
Ouane, Dioncounda, Mara et Karim…
Entre cette édition et la suivante en 2013, le destin du Mali et du Premier ministre Diarra ont déjà basculé, entre le changement de gouvernement en décembre 2012 et l’intervention de l’armée française en janvier 2013, avec la libération des villes du Nord du pays.
La 6e édition en novembre 2013, intervient à la suite de ce contexte nouveau au Mali avec l’organisation d’élections libres et transparentes qui portent SEM Ibrahim Boubacar Kéita à la tête du pays. Des moments salués dans le monde entier et les Medays rendent un hommage particulier au Mali en décernant le prix spécial au président de la Transition, Doncounda Traoré, comme pour magnifier l’ensemble de son œuvre d’homme politique malien et africain.
« Le président Dioncounda Traoré a usé du sacrifice suprême pour mener la transition dans son pays. On n’oublie pas qu’il a été touché dans sa chair avec son agression jusque dans l’enceinte du palais présidentiel le 21 mai 2012 », disait le président Brahim Fassi Fihri à la remise du trophée au président intérimaire sortant du Mali.
D’autres personnalités de premier plan de notre pays participent régulièrement aux Medays, notamment, Moustapha Ben Barka (édition 2014) et Zahabi Ould Sidi Ahmed (édition 2013) alors ministres respectivement en charge de l’Industrie et des Affaires étrangères, l’ancien Premier ministre Moussa Mara (éditions 2015 et 2016) ou encore l’honorable Karim Kéita, président de la commission Défense de l’Assemblée nationale (éditions 2014 et 2016).
Intervenant lors d’un des panels en décembre 2016, sous le thème « Le monde sous la menace terroriste : construire de nouvelles politiques de renseignement et de défense », le parlementaire malien a saisi l’occasion pour saluer le rôle du Maroc dans la lutte contre le terrorisme. «Le Maroc est un acteur important, sur le plan international, en matière de lutte contre le terrorisme. Il fournit de grands efforts pour maintenir la paix au sein de son pays, son continent et partout ailleurs… Je remercie sa Majesté le roi Mohamed VI pour son intervention au profit du peuple malien. Grâce à lui, on a pu mettre un terme à la crise malienne et régénérer la paix dans notre pays », a déclaré Karim Kéita.
Quant à Moussa Mara, il a fait partie des experts africains et européens ayant débattu, lors de la 8è édition, des crises sécuritaires, des instabilités politiques en Afrique et des défis liés à la stabilité du continent. Et comme illustration concrète de son lien avec cet important forum du Sud, l’ancien Premier ministre est parmi le groupe d’auteurs du forum, dans une nouvelle plateforme de débat continu, avec un article publié le 30 septembre dernier intitulé : « Pourquoi a-t-on besoin du dialogue euro-africain ? ».Dans cet article de blog, l’homme politique malien estime que « l’Afrique des espoirs, bien que relatifs, s’impose sur l’échiquier géostratégique avec des atouts non négligeables. Il dispose de terres arables, de l’eau douce, d’une vigueur démographique avec une population majoritairement jeune alors que celle de l’Europe est en vieillissement ».
Si le Maroc et Tanger ont leurs Medays, le Mali et Bamako ont le « forum de Bamako ». Les organisateurs de deux évènements ont fini de réduire les distances entre les bords du Niger et ceux de la Méditerranée en ce qu’ils ont développé un espace de coopération participative et se côtoient alternativement dans les deux fora.
Lors de la 14è édition du forum de Bamako, le président de l’Institut Amadeus, Brahim Fassi Fihri donnait déjà un aperçu de ce que représente le dynamisme de la coopération entre le Mali et son pays. « Aujourd’hui, le Mali est stabilisé mais il reste beaucoup à faire, notamment dans le cadre du rapprochement entre les deux pays qui ont toujours eu des relations séculaires fortes, grâce à l’impulsion du Roi du Maroc et du président Kéita. Aujourd’hui, nous souhaitons renforcer ce lien sur des questions économiques, mais aussi politiques », a-t-il confié à notre confrère « Journal du Mali ». Cette déclaration était prémonitoire de la riche publication, sous sa propre direction, éditée par l’Institut Amadeus en 2017 sur la place du Maroc en Afrique intitulée : « le Maroc en Afrique, la voie royale ».
Au regard de la qualité de la participation du Mali aux différentes éditions des Medays, depuis leurs création, et de la place prépondérante de nos deux pays sur l’échiquier continentale, sur les questions de la sécurité au Sahel, de l’extension de la Cédéao à de nouveaux adhérents dont le Maroc, il est une évidence que la culture du débat, dans une vision africaine et sud-sud doit être aussi au cœur de la coopération entre le Maroc et le Mali.
Le thème de dixième édition est bien édifiant à ce propos : «De la défiance aux défis : L’ère des grands bouleversements».
Correspondance de Alassane Souleymane
Journaliste-Expert en communication institutionnelle
*En tant que journaliste à l’ORTM et conseiller technique à plusieurs reprises pour le Gouvernement, Alassane Souleymane a couvert six éditions des MEDAYS de Tanger