Depuis un certain temps, le Président Issoufou Mahamadou tient des discours d’une virulence extraordinaire. Une virulence qui tient, selon certains, à une volonté de puissance.
A la fin de son second et dernier mandat, ça sent le roussi. À l’occasion du sommet extraordinaire du G5 Sahel, tenu à Niamey, le 12 décembre 2019, Issoufou Mahamadou a lancé, en guise d’avertissement, que « ceux qui s’attaquent à nos alliances, ceux qui veulent les défaire, font pire qu’attaquer nos troupes ». Des propos jugés à la fois opportunistes, déplacés et manquant de respect pour le peuple nigérien. La volée de bois vert ne s’est pas faite attendre. Des quatre coins du monde, des Nigériens, choqués par ces propos, ont fait entendre leurs voix. Ibrahim Yacoubou, le président du parti Kishin Kassa, dira ainsi que “celui qui exprime une opinion légitime, par sa bouche ou par son stylo, est pire que ceux qui tuent par dizaines et centaines nos concitoyens ? Ou alors, que « il vaut mieux porter des bombes et tirer au canon sur nos militaires que de dénoncer une base étrangère ? ». Les commentaires d’Ibrahim Yacoubou, comme tant d’autres, traduisent la colère suscitée par les propos du Président Issoufou. Opportunistes ? Il est clair que Issoufou Mahamadou ne vise pas simplement à faire plaisir au parrain français. C’est d’autant plus vrai pour de nombreux Nigériens qu’il a multipliés les discours provocateurs. C’est ainsi que dans la perspective de l’arrivée du Président français à Niamey, hier 22 décembre, Issoufou Mahamadou a encore parlé. Et il a parlé, cette fois-ci, du Niger dans un sens possessif. En disant qu’il n’accepterait pas que l’on porte atteinte au moral des troupes surs son territoire, Issoufou Mahamadou parle comme le font tous les dictateurs qui finissent par se convaincre qu’ils sont irremplaçables et inamovibles.
« Mon territoire » !, a dit Issoufou Mahamadou. Un message clair.
« Mon territoire » ! Issoufou Mahamadou a-t-il un territoire à lui pour parler ainsi ? Pour Moussa Tchngari, acteur de la société civile nigérienne, « la menace est claire, plus rien ne sera comme avant ».Et il précise : « D’ici à l’échéance 2021, le Niger, territoire de Issoufou Mahamadou, cessera d’être une terre de liberté où n’importe quel quidam peut s’installer devant son ordinateur et publier des posts critiques sur la gestion de la situation sécuritaire, et surtout sur la présence des forces extérieures ». La conviction de Moussa Tchangari n’est pas différente de celle d’autres Nigériens, offusqués et révoltés. Pour eux, « seule le président a le droit de tenir des propos qui, dans la bouche de n’importe quel autre citoyen, , peuvent être considérés comme des «actions de démoralisation des forces de défense et de sécurité». Le jugement n’est pas exagéré. Le commentaire de Moussa Tchangari fait allusion à ce propos assassin que Issoufou Mahamadou a tenu lors du sommet extraordinaire du G5 Sahel. « Ceux qui s’attaquent à nos alliances, ceux qui veulent les défaire, font pire qu’attaquer nos troupes », a déclaré Issoufou Mahamadou, sans se préoccuper de ce que pourraient penser ces hommes qui tombent sous les balles ennemies en défendant le territoire national.
Malgré ces annonces répétées, Issoufou Mahamadou n’arrive pas à convaincre
Le choix des médias sur lesquels il a tenu ces propos procède-t-il d’un hasard ? En choisissant Rfi et France 24, Issoufou Mahamadou, pour certains observateurs, a laissé un message, à la fois à la France dont il attendrait un soutien supplémentaire et au peuple nigérien qu’il chercherait à intimider davantage. Vis-à-vis de la France, le Président Issoufou, en fin de second et dernier mandat, est largement soupçonné par l’opinion publique de vouloir s’accrocher au pouvoir. S’il a martelé, à nouveau et pour la nième fois, qu’il passerait le témoin à un président démocratiquement élu en 2021, Issoufou Mahamadou n’arrive toujours pas à convaincre dans son pays. Dans les discussions de fadas, on parle beaucoup de tentatives de séduction vis-à-vis de l France dont il chercherait le feu vert pour faire ce qu’il veut. Ses propos, jugés bons à faire plaisir à la France qui a plus que jamais besoin de soutiens aveugles dans les pays du G5 Sahel, notamment, s’inscriraient dans cette logique.
Kaoecen Seydou Maïga, interpellé pour avoir révélé la situation des soldats blessés à Inatès
À l’endroit des Nigériens, le Président Issoufou ne menace pas en vain. Pour de nombreuses voix qui se sont fait entendre sur la question, il chercherait à faire taire par anticipation les voix discordantes qui pourraient se dresser sur son chemin. Kaocen Seydou Maïga, un activiste, qui a révélé que des soldats, victimes de guerre et blessés lors de l’attaque contre Inatès, se trouvent abandonnés à eux-mêmes à l’infirmerie de garnison, sans prise en charge conséquente de l’Etat, a été interpellé à la police judiciaire. Selon des informations, il pourrait être accusé, conformément à la nouvelle logique déclinée par le Président Issoufou, d’atteinte au moral des troupes. Ce qui pousse certains à demander qui, entre des citoyens comme Kaoecen Maïga qui dénoncent des situations pareilles et ceux qui ont manqué à leur devoir, porte atteinte au moral des troupes ?
Pour Issoufou Mahamadou, la Ceni fait du bon boulot et Brigi Rafini mérite toutes les félicitations pour un dialogue qui a avorté
Le discours du Président Issoufou, de plus en plus musclé et opposé à son peuple laisse planer des doutes quant à l’issue de son second et dernier mandat. Les Nigériens sont nombreux à redouter des situations imprévisibles, très éloignées des arcanes de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Plus le temps passe, plus les peurs s’accroissent. Personne n’a la moindre certitude de ce que sera la fin de ce mandat. Les félicitations et les encouragements du chef de l’Etat à l’endroit de la Ceni et du Premier ministre, Brigi Rafini, l’une pour le processus électoral qu’il dit se dérouler bien, contrairement aux dénonciations connues d’un parti allié au Pnds comme le Mnsd Nnassara, l’autre, pour des efforts qu’il fournirait pour un dialogue politique…dans le cadre du Conseil national de dialogue politique (Cndp). Les positions sont à la fois tranchées et éloignées et le Président Issoufou, plus que jamais, prend parti. Où veut nous amener Issoufou Mahamadou ?, se demande- t-on à Niamey.
Doudou Amadou
28 décembre 2019
Source : Canard En Furie