Le Mali étant membre fondateur de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), nul n’ignore que toute crise profonde comme celle qu’il traverse actuellement au double plan sociopolitique et sécuritaire entrainera forcement des répercussions pouvant se faire ressentir directement ou de la même façon dans les autres pays de la Sous-région. Vraisemblablement, tel était le justificatif des Chefs d’État de la Sous-région pour procéder à une ingérence dans les affaires intérieures du Mali afin de servir leur Homologue sur un plateau d’argent. Occasion de faire avaler à son Peuple des couleuvres.
De quoi s’agit-il ici ? C’est à la fois d’éviter que les autres pays ne prennent les contres coups d’une explosion sociale et politique du Mali. Une crise sociopolitique pourtant devenue depuis longtemps prévisible. Il s’agit d’obliger en une fois de plus le Mali à marcher dans la platebande de l’intégration sous-régionale devenue pour lui une véritable camisole de force. Donc, au détriment de sa Souveraineté nationale.
Les menaces de sanctions agitées par les Chefs d’État de la Sous-région à l’issue de leur récent sommet extraordinaire par vidéoconférence ne sont ni plus ni moins que de faire avaler le Peuple malien d’autres couleuvres, lui faire subir des affronts sans réagir puis laisser entendre à l’opinion internationale n’importe quoi afin de maintenir leur homologue dans son fauteuil. Cela, après avoir nourri, dans cette grande Nation tourmentée par tant de crises, le vœu d’en faire le havre de paix. Mais c’est pour lui faire marcher à reculons.
Ainsi, les mêmes causes produisant généralement les mêmes effets, l’on ne sait plus dans quelle direction va encore le Mali ou sous quelles formes ses actuelles culbutes sociopolitiques vont se présenter et que vont être les ces conséquences. À l’instant, ce qui est certain c’est que le feu continue à couver dans ce pays. Et ça continuera sous les cendres ardentes tant que la corruption et les séquelles de cette mauvaise gouvernance érigée en système sous l’actuel Régime ne seront pas vaincues et totalement effacées. Le pouvoir fait le farniente après tant de dégâts économiques causés et de sang de jeunes innocents et de pauvres Soldats versé respectivement sur le front démocratique et dans les Régions du Nord et du Centre du pays. Voilà, en substance, ce qui semble justifier la multiplication ces pressions sans répit sur Bamako avec des rencontres de plus haut niveau de l’Organisation internationale la plus prestigieuse d’Afrique occidentale, la CEDEAO.
A cet effet, les Chefs d’État de la Sous-région ouest-africaine jouent les prolongations en faveur du Système en place et trahissent les idéaux des Pères fondateurs de cette organisation. Sans grande surprise, ils ont rejeté en bloc la principale revendication des leaders du M5-RFP, à savoir le départ anticipé du Président Ibrahim Boubacar Kéïta pour des raisons de mauvaise gouvernance. Toutefois, la grande surprise est que le Syndicat des Chefs d’État de la CEDEAO est allé, cette fois-ci, trop loin. Il (le Syndicat) est allé jusqu’au bout de sa logique d’exclusion de toutes les revendications du M5-RFP, même celles reconnues comme fondées et légitimes par le commun du mortel du Peuple malien et de l’opinion internationale. C’est comme si l’opposition malienne venait d’être déboutée par la Communauté internationale tout entière face au Régime d’IBK. Ce, avec motifs allégués sans doute : une kyrielle de prétextes parmi lesquels et le plus instrumentalisé fut celui soutenu mordicus qu’aucun protocole de la CEDEAO n’autorise la destitution d’un Chef d’État démocratiquement élu.
Eh bien, c’est désormais la fin de parcours remarquable de toute une Génération de combattants politiques. Mais c’est juste un rejet aux risques et dépens du climat de paix et de stabilité interne ; car, certains points des revendications du M5-RFP sont d’autant plus légitimes aux yeux de l’opinion publique que tout le monde s’interroge encore et encore sur ce que va se passer à l’échelle nationale après la période de trêve unilatéralement observée par ledit mouvement à cause des préparatifs de la fête de Tabaski.
Ce fut alors une fin de non-recevoir concernant la réaction des cinq Chefs d’État réunis en catastrophe, le jeudi 23 juillet dernier, ici à Bamako. Une décision à la fois chaotique et amer pour l’ensemble de la classe politique malienne. Amer aussi pour l’écrasante majorité de la diaspora malienne à l’échelle planétaire et pour le Peuple malien en général qui se sent être trahi et abandonné à son triste sort par la CEDEAO. Ce Peuple, certes souverain et fiers, mais contraint voire condamné cette fois-ci encore soit de cautionner le côté inconcevable de l’ingérence étrangère dans les affaires intérieures de son pays soit de dénoncer le syndicalisme des Chefs d’État sur son dos.
En effet, comme il fallait s’y attendre, les Présidents ayant accouru au chevet du Mali profondément secoué par la crise sociopolitique qui continue de susciter des risques de radicalisation ont voulu briser le tabou. Ils ont rompu le silence en arguant qu’IBK est un Président légalement en fonctions. Sans aucune formule de courtoisie ou de fausse modestie au moins, ils ont déclaré irrecevable le paquet de doléances de l’opposition soumis à leur arbitrage.
Ensuite, avec ses soi-disant mesures fortes sorties du sommet extraordinaire de ses Chefs d’État déroulé le lundi 27 juillet 2020 à travers une vidéoconférence, la CEDEAO, mobilisée à grands renforts politiques autour de la chère patrie des Soundjata Kéïta et autres Babemba Traoré vient d’opposer son refus entêté de trancher équitablement entre les héritiers de ces vaillants héros de l’Empire du Manding. Ne serait-ce que pour la stabilité interne du Mali. Or, le Président IBK à qui ils apportent leur solidarité agissante a plutôt besoin de consensus pour rasseoir son pouvoir manifestement mis à de rudes épreuves et activement contesté par presque toutes les forces vives de cette Nation, jadis havre de paix et respectueuse de l’autorité de l’État. Le M5-RFP devrait se sentir poignardé dans le dos par la CEDEAO, celle qui, par apparemment souci d’apaisement du climat politique très tendu, a multiplié les déplacements à Bamako pour apporter, finalement, sa caution au refus d’IBK d’écouter la voix de son Peuple. En agissant ainsi contre leurs propres convictions démocratiques, ces cinq Chefs d’État de la Sous-région n’ont voulu accorder aucune chance aux acteurs politiques et leaders religieux maliens de résoudre leurs différends par des mécanismes internes et de leurs valeurs sociétales propres. Ce, afin que cette crise puisse servir également de leçon pour le Régime d’IBK puis donner un signal fort aux autres États de la Sous-région et du continent africain et à toute la Communauté internationale en matière de Gouvernance. Mais, en revanche, c’est comme quoi nos pays avancent non pas en avant mais en reculant et non plus dans le sens d’une vraie Démocratie et d’une intégration sous-régionale tant rêvée par leurs Peuples mais à l’image d’un véritable syndicalisme de Chefs d’État des autres époques pré démocratiques.
L’espoir de tout un Peuple traîné comme un fétu de paille ?
Aujourd’hui, la preuve est là. Et elle est faite pour la énième fois que nos États ne formeraient qu’une République bananière. L’autre avait raison de soutenir obstinément qu’en Afrique la raison du plus fort reste toujours la meilleure.
Ainsi, suite à cet espoir déçu et emporté comme un fétu de paille, il est à retenir que le plus grave est que la responsabilité personnelle de chacun de ces Chefs d’État est désormais directement engagée. Moralement et politiquement, ils sont tous engagés dans tout ce qui pourrait advenir à l’avenir dans ce pays. Dans tout ce qui pourrait arriver tant physiquement que juridiquement aux citoyens comme tentatives d’intimidation, d’actes de violences contre l’intégrité physique et risques de comportements anticonstitutionnels. Le jeu de l’ombre est fini, la Communauté sous-régionale dont certains missionnaires ne doivent plus fouler le sol malien à cause de leurs méthodes interventionnistes décriées et condamnées dans tous les salons feutrés de Bamako a jeté le masque et donne aujourd’hui parfaitement raison à ses contestataires populistes et imprudents à l’image des Dr Oumar Mariko et autres nationalistes comme les Pr Issa N’Diaye qui ont toujours dénoncé le manque de légitimité de ce genre de présence interventionniste dans les affaires intérieures du Mali. Aujourd’hui, ce sont, donc, l’UE, l’ONU et les autres organismes spécialisés de l’ensemble de la Communauté internationale qui sont interpellés mais non plus la CEDEAO. Le devoir d’ingérence que celle-ci admet devrait prouver sa raison d’être recouru par les États membres. Autrement, la prestigieuse organisation zonale risque de se disqualifier dans ses propositions de bons offices lors des crises politiques et militaires internes éclatant dans ses États membres.
Le coup de poker en passe de produire un effet de boomerang
En tout état de cause, la présence de tout un Syndicat de Chefs d’État à Bamako, fin juillet dernier, n’avait pour but que de sauver le Régime de leur homologue et calmer les influents Chefs religieux, principalement le Cherif de Nioro et l’Imam de Badalabougou (Mahmoud Dicko). C’est indéniable, les diktats du Syndicat des Chefs d’État ouest-africains sont passés par là également.
Djankourou
Source: Journal l’Aube-Mali