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Deux juges africaines à la CPI: Faut-il s’en réjouir ?

La juge béninoise Alapini à la CPI: fierté et réserves d’une prestation de serment

Comment rester indifférent devant une telle consécration internationale pour l’Afrique? La juge ougandaise Solomy Balungi Bossa et sa collègue béninoise Reine Alapini-Gansou ont prêté serment vendredi à la Haye aux côtés de quatre autres nouveaux juges pour un mandat de neuf ans au sein de la Cour pénale internationale. Elues lors de la 16e session de l’Assemblée des Etats Parties au Statut de Rome en décembre dernier, ces deux éminentes juristes africaines voient ainsi couronnée leur carrière internationale de juriste de haut vol. Une prestation qui intervient un jour après la célébration de la journée internationale de la femme. Pour l’Afrique, même si ce n’est pas inédit de voir des femmes à ce niveau de responsabilité, il n’en demeure pas moins que le continent peut en tirer un motif de satisfaction.

Fin mars 2010 à Cotonou au Bénin, en marge d’un colloque international sur sociétés civile et démocratie en Afrique, j’avais interviewé l’avocate Reine Alapini Gansou alors présidente de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples de l’Union africaine (CADHP). Elle m’avait personnellement convaincu sur son engagement à préserver l’intégrité de la Commission qu’elle présidait face à la menace permanente d’une politisation par les Etats membres des sujets techniques relevant purement du droit.

C’est bien là que se ramollit tout l’élan enthousiaste qui entoure cette prestation de serment des deux juges africaines, quand on a fini de s’adonner à ce lyrisme circonstanciel. Le dépit amoureux ambiant des Africains envers la juridiction pénale permanente s’est creusé depuis les épisodes médiatiques à foison qui rythment son fonctionnement: retrait du Burundi de Pierre Nkurunziza, non-lieu dans l’affaire impliquant le président kenyan Uhuru Kenyatta et son vice-président William Ruto, parade du Soudanais Omar El Béchir qui ridiculise la menace d’un mandat d’arrêt à chacun de ses déplacements sur le continent ou encore coups de boutoir assenés par la rhétorique souverainiste du Tchadien Idriss Déby, du Guinéen Alpha Condé ou du Rwandais Paul Kagamé. Le coup de grâce pourrait même venir de l’issue du procès retentissant de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo et de son ancien ministre de la jeunesse Charles Blé Goudé. Ayant hérité d’un dossier oscillant entre juridisme et interférences politiques, l’ancienne ministre gambienne de la Justice sous le sulfureux Yahyah Jammeh s’est, à l’évidence de la conduite du procès et de l’administration des preuves, s’est mélangée les pinceaux.

A mi-parcours d’un procès-catharsis, le tableau que le procureur de la CPI peint de la crise postélectorale ivoirienne est unijambistepartiel et parcellaire. Et ses invariables assurances sur la poursuite des enquêtes dans le camp des ex-chefs de la rébellion ivoirienne ne rencontre que l’assentiment des observateurs les plus naïfs de la scène politique ivoirienne.

Reine Alapini-Gansou et sa collègue ougandaise Solomy Balungi Bossa ne seront pas appelées à statuer sur l’affaire Laurent Gbagbo/Procureur de la CPI. Mais elles devront montrer toute leur volonté à dire le droit, dans un prétoire sous influence congénitalement politique du fait même du statut de Rome qui l’a institué. Une véritable gageure.

En tout cas, finie l’époque de l’émerveillment où les Africains se ruaient sur la ratification de l’instrument de Rome à l’image du Sénégal d’Abdoulaye Wade, premier pays africain à le faire. Le doute sur la crédibilité de cette juridiction, dernier rempart contre la barbarie des conflits armés, est permis. Dans la bataille pour la mémoire des victimes, la CPI a peut-être montré son camp: frapper de façon exemplaire les seconds couteaux en ferment royalement les yeux sur les vrais commanditaires qui se recrutent entre Etats voyous et intouchables, Seigneurs de guerre et fossoyeurs invétérés des démocraties.Et ça on commence à le comprendre.

Par Fidèle GOULYZIA

Connection ivoirienne

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