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Deux défis majeurs attendent la Force Conjointe G 5 Sahel à la veille du Sommet de Ndjamena

Lancée en février 2017, la Force Conjointe G5 Sahel (FC-G5 S) est une force armée de « nouvelle génération » dans un espace sahélien déjà saturé par des initiatives militaires et diplomatiques parfois concurrentes. Elle est composée du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad et soutenue par la France.

Composante de l’organisation G5 Sahel, la Force Conjointe déploie une dynamique activité militaro-diplomatique pour répondre aux besoins relatifs à la sécurité et au développement dans la région du Sahel. Son mandat est officiellement un mandat d’imposition et non de maintien de la paix. Il porte sur : « la lutte contre le terrorisme, le crime organisé et le trafic d’êtres humains ; le rétablissement de l’autorité de l’Etat ; l’aide au retour des personnes déplacées ; la contribution aux opérations humanitaires et une contribution à la mise en œuvre d’initiatives liées au développement ».

Dans un contexte où le concept onusien de maintien de la paix – inadapté à des conflits asymétriques et au terrorisme – suscite de plus en plus de scepticisme, la Force Conjointe doit faire face à au moins deux défis.

Le premier défi est la nécessité de gagner davantage la confiance d’au moins deux partenaires régionaux : l’Algérie et la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). En effet, il est aisé de comprendre que ceux-ci préfèrent de loin, certes, pour des raisons différentes, le « processus de Nouakchott » initié par l’Union africaine et regroupant onze pays d’Afrique de l’Ouest, du bassin du lac Tchad et du Maghreb, à la Force Conjointe G 5 Sahel. Dès lors, il serait salutaire d’apaiser ce quasi « front de réserves » de ces partenaires régionaux pour faciliter l’opérationnalisation de la FC-G5S. A cet effet, le réchauffement de Comité d’Etat-major Conjoint (CEMOC) regroupant l’Algérie, la Mauritanie, le Niger et le Mali il y a quelques jours, ne saurait être qu’un hasard de calendrier.

Nul doute donc, que pour être efficace, la Force Conjointe et son organisation mère le G5 doivent construire un « Groupe » plus large de solidarité régionale qui dépasse ses frontières actuelles. A cet égard, l’Algérie et le Comité d’Etat-major Conjoint (CEMOC), sont et resteront des partenaires importants dans le dispositif du Groupe Sahel. Par conséquent, ne pourrait-on pas, à l’instar de plusieurs organisations internationales, envisager la création de la notion « d’Etat associé » et « d’Etat ou organisation Observateur », les deux concepts étant sujet de droit international. Le statut d’Etat associé – si l’Algérie l’accepte- lui permettra de participer à certaines activités de la Force Conjointe d’une part, la Force Conjointe pourrait de coup travailler directement avec le CEMOC, d’autre part. Cela donnerait davantage de cohérence aux opérations de la Force Conjointe.

De même, puis qu’il n’existe aucune raison objective que le Sénégal ne soit membre à part entière du G5 Sahel, alors on pourrait lui accorder aussi le statut d’Etat associé. Dans le même état d’esprit, le statut d’observateur pourrait être accordé à la CEDEAO, la Cote d’Ivoire, le Nigéria, la Guinée. Ces mesures seront de sorte à renforcer la confiance entre les partenaires régionaux dont l’appui est inestimable dans l’opérationnalisation de la Force G5 Sahel.

Le second défi consiste à requérir l’infléchissement de la position américaine vis – à – vis de la Force Conjointe G 5 Sahel. En effet, souvenons-nous qu’après le lancement de la Force Conjointe, les États-Unis d’Amérique ont dans un communiqué rendu public le 30 juin 2017 souligné, qu’ils « … appuient déjà les pays du G5 Sahel et plusieurs autres initiatives régionales de sécurité à travers des mesures ciblées d’assistance bilatérale et régionale…Nous avons fourni aux membres du G5 un soutien militaire, ainsi que des formations et du matériel. Nous avons également fourni à ces mêmes Etats des renseignements et informations de reconnaissance et facilité leur participation à des exercices militaires régionaux…Ce soutien permettra de créer des capacités pour répondre aux menaces de sécurité immédiates dans la région et mettra l’accent sur le renforcement des institutions et des capacités requises pour la sécurité régionale à long terme… ». En termes moins diplomatiques, cela veut dire que si la volonté de lutte des Etats – Unis contre les groupes jihadistes au Sahel n’est pas questionnable, Washington est soucieux du fait que sa coopération bilatérale ne duplique pas, mais complète celle de la France, de l’Union européenne et des Nations Unies au Sahel. Donc pas d’engagement militaire direct de ce partenaire important sur cette initiative sécuritaire régionale.

Par ailleurs, sur la tribune des Nations Unies, les Etats-Unis ne sont pas plus conciliants. C’est ainsi qu’ils ont opposé une fin de non-recevoir à la demande des membres du G5 Sahel relative à la fourniture d’un « apport à un niveau plus approprié », le G5Sahel jugeant trop limité le soutien logistique fourni par les Casques bleus déployés au Mali à la force G5 Sahel. En outre, Madame Fatima Kyari Mohammed, Représentante de l’Union africaine auprès des Nations unies, a demandé également un soutien plus fort de l’ONU à l’unité militaire naissante, avec « un mandat robuste sous chapitre 7 » de la Charte. Ce statut permettrait à la Force Conjointe de se soustraire du caractère aléatoire des financements basés sur le volontariat et de disposer de financements prévisibles, immédiats et effectifs. A cette double requête, Madame Amy Tachco, Représentante des États-Unis au Conseil de Sécurité, avait estimé que pour son pays, le financement et les moyens de de la Force G5 Sahel, passent par des contributions volontaires. « Nous n’accepterons aucune proposition allant dans ce sens au Conseil de sécurité », avait répondu la Représentante américaine. Là aussi, force est de constater un refus poli des Etats-Unis d’Amérique de coopérer effectivement à l’opérationnalisation de la Force G5 Sahel.

Il faut espérer que la nouvelle Administration américaine soit mue par une volonté de faire bouger les lignes en assouplissant la position de Washington sur cette question. Les premiers signaux marquant le retour des Etats-Unis dans la coopération multilatérale augurent un certain espoir. Le Sommet de G5 Sahel de Ndjamena saura-t-il saisir cette opportunité ?

Ambassadeur Moussa Makan Camara

Président de la Fondation Balanzan pour la Gouvernance et la Stabilité

Source: Journal le Pays- Mali

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