Avec tout ce qui se passe aujourd’hui en Afrique de l’Ouest, il est clair qu’aucun président ou chef d’état de la CEDEAO ne dort à hauteur de souhait. Comme les crocodiles de Yamoussoukro, ils sont obligés de dormir les yeux ouverts. Après le printemps des démocraties de la mauvaise gouvernance, les Etats de l’Afrique de l’Ouest sont-t-ils obligés de faire face au retour des militaires au pouvoir ? En tout cas, après le Mali, la Guinée et tout récemment le Burkina Faso, la question mérite d’être posée ? Et, si tout cela s’expliquait parce que les Etats de la CEDEAO ont affiché une volonté manifeste d’aller à une monnaie unique, dénommée l’ECO, en 2027 ?
Dans ce contexte d’instabilité qui a tendance à se généraliser en Afrique de l’ouest, est-ce que les états ouest africains ne seront pas obligés d’oublier leur volonté affichée d’aller à une monnaie unique, dénommée l’ECO, en 2027 ? Et, si c’était l’objectif recherché ?
Le moment n’est-t-il pas arrivé que l’on se pose les bonnes questions, au lieu de perdre notre temps dans des débats de palefreniers sans issus ? Et, si l’insécurité au Sahel avait été provoquée et instrumentalisée pour la déstabilisation des états de l’Afrique de l’ouest, donc de la CEDEAO ?
L’insécurité dans le Sahel, imposée par une guerre asymétrique à laquelle nos forces de défense et de sécurité n’étaient pas préparées, va sûrement continuer à secouer nos démocraties qui ont sciemment oublié dans nos différents pays, les partis de la demande sociale.
Dès la fin des élections souvent volées. Et, une fois installés dans leur fauteuil présidentiel et jouissant des prérogatives d’un demi dieu que leur confèrent nos différentes constitutions fortement inspirées de celui de la France, nombreux sont les Présidents à la tête de nos états qui ont vite fait d’oublier ce pourquoi ils ont été élus. La satisfaction des services sociaux de base est reléguée au second plan. Les uns et les autres préfèrent se prélasser dans des fauteuils moelleux, oubliant l’essentiel.
De telle sorte que, la corruption et le népotisme, à la faveur de la démocratie compradore, et souvent censitaire, que l’occident a bien voulu nous servir, est aujourd’hui en difficulté sur tout le continent, mais particulièrement en Afrique de l’ouest. L’insécurité grandissante semble avoir ouvert les yeux des citoyens qui n’hésitent plus à arpenter les rues lors des manifestations populaires pour demander la démission de présidents souvent mal élus.
Et, comme la démocratie et la pauvreté ne font pas bon ménage, nos Présidents sont arrivés à la conclusion qu’avec une monnaie unique, l’Afrique de l’ouest pourrait espérer réunir le minimum de conditions pour l’amélioration des conditions de vie des populations. Mais, ils n’ont pas tous compris que cette décision de création de la monnaie unique ne serait pas du goût de tous.
Qui a intérêt à ce que la monnaie unique de la CEDEAO ne voit pas le jour ?
Cette question à réponse apparemment facile, devrait pousser les états de la CEDEAO à se ressaisir. Au lieu, de s’empresser à adopter des sanctions contre-productives contre les peuples, la CEDEAO devait prendre en compte la grande souffrance des populations que leurs mesures, souvent trop mécaniques, provoquent dans la durée.
En termes de lutte contre le terrorisme, donc contre l’insécurité, la décision de sanctionner le Mali, n’est pas de nature à arranger les choses. Si jamais les sanctions devraient durer et si l’ingéniosité malienne n’a pas trouvé une parade efficace, l’état sera très fragilisé dans ses missions régaliennes. Et, ce sera un large boulevard qui va s’ouvrir pour les terroristes qui vont rapidement s’installer dans les états côtiers de l’Afrique de l’ouest. Et, c’est là, toute la valeur de la notion de « la digue malienne » qui n’a pas été suffisamment intégrée dans les analyses des Chefs d’état de la CEDEAO.
Aussi, par des sanctions impopulaires, la CEDEAO se fragilise. Elle creuse d’avantage le fossé qui l’éloigne des peuples ouest africains, qu’elle devait en principe représenter. Et, pire une animosité qui ne dit pas son nom va finir par s’installer entre les leaders des états de l’Afrique de l’ouest.
Celui qui a la possibilité d’aider nos états à mettre fin à cette crise sécuritaire et qui ne le fait pas, doit sûrement être celui qui tire ou tirera le meilleur profit de l’exacerbation de l’insécurité. Et, surtout quand cette insécurité grandissante devient de jour en jour le prétexte le plus élaboré pour des exigences populaires de démission des régimes sortis des urnes. Même, si c’est souvent de manière très gauche, à l’issue d’élections dont la partialité est très critiquable.
Aujourd’hui, le constat est amer. Sur 1es 15 pays de la CEDEAO, trois sont aujourd’hui à la touche pour raison de coups d’état militaire. Et, au rythme où va l’insécurité qui a motivé des soulèvements populaires, ouvrant la brèche à l’incursion des militaires dans la sphères politique, personne ne peut garantir qu’il n’aura pas un autre coup de force dans un ou deux autres pays de la CEDEAO, les mois qui viennent.
En tout cas, tant que la CEDEAO ne trouvera pas une solution durable à l’insécurité grandissante et aux révisions constitutionnelles ouvrant la voie à des troisième mandats, qui sont souvent de trop, il faut s’attendre à d’autres coups de force dans d’autres pays de la CEDEAO.
Et, dans un tel contexte d’instabilité permanente, avec une CEDEAO où les états se regardent en chiens de faïence, il est hors de question de parler de l’adoption d’une monnaie unique, même si elle venait à s’appeler ECO.
Quand on sait que dans le cadre de la mise en place de cette monnaie unique, un nouveau traité monétaire doit être signé avec Paris et qu’il y a un courant souverainiste au sein de l’UEMOA qui plaide pour une émancipation totale, difficilement l’on pourra nous convaincre que la crise terroriste n’est pas instrumentalisée pour déstabiliser la CEDEAO, afin qu’elle oublie durablement son projet de doter ses états membres d’une monnaie unique ? Et comme l’ECO de la CEDEAO a donné des échos avant l’heure, il va falloir que les dirigeants de l’Afrique de l’ouest se réveillent pour se donner la main pour faire face à cette insécurité qui n’épargnera aucun pays de la zone.
Assane Koné
Source : Arc en Ciel