Des pierres taillées par des mains humaines il y a plus de 2 millions d’années en Chine, repousse les dates de la première sortie d’Afrique pour notre genre.
Ce sont des petites pierres taillées. Rien de très sophistiqué, mais ces cailloux ont bel et bien été frappés les uns contre les autres pour en faire des outils tranchants. Des outils comme ceux-là, l’histoire de l’archéologie en regorge. Pourtant, ceux-ci sont assez exceptionnels. Ils ont été taillés il y a plus de deux millions d’années sur le plateau de Lœss, au milieu de la Chine. Jusqu’alors, la plus vieille preuve de présence humaine hors d’Afrique datait d’il y a 1,85 million d’années dans une grotte à Dmanisi en Géorgie. (des outils et d’ossements attribués à Homo erectus.) Les pierres du plateau de Lœss repoussent ainsi de plusieurs centaines de milliers d’années la date de la sotie d’Afrique des premiers hominines (les ancêtres des hommes et leurs proches parents depuis la séparation d’avec les chimpanzés). C’est une équipe de chercheurs d’Universités anglaises et chinoises qui a découvert ces pierres. Ils publient leurs travaux dans la revue Nature.
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En tout ce sont 96 pierres qui ont été retrouvées, reparties sur 17 couches datées entre 2,1 et 1.7 millions d’années. «Ce sont des outils assez simples, mais quand on les regarde il y a peu de place pour le doute,» explique Sonia Harmand, professeur au département d’anthropologie de l’Université d’État de New York à Stony Brook et chercheuse au CNRS. «Même s’il faut rester prudent au vu de leur petit nombre, ce sont bien des mains d’hominines qui les ont travaillées» Six artefacts ont été découverts dans les deux couches les plus vieilles. «C’est une datation relative, il y a donc une marge d’erreur possible de plusieurs centaines de milliers d’années,» explique Pierre Voinchet maître de conférences du Muséum national d’Histoire naturelle. «Malgré ça, ces pierres restent dans tous les cas plus vieilles que celles découvertes dans la grotte de Dmanisi.»
Une nébuleuse très complexe
«Ces pierres remettent totalement en question le modèle migratoire,» raconte Hermine Xhauflair chercheuse à l’institut d’Archéologie de l’Université de Cambridge. «Pendant longtemps on a pensé qu’Homo erectus était passé par la Géorgie avant de se rendre en Asie, les choses ne se sont sûrement pas faites de manière aussi linéaire. Il y a sans doute eu plusieurs sorties et peut-être par plusieurs espèces qui ont pu emprunter des chemins différents.»
Il y a 2 millions d’années, homo sapiens, notre ancêtre direct n’existait pas encore, pas plus que son cousin Néandertal ou leur ancêtre Homo ergaster. En Afrique, Homo habilis commence tout juste à apparaître, il cohabite avec au moins deux autres espèces d’hominine. Nous ne disposons que de petits indices épars qui nous permettent de retracer le chemin des premiers hommes. «Les groupes d’hominines étaient sans doute éparpillés sur plusieurs endroits du globe, (au moins en Afrique et en Asie au vu de cette découverte),» raconte Dominique Grimaud-Hervé paléoanthropologue au Muséum National d’Histoire Naturelle. «Mais c’est très compliqué de tracer un schéma linéaire entre chacune d’elles, il y a trop de lacunes dans nos connaissances pour relier tous ces groupes.»
«Il est impossible de savoir quel Homo peuplait la Chine il y a 2 millions d’années à partir de pierres taillées»
Qui parmi nos ancêtres et cousins est celui qui a taillé ces pierres au milieu de la Chine? Pour Hermine Xhauflair, «l’hypothèse la plus crédible est d’y voir l’œuvre de d’Homo erectus, mais malheureusement rien ne nous permet de l’affirmer.» Homo erectus n’est pas notre ancêtre, mais plutôt un cousin. On sait de lui qu’il peuplait l’Asie il y a entre 1 million d’années et 150.000 ans. En dehors des restes retrouvés en Géorgie, plusieurs ossements ont été découverts en Chine et en Asie du Sud-est.
Si Homo erectus n’est pas à l’origine de ces outils, qui d’autre a bien pu tailler ces pierres? «C’est impossible de savoir quel Homo peuplait la Chine il y a 2 millions d’années à partir de pierres taillées», conclut Sonia Harmand. «Cette découverte nous ouvre surtout de nouvelles questions. Les prochaines recherches, nous permettront sans doute d’y voir un peu plus clair.» Peut-être même découvrirons-nous que ces outils chinois sont l’œuvre d’une espèce encore inconnue…
Source: lefigaro