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Dépendance militaire : L’obstacle majeur à la souveraineté de l’Afrique ?

La déstabilisation du Sahel vient de l’intervention en Libye. S’il n’y avait pas eu cette intervention en Libye, le Sahel n’aurait pas connu la situation dans laquelle il se trouve aujourd’hui. Certes les défis existaient, mais ils ont été amplifiés par cette intervention en Libye… », cette intervention de l’ancien chef de l’Etat Nigérien Mahamadou Issoufou, à l’occasion de la cérémonie de clôture de la 8ème édition du forum international de Dakar sur la paix et la sécurité, remet au goût du jour le débat sur la dépendance militaire de l’Afrique et ses conséquences à l’heure de la souveraineté.     

Les interventions militaires en Afrique du Nord et de l’Ouest
Si l’on se fie au chapitre 5 du document portant sur  réseaux de conflit et interventions militaires en Afrique du Nord et de l’Ouest, « depuis la fin de la Guerre froide, pas moins de 20 interventions militaires majeures sont ainsi menées pour « prévenir les crimes de guerre, rétablir la stabilité politique ou lutter contre les organisations extrémistes » dans 12 pays, de la Guinée-Bissau au Tchad. Et dans une région où les conflits interétatiques sont rares, la grande majorité de ces interventions sont à l’initiative d’organisations multinationales, d’alliances militaires et de communautés économiques régionales. L’Organisation des Nations Unies (ONU) est intervenue à six reprises dans la région depuis 1997 (25 ans). La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), mise en place par la résolution 2100 du Conseil de sécurité du 25 avril 2013, est la dernière mission en date de l’Organisation dans la région. »
Le même document de renseigner qu’« en Afrique du Nord, l’intervention militaire la plus importante de la dernière décennie est l’opération Unified Protector (2011) de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), qui a initialement pris la forme d’une zone d’exclusion aérienne et d’un blocus maritime contre le régime du Colonel Mahammar Kadhafi en Libye ». En plus de cela, la France a également lancé plusieurs opérations majeures en Afrique du Nord et de l’Ouest, où elle est intervenue militairement dans six de ses anciennes colonies (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Mauritanie et Tchad) depuis la fin des années 80. Elle a également participé brièvement au Libéria (opération Providence) et plus activement à l’intervention de l’OTAN en Libye. De 1997 à 2019, les forces françaises ont toujours été impliquées directement dans un conflit armé en Afrique de l’Ouest, ce qui en fait le pays au plus long historique d’interventions dans la région. Au début des années 2010, la fin des « opérations Épervier » et « Licorne » au Tchad et en Côte d’Ivoire coïncide avec le lancement des « opérations Serval » et « Barkhane » au Sahel, respectivement en 2013 et 2014. Suffisant pour dire que l’Afrique n’a pas encore amorcé sa phase de souveraineté sécuritaire, dans un contexte marqué par une menace réelle liée au terrorisme dans le vieux continent.
« La dépendance militaire de l’Afrique cause un problème »
Si pour l’ancien chef d’État du Niger,  Mahamadou Issoufou, la communauté internationale a des responsabilités dans ce qui arrive à l’Afrique aujourd’hui, il n’en demeure pas moins pour le professeur Ndioro Ndiaye. 
L’ancienne ministre du développement social dans le gouvernement socialiste formé en 1988, la dépendance militaire de l’Afrique est un véritable handicap à sa souveraineté. « On a posé la question de souveraineté, mais nous savons que tant que nous n’avons pas un leadership fort en interne, tant que nous n’avons pas confiance en nos forces internes, les chocs exogènes auront toujours des effets pour nous. Mais la réponse endogène consiste absolument à former et formuler et à mettre en œuvre.
Donc les souverainetés, que ça soit militaire, économique et physique, politique et sociale, ont été embrassées ici. Et le forum de Dakar a posé les jalons d’un débat qui peut ne pas être radieux si on ne tient pas compte de la réalité. La dépendance militaire de l’Afrique cause un problème et tout le monde le dit. L’Afrique doit absolument se libérer de ce joug colonial et prendre toutes ses forces de ce qu’elle a. Ce qu’elle a est inestimable. C’est sa jeunesse, ses ressources, ses connaissances.  Il nous faut être organisé et être beaucoup plus responsable et beaucoup plus volontariste pour pouvoir prendre en main sa destinée.  Il n’est pas normal que dans l’Union africaine, le programme de paix et de sécurité soit financé par les pays étrangers. Il y a des contradictions qu’il faut régler », s’est-elle confiée à Dakaractu dans une interview à l’occasion du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité.
Abondant sous ce même angle, le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, constate pour le regretter qu’un continent aussi important ne puisse à lui seul assurer sa sécurité. « Nous aussi africains, on a un problème. Je ne peux pas comprendre qu’un continent de la taille de l’Afrique ne puisse pas assurer sa sécurité. Souvent nos pays se battent seuls face à des situations critiques. Ce sont les non africains qui viennent nous aider pendant que d’autres pays n’assument pas leur responsabilité vis-à-vis du reste de l’Afrique. Si l’Afrique met ensemble ses forces, nous sommes capables d’assurer la sécurité, d’amener la stabilité et faire avancer la démocratie. On doit mettre nos petits moyens ensemble pour faire face à ces menaces ».  
« C’est rare de voir des pays tout à fait autonomes »
Pour Alioune Tine, le président d’Afrika Jom Center, il faudrait d’abord repenser la sécurité africaine de façon globale à travers de larges concertations pour aspirer à la souveraineté du continent africain. Car pour le membre de la société civile africaine, aujourd’hui, c’est rare de voir des pays tout à fait autonomes en terme de défense et sécurité. Ce qui ne facilite pas la souveraineté. « Sur la force africaine en attente j’en entendu le président Macky Sall dire, « il faut qu’elle soit opérationnelle ». Donc elle n’est pas opérationnelle. Et de deux, « qu’on y mette des fonds adaptés ». Quand il y a ça et c’est le président en exercice de l’Union africaine qui le dit, ça veut dire qu’il n’existe même pas une force africaine qui peut mener des opérations en Afrique. En plus, on a maintenant la force opérationnelle G5 Sahel, le Mali l’a quittée, car sur le plan opérationnel ça ne marche plus. Donc aujourd’hui quand on prend l’Afrique de l’Ouest, pratiquement c’est rare de voir des pays tout à fait autonomes. Quand on prend le cas du Nigéria, avec Boko Haram, le pays est devenu complètement défaillant. 
Ce qui veut dire que les armées ne sont pas adaptées, et de deux, les armées on les conçoit pour combattre des régimes politiques et enfin par rapport à la menace terroriste, les armées ne sont pas bien préparées. Mais le plus grave c’est la défaillance de la gouvernance militaire. Ce qui veut dire en réalité qu’il faut repenser notre armée. Il faut construire de très grandes armées. Parce que par rapport à ce qui se passe dans le Sahel, il faut au moins 300.000 hommes et ils ne sont pas encore là sur place. En plus de cela, il nous faut ce qu’on appelle le concept armée-nation. Et c’est extrêmement important. Il faut que la confiance existe entre l’armée et le peuple et que le peuple ait confiance en l’armée. 
« Il nous faut couper ce cordon ombilical avec certains partenaires »
Sous ce rapport, Mamadou Tangara, le ministre des Affaires étrangères de la Gambie reste catégorique : si l’Afrique aspire à une souveraineté dans n’importe quel domaine que ce soit, il est impératif de rompre avec certains partenaires. « Pour que nous puissions vivre pleinement notre souveraineté, il nous faut couper ce cordon ombilical avec certains partenaires et qu’on prenne notre destin en main parce que nous avons tout ce qu’il faut pour vivre notre souveraineté. J’ai un aîné qui me disait que tant que tu suis tu es toujours derrière. Donc l’Afrique doit prendre son destin en main. Et quand on parle de rupture ombilicale c’est fondamental à tous les niveaux », a-t-il réagi au micro de Dakaractu. Tout pour dire que la souveraineté africaine passe par son indépendance sécuritaire. Car, point de développement sans sécurité…

 

Source: dakaractu

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