Les intellectuels, à travers le monde, face à un dilemme, un choix ou une décision difficile, ont l’habitude d’utiliser la célèbre citation anglaise : «To be or not to be», en français «être ou ne pas être». Certains, souvent même, sans connaître sa signification réelle. Ils savent juste qu’on peut l’évoquer dans des situations de blocages qui nécessitent des choix difficiles, des prises de responsabilités compliquées.
Il s’agit, en réalité (pour ce qui concerne To be or not to be), de la première phrase du monologue du prince Hamlet dans l’acte 3, scène 1 de la pièce qui portait son nom et qui a été écrite par Shakespeare. Il exprimait, là, un dilemme. L’issue tragique est connue de presque tous.
Nous faisons cette allusion car, de même que Hamlet, à son époque, les Maliens sont désormais, et cela un peu plus chaque jour que Dieu fait, au sujet du pays, devant un cas similaire à la fameuse pièce Hamlet de Shakespeare. Tous les jours s’imposent à ceux d’entre eux qui sont parvenus à faire une analyse objective de la situation, un choix à faire, une décision à prendre.
Tous les Maliens qui ne sont pas dans le déni, ceux qui savent et reconnaissent qu’au-delà de Niamana (sortie de Bamako), l’Etat est inexistant et qu’il l’est de plus en plus même dans les grandes agglomérations, telles que Bamako où la qualité de ses services est tous les jours remise en cause, savent que chaque minute qui passe nous rapproche un peu plus de l’inconnue. Ils sont convaincus que l’heure du choix, de la prise de décision courageuse est arrivée : celui de dénoncer ou de renoncer.
Il s’agit donc, à notre avis, désormais, pour tous les Maliens engagés, ceux qui savent que leur pays est en voie de disparition, les vrais patriotes, de dénoncer ; de dire haut et fort tout ce que nous murmurons dans les salons, grins et autres lieux de discussions.
Il est temps, grandement temps, que le monde entier soit mis au courant qu’on peut, au Mali, pendant que le pays est en guerre et assailli de tous les côtés par des groupes armés, voyager, avec plusieurs valises pleines de devises, sur un autre continent et se procurer des hélicos pourris.
Il est temps, grand temps même, que le monde sache que des responsables maliens sont capables, pendant que les soldats maliens tombent au front comme des mouches, de monter de fausses opérations d’achats d’équipements militaires ; de négocier ce matériel avec des rebelles d’autres continents, et empocher illégalement des milliards sous forme de commissions.
Aujourd’hui, disions-nous, nous ne ménageons aucun effort pour expliquer, c’est notre travail, à l’opinion nationale et internationale, que malgré le boucan que le gouvernement fait, il ne contrôle pas le tiers de son territoire ; que le drapeau malien ne flotte pas dans des zones situées à moins de cent kilomètres de Bamako.
Que pour qu’elles se déplacent à l’intérieur du pays, nos autorités ont besoin du concours, de l’assistance, de l’appui et de l’accompagnement de la Minusma ; qu’elles ne peuvent se rendre à Kidal sans l’autorisation expresse de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad).
À présent, il est temps de dénoncer, dénoncer vigoureusement, l’attitude de ces ministres et députés hommes d’affaires, celle de ces officiers-supérieurs commerçants. Il est temps de dénoncer ou renoncer…
Renoncer ? Oui renoncer, car, c’est aussi prendre une décision, celle d’abandonner ; faire comme ces gouvernants qui, aveuglés par les avantages et les attributs du pouvoir, feignent d’ignorer la triste réalité ; celle de voir son pays brûler et ne rien dire ; celle de se rendre coupable et, en même temps, complice d’un chaos programmé ; de faire le choix de répondre, de tout cela, un jour devant l’histoire. Le réveil pourrait être brutal !
Makan Koné
Nouvelle Libération