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Dégradation des infrastructures – Bamako : la dégradation au quotidien

Infrastructures publiques en état de dégradation avancée, jardins publics abandonnés, feux tricolores cassés ou en panne, montagnes d’ordures aux quatre coins de la ville, artères jonchées d’ordures faute de nettoyage, routes défoncées, caniveaux non curés et dégageant une puanteur insoutenable….Voici à peu près l’image qu’offre actuellement Bamako.
Ordures

 

En un an de crise, la capitale s’apparente à une ville fantôme, abandonnée par tous : autorités, mairies, et populations. Bamako est en ruine. Le constat.

 

Certes, Bamako n’a pas encore atteint le niveau de certaines grandes métropoles africaines telles Abidjan, Dakar, Johannensbourg, Rabat, Tripoli, etc, mais ces deux dernières décennies, la capitale malienne a connu un tel seuil d’urbanisation qu’elle se plaçait parmi les villes qui offrent le meilleur cadre de vie dans la sous-région. La métamorphose a été si rapide que le visage de Bamako a toujours occupé une bonne place dans le bilan des présidents Alpha Oumar Konaré (1992-2002) et Amadou Toumani Touré (2002-2012). Que de réalisations faites ces 20 dernières années.

 

Mais hélas, en un an de crise que la ville des 3 caïmans est quasiment méconnaissable, avec des infrastructures en dégradation avancée, faute d’entretien et de suivi de la part des autorités de transition et de la mairie du District, responsable moral de l’embellissement et de l’assainissement de la ville. Bamako est en état de dégradation avancée, peut-on même dire.

 

Pourtant, il y a seulement trois ans, outre la multiplication des bâtiments publics fonctionnels réalisés par l’Etat et dont l’objet était d’améliorer le cadre du travail des services publics (ministère des finances, direction générale de  la protection civile, Cour constitutionnelle, direction du trésor et de la comptabilité publique….), Bamako était enviée grâce à ses routes bitumées, ses échangeurs, ses monuments et ses espaces verts, entre autres. Ces investissements réalisés à coup de milliards de nos francs se sont particulièrement accrus à la faveur du cinquantenaire de l’indépendance du Mali (septembre 2010), sous l’ancien président ATT, très attaché à l’image de la ville de Bamako.

 

Comme un château de cartes…

 

En prélude du cinquantenaire, de grands travaux ont été engagés et plusieurs infrastructures réalisées dont l’échangeur multiple et ses voies d’accès, un joyau futuriste qui a révolutionné la circulation aux alentours de la Cité administrative et de la RN 5. Le pont de l’Amitié Mali-Chine, le Jardin du cinquantenaire, sont autant d’ouvrages venus s’ajouter à tant d’autres pour embellir davantage la ville de Bamako où les espaces verts faisaient déjà la fierté de plus d’un habitant. Il faisait bon vivre dans la ville des trois caïmans.
Mais, comme un château de cartes, cette embellie se fissura progressivement  après la ferveur des festivités du cinquantenaire, avant de s’écrouler après les évènements du 22 mars 2012. Bamako et ses merveilles sont abandonnées à elles-mêmes. Partout, c’est ruine et désolation. Un petit tour en ville suffit pour constater les dégâts: des monuments transformés en champ de ruine (monument de l’éléphant à Hamdallaye et monument caïmans de la cathédrale fissuré), des feux tricolores arrachés ou non fonctionnels.

 

L’exemple le plus frappant est le rond point de N’Golonina. Au niveau de ce carrefour, la circulation est régulée par un total de 7 poteaux de feux tricolores tous hors d’état d’usage. Selon certains témoignages, les feux sont dans cet état depuis plusieurs mois.
C’est aussi le cas de certains ouvrages réalisés il y a peu à coup de millions de nos francs : Jardin du cinquantenaire, un joyau, réalisé au flanc de la colline de Koulouba, au quartier Darsalam et qui sert de lieu de prise de photos à Bamako. Aujourd’hui, ce site, très fréquenté et où les couples de mariés viennent poser pour la postérité, est en danger de…mort. Les dégâts, en si peu de temps, sont énormes. Des fleurs asséchées et constamment piétinées, un éclairage public vandalisé avec plusieurs ampoules brisées, des sachets d’eau et mégots de cigarettes jetés par terre et même des…préservatifs. Tous ceux-ci offrent l’amer constat du manque d’entretien de ce site relevant du ministère de la culture. Ce département en a confié l’entretien à un prestataire de service, en l’occurrence une dame qui, à son tour, a recruté deux jeunes pour faire le travail. Mais dans quelles conditions ? La certitude est que les jeunes font du mieux qu’ils peuvent sans pouvoir freiner la dégradation des lieux. L’un des gardiens, Adama Diarra, nous confie que le Jardin connaît régulièrement des coupures d’eau. Ce qui explique l’état des fleurs, assechées. Que dire de la piscine asséchée?

 

Pour les ampoules brisées, le gardien impute la responsabilité aux visiteurs, dont certains viennent avec des couples de mariés, et aux badauds qui cassent les ampoules avec des lances-pierres. Adama Diarra n’était pas à mesure de nous dire un temps auquel nous pouvons trouver sa patronne sur les lieux. A ce sujet il s’est contenté de nous répondre : «Mme nous envoie chaque mois notre salaire, mais ses visites ici sont très espacées». Ce qui laisse  comprendre que quelque part le travail de suivi et de vérification qui incombe à la dame n’est pas fait convenablement.  Conséquence ? Le site se dégrade à son insu. Et à l’insu du District et du pouvoir central ? Pourtant, la réalisation du Jardin a coûté au budget national 300 millions de FCFA. Cette somme a été investie dans la réalisation d’une cascade artificielle d’une hauteur de 15 m , un bassin d’eau supérieur de 50 m3 , un bassin inférieur de 250 m3 , une grotte artificielle, un belvédère d’une superficie de 121 m2, une placette en pavé, un parking, des bancs, et l’aménagement d’espaces engazonnés. Le Jardin du cinquantenaire était un véritable petit paradis, transformé aujourd’hui en un simple lieu de passage. Quel gâchis!
Autre lieu qui témoigne de la dégradation de la ville de Bamako : le boulevard de l’indépendance. Réhabilité à hauteur de 2,094 milliards de FCFA, dans le cadre d’un vaste projet d’aménagement embellissement et assainissement s’étendant de la berge du Niger (face École normale supérieure) au cinéma Babemba, les travaux d’embellissement ont porté sur le curage, la réhabilitation, la reconstruction et le dallage de 2 800 m de caniveaux, en plus du pavage de voies de circulation et l’aménagement d’espaces annexes pour une superficie totale de 18 308 m2.

 

Dans l’indifférence des pouvoirs publics, de la mairie et des citoyens, ce lieu considéré parmi les plus beaux endroits de la capitale, se dégrade progressivement. A preuve, la plupart des espaces publics aménagés sont dans un piteux état, certains ont été transformés en atelier par des riverains. Par endroit, la clôture métallique, qui protégeait les fleurs, est arrachée et emportée par des individus, dans une indifférence coupable du voisinage.

 

Que dire de la situation qui prévaut du coté du «Diafarana Kô» dont le lifting a coûté 2,5 milliards de francs CFA prélevés sur les fonds Sotelma. En trois petites années, le lieu commence à sombrer dans l’insalubrité et la puanteur. Faute d’entretien, le sable y a repris ses droits, les ordures ménagères aussi. L’endroit est livré simplement aux animaux.

 

Il n’y a pas d’argent

 

Face à cette situation, ils sont nombreux ceux qui se retournent vers la mairie du District accusée de ne plus s’acquitter convenablement d’une de ses missions régaliennes qui est l’entretien de la ville. Pour en savoir davantage, nous nous sommes rendus à la mairie du District, où nous avons été mis en contact avec Oumar Konaté. Il est le directeur général de la Cellule technique d’appuis aux communes du District (Ctac), une structure qui coordonne les actions d’entretien des infrastructures au sein du District. Konaté veut prouver que «tout ne relève pas du District», même si la mairie répond de beaucoup d’infrastructures. Parmi celles-ci figurent le jardin du 5 septembre, le jardin du maire du District, la place CAN, le jardin de la promenade des Angevins, celui de la Place de la liberté, le monument Square Patrice Lumumba. Tous ces ouvrages ont en commun d’être aujourd’hui abandonnés par la mairie du District. Une situation que M. Konaté explique par «la crise que le Mali traverse » et qui a plongé le District dans des difficultés financières sans précédent. Autrement dit le seul responsable de cette situation c’est…la crise. Passons !

 

Selon le directeur général de la Ctac , le District a toujours fourni dans ce domaine des efforts importants, mais connus par très peu de gens. Pour lui, en effet, le District de Bamako, est la seule capitale africaine qui ne bénéficie pas de subvention de l’Etat pour les travaux d’embellissement de la ville. Konaté prend l’exemple sur des villes comme Abidjan ou Ouagadougou, qui bénéficieraient annuellement jusqu’à 3 milliards de subvention de la part de leurs Etats. «Dans notre cas, les textes de création du District prévoient également que l’Etat vienne en appui au District, mais nous n’avons jamais pu bénéficier de cette aide qui nous aurait permis de changer le visage de Bamako», affirme Oumar Konaté, qui précise par ailleurs que pendant tout ce temps, c’est sur les recettes issues de la vente des vignettes et autres taxes que le District arrive à suivre correctement l’entretien de la ville. Ce qui coûte au District annuellement 100 millions de FCFA.

 

La crise actuelle, ajoutée au faible taux de recouvrement des impôts et taxes, fait que la mairie n’a pu mobiliser cette année les ressources qu’il faut pour ces taches d’entretien de la ville. «On a beau élaboré des stratégies et des plans, s’il n’y a pas d’argent, on ne peut rien», observe notre interlocuteur qui prend le cas de la taxe de développement régional et local (Tdrl). «Bamako compte 2 millions d’habitants. Si chaque imposable payait cette taxe annuelle qui est de 3 000 FCFA, cela permettrait au District de mobiliser 3 milliards de FCFA. Avec un tel montant, tous les problèmes allaient partir, y compris celui de l’entretien des infrastructures», déclare le directeur de la Ctac.

 

Cet état de décrépitude, de dégradation, voire de déliquescence des infrastructures publiques dans le District, suscite colère et déception chez bon nombre de nos concitoyens. Pour certains, il est inconcevable, que le pouvoir, même transitoire, ne puisse pas en faire une préoccupation. Pour d’autre, l’Etat est une continuité. Ceux qui sont aux affaires doivent être interpellés. «Cet état de fait s’explique par le fait que nous sommes en présence d’un pouvoir défaillant, qui ne se sent responsable de rien ; et d’un gouvernement de transition qui cherche à partir en toute tranquillité… », estime l’enseignant du secondaire, Issa Konaté.

 

Oumar Diamoye

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