Les conséquences de la dégradation des forêts constituent une menace directe pour l’équilibre environnemental. Elles pourraient compromettre l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD), coûter à notre pays son statut de «puits de carbone»
Peut-être plus que l’eau, les forêts sont capitales à la survie de l’homme sur terre et à la satisfaction de ses besoins les plus élémentaires. Au Mali, on y exploite du bois d’œuvre pour la fabrication des outils de travail, des objets d’art, des meubles, la construction des maisons, etc. C’est encore elles qui nous produisent le bois de chauffe, les plantes médicinales, du fourrage pour l’alimentation des animaux… En plus, elles régulent le régime des eaux, restaurent la fertilité des sols et les protègent contre l’érosion. En dépit de ces avantages multiples et divers pour l’homme, sa société et son environnement, la déforestation continue son ascension au Mali. Pourtant, préviennent les experts, nous ne semblons plus loin «du pire» si rien n’est fait pour renverser la tendance.
Cette situation peu reluisante est due en grande partie à la coupe abusive du bois, les pressions agricoles et pastorales, l’orpaillage, les défrichements incontrôlés, l’occupation illicite des domaines forestiers classés et des aires de conservation de la biodiversité, analyse la 2è secrétaire technique du Groupe national de travail (GNT) sur la gestion durable des forêts. Des forêts immenses se transforment en terre nue déboisée sous nos regards impuissants, regrette Mme Kanouté Fatoumata Koné.
Certaines activités à l’origine de cette situation, comme la coupe du bois et la production de charbon, sont devenues des sources de revenus stables et vitales pour des populations. Celles-ci y trouvent ainsi l’alternative à l’exode rural, notamment des jeunes garçons et des jeunes filles. D’où le cri du cœur de Mme Kanouté Fatoumata Koné qui invite à trouver rapidement une autre source de substitution au bois et de revenus pour les populations vivant de ces activités.
PERTE DE 82% DE NOS SUPERFICIES FORESTIÈRES- Car, ce pillage anarchique des forêts contribue, selon elle, à la disparition d’habitats naturels pour la faune et la flore. En effet, ces actions de l’homme sur la nature ont coûté à notre pays 82% de ses superficies forestières. Le Mali en disposait 788.111 hectares en 2014, contre 4.475.000 hectares de forêts classées, en 1960. Une chute vertigineuse que Mme Kanouté Fatoumata Koné juge insoutenable.
Aussi, le profil environnemental de notre pays, élaboré par la Délégation de l’Union européenne, révèle des chiffres qui font froid au dos. «Au niveau des écosystèmes naturels, l’état des ressources forestières est alarmant avec seulement 17% du pays ayant une réelle capacité de production forestière. La superficie défrichée est estimée à plus de 500.000 hectares par an. L’aire des pâturages augmente, représentant 35 millions d’hectares, dont 40% sont brûlés annuellement», déplore le rapport rédigé à cet effet.
D’autres études ont révélé une grande inquiétude des personnes enquêtées sur la pénurie des ressources, dont elles vivent, sur les difficultés d’accès et l’inorganisation des acteurs, ajoute Souleymane Diallo du groupe GNT, faisant l’état de nos forêts. D’où la nécessité, au regard de leur importance, de sauvegarder les ressources forestières, interpelle le directeur général de l’Agence de l’environnement et du développement durable (AEDD), Boureïma Camara. Ce dernier estime que l’existence humaine dépend de la biodiversité, donc pas de vie sans diversité biologique. Il intervenait lors d’une conférence de presse en marge de la Quinzaine de l’environnement.
Ainsi, pour limiter l’émission de CO2, principale source du réchauffement climatique, il est nécessaire de créer et de préserver les puits de carbone, suggère Boureïma Camara. Il précise : «Un des grands puits en la matière, ce sont les forêts et les végétaux. Pour lui, tous ces grands vents et intempéries naturelles pourraient être évités si les hommes prenaient le soin de conserver et de promouvoir les écosystèmes forestiers.
FORÊTS AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE- Le premier responsable de l’AEDD a, à cet effet, cité l’exemple de la forêt de Koulouba. Elle a été classifiée, car le colon s’était aperçu que Bamako serait invivable sans cette forêt, donc n’existerait pas. Certains sont pourtant en train de la détruire aujourd’hui en y construisant des maisons et en installant d’autres infrastructures. Si les arbres ne retenaient pas la violence des eaux de ruissellement, des quartiers des Communes II ou III auraient de réelles difficultés à exister, argumente Boureïma Camara.
Pour une solution durable à la déforestation accélérée de notre pays afin de mettre les forêts au service du développement durable, Mme Kanouté Fatoumata Koné propose un meilleur encadrement du secteur de l’orpaillage, le contrôle des activités agricoles et pastorales, l’exécution des plans d’aménagement, l’actualisation des textes. La secrétaire technique du groupe GNT suggère aussi l’amélioration de la capacité technique et financière des services des eaux et forêts qui comptent aujourd’hui moins de 900 agents, toutes catégories confondues. Pour l’amélioration de notre cadre de vie et la sauvegarde de notre environnement, elle demande l’implication de tous les acteurs afin de démanteler le cercle vicieux à l’origine de la dégradation continue de nos forêts.
Cela, dans le but de soutenir les efforts déjà consentis dans le domaine forestier. Notons que notre pays, face au ravage de l’environnement surtout des ressources forestières et ses effets collatéraux sur le plan économique, social et culturel, a élaboré une Politique forestière nationale. Approuvée en 2017 par décret N°2017-0845/P-RM, elle intègre la gestion intégrée et durable des ressources forestières et fauniques en vue de contribuer à la lutte contre la pauvreté.
Aux termes de la COP 21 tenue à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015, le Mali a également rédigé sa Contribution déterminée au niveau national (CDN), rappelle le coordinateur du Projet alliance globale contre le changement climatique (AGCC). Elle ambitionne, précise Soumana Fofana, une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) qui sont de l’ordre 29% au niveau de l’agriculture, 31% pour le secteur énergétique et 21% pour le secteur forestier et le changement d’affectation des terres.
Anne-Marie KEÏTA