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Déficit énergétique: comment on se tourne en dérision ?

Pour combler notre déficit énergétique de 100 MW, le ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Eau, Lamine Seydou TRAORÉ, s’est rendu à Abidjan pour solliciter auprès des autorités ivoiriennes la fourniture de 50 MW. Il en a obtenu 60. Ces 60 MW ajoutés aux 40 MW produits par deux centrales de la capitale, font les 100 MW nécessaires pour couvrir les besoins énergétiques. Pour autant, nous ne sommes pas au bout de nos peines puisque la vétusté des équipements rend aléatoire le transport du courant. L’équation de la fourniture d’électricité reste donc presqu’entière. Partant, nous nous tournons en dérision.

 

Aux crises sécuritaire, sanitaire s’ajoute celle énergétique qui se manifeste sous forme de délestages sauvages qui déchaine les passions. La tentative de manifestation des jeunes, le jeudi 22 avril dernier, devant la Direction générale de EDM, dispersée à coups de gazage et de matraquage, est un révélateur de la surtension provoquée par la baisse de tension de la société énergie du Mali. Quelques jours plus tôt, le samedi, les forces de l’ordre ont chargé les manifestants pacifiques sortis pour alerter et protester contre les délestages sauvages, en prétextant du contexte covidaire qui ne saurait prospérer.
Face aux nombreux réquisitoires accablants contre EDM, le ministre Lamine Seydou TRAORE a choisi de monter en première ligne afin de nourrir le Moloch populaire. Il organise une conférence de presse au cours de laquelle il exprime un besoin de 2 300 milliards de francs CFA pour le renouvellement des équipements qui sont obsolètes. De cela dépendra le confort des Maliens en matière de fourniture d’électricité, a-t-il assuré.
Sauf que cette somme qui avoisine le budget d’Etat, le Mali ne l’a pas. Autant dire qu’il faut prendre notre mal en patience.
En attendant de trouver l’improbable financement dans l’immédiat, le ministre emprunte un autre réseau, à savoir celui permettant de combler le déficit énergétique en sollicitant auprès des autorités ivoiriennes la fourniture de 50 MW. Il engrange 60 MW sur implication du Président de la Transition Bah N’DAW auprès de son homologue ivoirien Alassane Dramane OUATTARA.
Par rapport à la demande en direction de la Côte-d’Ivoire, il faut rappeler qu’elle s’inscrit dans le cadre du Système d’énergie électrique ouest africain (EEOA, WAPP en anglais), regroupant quatorze des pays membres de l’organisation sous régionale, a, en vue de la création d’un marché régional d’électricité dans l’espace CEDEAO, entrepris la réalisation de projets d’interconnexion entre les pays à capacité de production électrique à moindre coût et ceux ayant un déficit énergétique ou produisant l’énergie à des coûts exorbitants.
Les projets interconnectés des réseaux électriques du Mali et de la Côte-d’Ivoire et la réalisation des travaux de la liaison 225 KV Sikasso-Bougouni-Sanankoroba-Bamako s’inscrivent dans ce cadre.
Ainsi, en ajoutant les 60 MW cédés par la Côte-d’Ivoire aux 40 MW produits par deux centrales de la capitale, le déficit de 100 MW annoncé par les autorités compétentes est comblé.
Pour autant, apprend-on de source proche de la société Energie du Mali, la disponibilité énergétique ne garantit pas la fin des délestages. En effet, explique notre interlocuteur, la vétusté des équipements, en cette période de forte chaleur, fait qu’ils peuvent être à tout moment sujets à des surchauffes et même à des incendies. Ce qui occasionnera automatiquement une rupture dans la fourniture d’électricité, mais qui n’a rien à voir avec la disponibilité énergétique.
En résumé : nous avions un déficit énergétique ; la Côte-d’Ivoire nous fournit (incessamment, dit-on) 60 MW, mais nous n’avons pas la logistique nécessaire pour acheminer le courant jusqu’aux utilisateurs. Le Mali n’est-il pas en train de se tourner en bourrique devant ses partenaires, d’être la risée de la sous-région ?
A cela, il faut ajouter que des informations persistantes font état d’impayés de factures à la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE). Pour de nombreux observateurs, le plaidoyer du Président Bah N’DAW visait à obtenir un moratoire sur les dettes pour sauver les meubles. Ce sacrifice des autorités ivoiriennes aura-t-il été vain puisque nous sommes dans l’impossibilité d’assurer l’acheminement du courant électrique ?
In fine, à l’instar de nombreux secteurs, la nécessité de la réforme de la société Energie du Mali se pose avec acuité pour sortir définitivement des bidouillages. Si cette mission dépasse les prérogatives de la Transition, celle-ci doit par contre poser les jalons pour sa réalisation, l’Etat étant une continuité. Sinon à force de vivre dans le noir, les enfants seront des enfants des ténèbres. Dieu nous en garde !

PAR BERTIN DAKOUO

Source : INFO-MATIN

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