Le déplacement en Russie, dans la plus grande discrétion, du ministre de la Défense, colonel Sadio Camara et du chef d’Etat-major de l’Armée de l’Air, général Alou Boi Diarra, au lendemain de l’attaque terroriste meurtrière contre le camp des FAMa à Mondoro (27 tués, 33 blessés, 7 portés disparus) le 4 mars, vise, selon toute vraisemblance, un objectif: obtenir un appui renforcé, notamment dans le secteur aérien, de la coopération sécuritaire relancée avec Moscou.
Cette démarche, si elle venait à se confirmer, intervient dans un contexte où la Russie est engagée dans ce que ses détracteurs occidentaux appellent » l’invasion de l’Ukraine « et qu’elle-même désigne pudiquement sous le vocable d’« opération militaire spéciale « . Laquelle n’a d’autre but que de neutraliser les centres de commandement et les infrastructures militaires ukrainiennes ainsi que le pouvoir » neo nazi » installé à Kiev. Tâche dans laquelle l’armée russe, en dépit des moyens colossaux dont elle est réputée disposer, est solidement accompagnée par l’entreprise de mercenariat Wagner, décrite comme « l’armée secrète de Poutine « . Avec comme mission particulière de capturer, mort ou vif, le président Volodomyr Zelensky et de l’emmener comme trophée de guerre au Kremlin.
Seulement voilà: « l’opération militaire spéciale « s’avère plus longue et plus complexe que prévu. Bien que durement frappées aux premières heures de l’offensive terrestre, maritime et aérienne, les forces ukrainiennes résistent et infligent, assure-t-on, de lourdes pertes en hommes et en matériels à « l’envahisseur russe », ralentissant voire stoppant son avancée. Des villes stratégiques tardent à tomber. Des civils entrent dans la résistance avec les moyens du bord, y compris les cocktails Molotov. Les femmes elles-mêmes y prennent leur part, délaissant leur cabinet d’avocat, bureau, chantier ou clinique. Des étudiants aussi s’improvisent en soldats.
Devant cette évolution inattendue, en passe d’être aggravée par les livraisons d’armes sophistiquées à l’Ukraine par des pays de l’OTAN et au regard de l’avalanche des sanctions de toutes sortes qui déferlent sur la Russie, l’on peut raisonnablement penser que ce pays est davantage préoccupé par son proche devenir que celui d’un lointain Etat sahelien où il ne possède pas d’intérêt stratégique. La Russie est, en effet, riche en pétrole, gaz, uranium, diamant, or…En outre le terrorisme qui sévit au Sahel ne représente pas une menace directe pour elle.
Cette déconvenue pour les autorités maliennes survient dans un environnement fortement dégradé: le processus de paix, embourbé depuis de longues années, n’a jamais été aussi proche de la rupture avec les velléités indépendantistes qui refont surface ; la situation politique interne est figée et dominée par la peur ; les sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA font souffrir les populations et mettent à genou les entreprises ; les partenaires traditionnels au développement se retirent.
Quant à la refondation de l’Etat, qui a officiellement justifié la prorogation de la transition de » six mois à cinq ans » au sortir d’Assises contestées, on en parle beaucoup mais elle tarde à se profiler à l’horizon.
Saouti HAIDARA
Source: L’Indépendant