« Trop, c’est trop, c’est beaucoup trop »
Détenant le triste bilan de la Mission la plus meurtrière des missions des Nations Unies actuellement déployées un total de 26 Casques bleus entre février à mai 2016 (donc dans une période de 4 mois), le Représentant spécial du Secrétaire général, Mahamat Saleh Annadif, a tapé du poing sur la table pour dénoncer de tels chiffres affligeants. Le chef de la Minusma pointe un doigt accusateur sur l’ONU en estimant que ces pertes auraient pu être évitées si les contingents étaient mieux formés, mieux équipés.
Lors d’une réunion du Conseil de sécurité consacrée à la situation au Mali, le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, Mahamat Saleh Annadif, a dénoncé les attaques meurtrières contre les soldats de la Minusma lesquelles se sont soldées par une vingtaine de morts en espace d’une période de quatre mois.
Devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général a indiqué que depuis son déploiement en 2013, la mission onusienne dans notre pays détient le triste record de la Mission la plus meurtrière des missions des Nations Unies actuellement déployées.
« Mais ce qui s’est passé ces derniers temps est encore plus grave et doit nous interpeller », a averti le chef de la Minusma qui a révélé que, de février à mai 2016, 19 Casques bleus ont été tués suite à des actions terroristes dont 12 pour le seul mois de mai. S’ajoutent à cela 7 autres décédés pour d’autres causes (accidents, maladies…). Ce qui fait le chiffre de 26 tués parmi ces forces. Et le total devient 27 en ajoutant un contractant des Nations Unies tué aussi le 31 mai.
Du constat dressé par Mahamat Saleh Annadif ces chiffres sont plus affligeants auxquels il a ajouté les pertes de l’opération Barkhane et celles de Forces de Défense et de sécurité maliennes et les civils.
« Comme j’ai souvent eu à le dire, il est difficile de se prêter à ce décompte macabre, et trop, c’est trop, c’est beaucoup trop. On ne peut continuer à accepter l’insupportable. Il est temps de s’engager dans une profonde introspection accompagnée par des mesures tangibles, car il est indéniable que certaines pertes auraient pu être évitées si nos contingents étaient mieux formés, mieux équipés, particulièrement en véhicules blindés (APCs) », a-t-il déclaré.
Par ailleurs, l’attaque sur un convoi de la MINUSMA aux environs de Mopti le 29 mai, journée internationale des Casques bleus, illustre tragiquement que les menaces terroristes s’étendent de plus en plus vers le Centre et le Sud du pays. Pour le patron de la Minusma, cette tendance est porteuse de germes de contagion et ne doit pas être banalisée.
Il n’est pas allé par le dos cuillère pour dénoncer la lenteur de la mise en œuvre de l’Accord de paix, un an après sa signature.
« Depuis votre visite de mars dernier au Mali, l’évolution de la situation demeure malheureusement toujours préoccupante », a-t-il dit à l’adresse des membres du Conseil lors de cette réunion à laquelle participait une délégation du Mali, conduite par le Premier ministre Modibo Keita.
« Un an après la signature de l’Accord de paix, force est de constater que ni les signataires, moins encore la médiation internationale, ne sont satisfaits du rythme d’exécution de sa mise en œuvre. Cette lenteur qui est difficilement compréhensible est en train de compromettre tout le processus, notamment la mise en place des patrouilles mixtes », a-t-il ajouté. « Alors que l’accord est un tout, depuis un certain temps, le débat semble le réduire à la mise en place des Administrations intérimaires qui malheureusement tardent à s’opérationnaliser ».
M. Annadif, qui a pris ses fonctions en janvier 2016, a souligné que la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA) restait pleinement engagée dans ce dossier et qu’elle faisait constamment usage de ses bons offices et autres leviers en sa possession.
« Toutefois, il est évidemment clair que c’est aux parties qu’incombe le devoir d’honorer leurs engagements. C’est à elles de faire de l’accord de paix et de réconciliation une réalité », a-t-il dit.
Malgré ce contexte, le Représentant spécial a relevé des signes d’espoir au regard de la situation de 2012. Il a ainsi noté le respect du cessez-le-feu par toutes les parties maliennes signataires de l’accord pour la paix, la poursuite des efforts consentis par le gouvernement malien dans la mise en place d’un cadre juridique et institutionnel solide, et enfin le fait qu’en matière de cantonnement, près de huit sites sont presque achevés.
Selon M. Annadif, il est absolument crucial de renforcer la confiance mutuelle entre les parties signataires. « Plus on accumule du retard dans la mise en œuvre de l’accord et la prise en charge réelle de ces défis, plus l’on risque de voir le processus de paix se fragiliser davantage », a-t-il averti.
Aussi, il a estimé qu’une posture renforcée de la MINUSMA s’imposait. Selon lui, il est nécessaire d’accroître les capacités à la fois de la force et de la police en termes de personnel, d’équipements et de couverture aérienne. « Il faudrait, par ailleurs, davantage expliciter que le mandat de la Mission l’autorise à mener des opérations proactives et préventives pour s’acquitter de ses responsabilités en termes de protection des civils et de son personnel », a-t-il ajouté.
Par Mohamed D. DIAWARA