La vague de violence contre les Africains noirs en Tunisie, suite aux propos racistes du président Kaïs Saïed, ne faiblit pas. Au contraire, de jour en jour, la haine des Tunisiens contre nos compatriotes monte d’un cran. Si jusque-là, elle s’exprimait par des agressions verbales, des atteintes corporelles et des expulsions des logements, depuis quelques jours, une nouvelle étape a été franchie avec le meurtre d’un jeune Ivoirien, agressé dans la rue par une dizaine de Tunisiens, le rouant de coups. Dans une vidéo largement partagée sur les réseaux sociaux, on a pu voir ses agresseurs le frapper lâchement et le pourchasser comme un pestiféré. Ni les passants, ni les forces de l’ordre ne lui ont porté secours. Il s’est démêlé jusqu’à ce qu’il n’était plus en mesure de fournir le moindre effort pour échapper à ses assaillants. Même allongé au sol, ayant perdu connaissance, il a continué à subir la barbarie des tunisiens.
L’infortuné finira par rendre l’âme dans un hôpital tunisien. Un drame qui a suscité beaucoup d’indignation et de colère chez les Africains au Sud du Sahara. Aucune justification d’une telle atrocité entre Africains ne pouvant être acceptée. Il vient d’ailleurs rappeler que, derrière l’hypocrisie des « bonnes relations » avec les pays du Sud du Sahara, la Tunisie est par essence un pays raciste. Les récits des étudiants et des immigrés, rapportés avec force détails, étayent largement cette posture tunisienne. En 2006 déjà, lors d’une mission »Eductour », organisée par la compagnie Tunis-Air, nous avions eu l’opportunité d’échanger avec une étudiante malienne, à Sousse, qui disait ceci : « On vit au quotidien le racisme ici avec les Tunisiens. Ils n’ont aucun respect pour les noirs, surtout, nous les filles, si tu ne fais pas attention, ils abusent de toi et personne ne dira mot. Les seuls noirs qu’ils respectent sont les joueurs de football, qui évoluent dans leur championnat ici, et les noirs américains, qui viennent en touristes « .
Les démons du racisme sont de nouveau lâchés, avec un président raciste, à la tête d’un Etat, qui en a fait un mode de relation avec les ressortissants de l’Afrique dite noire. Le président Kaïs Saïed, confronté à une farouche contestation de sa gouvernance par ses compatriotes, partisans et opposants confondus, et en panne d’idée pour se sortir de cette impasse, n’a donc rien trouvé de mieux que de se réfugier derrière « une politique de la haine raciale « , terrain d’entente quasi partagé avec les Tunisiens. A défaut de trouver des réponses satisfaisantes aux aspirations de ses compatriotes, il leur vend l’illusion d’une lutte contre l’immigration clandestine. Rengaine bien connue de pays en difficultés économiques. Si, aujourd’hui, les ressortissants d’Afrique au Sud du Sahara affluent vers ce petit pays arabe, c’est en partie en raison de sa proximité avec l’Europe, faisant de lui l’une des portes d’entrée sur le vieux continent. Ils sont également, aujourd’hui, des milliers de jeunes Tunisiens à traverser la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. L’immigration clandestine n’est pas l’apanage des seuls noirs Africains.
Ces actes racistes, dramatiques et anachroniques, doivent susciter une certaine réflexion chez les dirigeants des pays d’Afrique noire, notamment Maliens, Sénégalais, Ivoiriens, Guinéens, pour le développement de voies et moyens susceptibles de satisfaire les ambitions de leur jeunesse. Les empressements desdites autorités autorités de ces pays à rapatrier leurs ressortissants sont certes louables mais ces retours précipités ne viennent-ils pas ajouter d’autres dimensions aux problèmes ainsi soulevés ?
Il appartient à nos autorités d’aller au-delà ces actions de sapeurs-pompiers en dotant nos pays de véritable politique de développement socio-économique. Si nous prenons le cas de la Côte d’Ivoire, qui compterait environ 7 000 ressortissants en Tunisie, ce pays, en termes de richesses naturelles (pétrolière, forestière, agricole, minière…), dépasse largement celui de Kaïs Saïed. Première économie de la sous-région, la Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara est le premier producteur mondial de cacao, devant le Ghana, avec 40% de la production mondiale et troisième exportateur mondial de café, derrière le Brésil et la Colombie. Alors qu’en Tunisie, les seuls atouts sont le tourisme et sa proximité avec l’Europe. Ils ont toutefois su profiter de ces avantages, en se dotant notamment d’un système éducatif et d’une médecine de qualité, qui sont, aujourd’hui, une référence sur le continent. D’où la forte propension des jeunes étudiants ouest-africains à poursuivre leurs études dans ce pays et des cadres et autres richissimes personnalités à y effectuer des séjours médicaux. Et, au même moment, après plus de 60 années d’indépendance, nos hôpitaux et nos écoles sont malheureusement à l’abondon.
Youssouf CAMARA
Source: l’Indépendant