Elles en appellent plutôt à un autre concept, celui d’État multiconfessionnel, et qui siérait mieux à la réalité socio-anthropologique du Mali.
D’entrée, il faut quand même déplorer, le manque de débat sur des sujets majeurs qui intéressent la masse populaire à un moment où les Maliens ressentent un grand besoin de s’exprimer. Et ce, à l’heure où le Mali se retrouve dans une posture de ré-indépendance. La réforme constitutionnelle ne devrait pas passer comme une lettre à la poste puisqu’abordant des sujets assez lourds. Il serait mieux de prendre comme principe que pour bien faire les choses, il faut prendre son temps. D’où même la question de la pertinence de procéder à une telle révision alors que le chrono joue en défaveur des autorités de la Transition. Et le fait que la future probable ex Constitution eut été validée en période de Transition n’est pas un argument absolu. Ce qui est valable hier, n’est pas forcément valable aujourd’hui.La question du caractère laïc du Mali démontre aussi l’incapacité coupable ou inconsciente de nos élites gouvernantes de prendre en considération les réalités locales tout en s’inspirant de ce qui a été fait sous d’autres cieux. Le constat est que le copier-coller est devenu une norme depuis de nombreuses années. Résultat, le citoyen est assez souvent égaré, puisqu’il se voit appliqué des normes qu’il ne comprend que très peu. De la Constitution à la mise au ban des langues locales, en passant par le système politique en place, tout est fait comme pour abreuver une certaine couche, aisée et parfumée à l’école des blancs. L’idée n’est pas de rejeter systématiquement tout ce qui vient d’ailleurs, mais de s’inspirer des modèles de réussite et de les adapter à la compréhension malienne, avec comme base les réalités sociétales du pays. La laïcité en vigueur en République du Mali est celle française, même s’il faut reconnaitre que par endroits, des Maliens se sont faits leur propre opinion de la laïcité. Lorsque des Maliens réclament un État multiconfessionnel, qu’est-ce que cela implique en réalité ? Sur la forme, selon toute vraisemblance, il s’agirait tout simplement que chacun puisse exercer sa profession de foi en toute liberté. Ce qui n’est pas si différent du concept de laïcité en vigueur. Sauf que, dans la pratique, il s’agirait surtout que chacun puisse être régi par la loi religieuse selon sa confession. Les musulmans devront être régis par la Charia, les chrétiens par des préceptes bibliques, ainsi de suite. Ce qui induirait forcément un bouleversement de l’arsenal juridique et de l’armature judiciaire du Mali. Il s’agit d’un travail assez lourd qu’il faudra accomplir en amont. Un travail d’orfèvre dont l’accomplissement serait difficile pour les autorités en place pour d’évidentes raisons. De plus, naturellement, un tel choix doit se faire de concert avec les autres religions. À l’analyse, l’on ne peut occulter les méfaits d’une version de la laïcité qui, du fait qu’elle eut été appliquée sans aucune forme d’étude ni de prospection, aura causé des dégâts d’ordre moral mais aussi identitaire. Beaucoup sont aujourd’hui en manque de repères, singulièrement les jeunes. Mais, est-ce que ce déficit de cap moral et de spiritualité est seulement dû à la laïcité ? Il semblerait que les Maliens au fil des ans se sont emmurés dans un autre concept, mélange malsain de complaisance et d’humanisme frelaté, le tout baignant dans une sauce dont le sel est la laïcité, mais pas que, justement. Toutefois, si les détracteurs de la laïcité parvenaient à enlever ce mot et le faire remplacer par le terme « État multiconfessionnel », le projet d’avant-projet emportera-t-il le Oui ? Car des concepts-clés de l’Islam que sont le Jihad et la Charia ont fait l’objet de tellement de fausses informations que même nombres de musulmans sont tombés dans le piège de la diabolisation. Et il est loin d’être évident que les musulmans maliens, dans l’ensemble, consentent à vivre ne serait-ce que partiellement, sous la loi de la Charia islamique, pourtant socle de toute quiétude morale et spirituelle dans le monde d’ici-bas. Sauf que, malheureusement semble-t-il, peu de gens le savent. Ahmed M. Thiam