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De notre envoyé spécial : les Maliens du Gabon et la crise post-électorale

Dans le pays de feu Oumar Bongo Ondimba, lorsqu’on se promène dans la ville, on est toujours frappé par l’ampleur des saccages qui ont suivi la proclamation des résultats de la présidentielle du 27 aoùt. Une violence quasi insurrectionnelle s’est abattue sur Libreville, la capitale gabonaise, et à Port-Gentil la seconde ville du pays, suite à la proclamation le mercredi 31 août des résultats du scrutin par la Commission nationale électorale permanente (Cenap). Des résultats qui donnent le président sortant, Ali Bongo Ondimba, vainqueur avec 49,80% contre 48,23% pour son principal challenger, Jean Ping.

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Des violences et des scènes de pillage qui n’ont pas épargné malheureusement nos compatriotes vivant dans ce pays, mais qui, comme l’a rappelé le président de la communauté malienne du Gabon et président du Haut conseil des Maliens de l’extérieur Habib Sylla, ne visaient pas spécifiquement une communauté. Forcément les Maliens qui tiennent avec les Mauritaniens la grande partie du commerce ici au Gabon n’ont pas échappé à la folie destructive des manifestants visiblement aussi affamés.

C’est le cas de Hartane Koureichi, un Malien vivant au Gabon depuis les années 1980 et originaire du village Cheickna Mabrouk, situé à 13 km de la ville de Nara. L’homme a assisté impuissant au saccage de ses 7 magasins à Libreville et à l’intérieur du pays (PK6 et 7, Cocotier 1 et 2, derrière la prison et à Essassa à 27 km de Libreville). C’est un homme hébété que nous avons rencontré à l’ambassade du Mali à Libreville le samedi 3 septembre où il était venu rendre compte de ses déboires à monsieur l’ambassadeur, Diadié Yacouba Dagnoko.

L’homme dit avoir tout perdu puisque les assaillants ont tout emporté. Ce qu’ils n’ont pas pu emporter, a été brûlé. Les pertes financières sont évaluées à plus d’un demi-milliard de francs CFA. L’ambassadeur a su, devant nous, trouver les mots justes pour remonter le moral de son compatriote.

On parle aussi d’une soixantaine de boutiques mauritaniennes dévalisées par des manifestants affamés et nourris par le discours de campagne de certains candidats notamment l’opposant Jean Ping. Lui qui aurait dit que s’il est élu président de la République, il va déposséder les Maliens de leurs boutiques pour les restituer aux Gabonais. Ce xénophobe doublé islamophobe aurait aussi ajouté que s’il est président du Gabon, la ville de Libreville ne conservera que 4 mosquées, les autres devant être fermées purement et simplement ou érigés en Eglises. L’homme serait permanemment en conflit avec les fidèles d’une mosquée située près de son domicile. « Je nettoierais le Gabon de tous ses rats et cafards », aurait-il dit pendant la campagne.

Un ambassadeur adoubé

Mais ce qui étonne plus les victimes des évènements, c’est la complicité qu’il y avait entre les forces de ‘’sécurité’’ et les pillards. Des forces de l’ordre qui refusent de porter assistance à des victimes, ou qui demandent à ce que leur prestation soit monnayée. Qui va dédommager ? La question reste posée. Des béninois ayant vécu la même situation auraient été remboursés dans les années 1978, de même que des Libanais en 1993. Mais on s’empresse d’ajouter que ceux-ci avaient assuré leurs biens, ce que beaucoup de nos compatriotes n’ont pas fait.

En compagnie de l’ambassadeur et le président du Haut conseil des Maliens de l’extérieur, nous avons pu visiter le grand marché de Libreville lequel ressemble bien au ‘’Dabanani’’ de Bamako. Ici, l’impression qu’a le visiteur est que ce sont les ouest-africains notamment les Maliens qui tiennent le marché où le Bamanankan le dispute au Sarakolé, au peulh etc. Ici aussi, le moral est bon parce que les vandales n’y sont pas arrivés. Les magasins et boutiques pillés l’ont été à travers la ville mais pas au grand marché. Dans une ambiance de retrouvailles, les deux responsables ont appelé leurs compatriotes à la retenue et à ne pas surtout s’immiscer dans le processus électoral, dans l’affaire des Gabonais. C’est le même message que l’ambassadeur Dadié Yacouba Dagnoko avait eu à véhiculer à l’endroit de ses ressortissants bien avant le scrutin. En partenariat avec l’organe dirigeant des Maliens du Gabon, il a mis en place un système qui permet de remonter aux autorités diplomatiques tout cas d’agression envers un Malien, et ce même système lui permettra de faire l’état des lieux des Maliens touchés par la crise. Un rapport détaillé sera adressé à qui de droit.

Ce qu’il faut aussi noter, c’est le manque d’équipement de monsieur l’ambassadeur. Il serait le seul ambassadeur à ne pas disposer d’une 4X4 pour effectuer certaines missions ad hoc et l’aurait signalé sans succès aux autorités depuis presque 4 ans qu’il est au Gabon. Mais ce qui ne manque pas au diplomate malien, c’est la sympathie de ses compatriotes. Bien apprécié par les siens, Dadié Yacouba Dagnoko est supposé être l’un des meilleurs ambassadeurs du Mali dans ce pays. Et c’est le président de la communauté, Habib Sylla, lui-même qui le dit.

Nous avons aussi rencontré d’autres Maliens à travers la ville. Nous avons pu mesurer le degré de leur attachement au pays. Ils sont toujours pressés d’avoir les nouvelles de leur pays, et prient pour le retour de la paix et la stabilité. Certains désirent même rentrer au bercail, trouvant que l’aventure, surtout au Gabon, ne rapporte plus grand-chose. « Si je rentre au Mali cette fois-ci, je ne vais plus reprendre le chemin de l’aventure », a souligné un jeune homme qui vient de Kalaban-Coura et qui y est présent depuis 3 ans. C’est dire que l’aventure n’est plus un eldorado et que chacun devrait apprendre à rester chez soi.

De toutes les façons, on assiste impuissant depuis un certain temps aux rapatriements forcés et humiliants de nos compatriotes venant de la France, et surtout des pays africains de plus en plus. Une situation qui interpelle les dirigeants du pays lesquels doivent mettre un point d’honneur à trouver plus d’opportunités d’emplois pour la jeunesse du pays.

Officiellement 50 000 Maliens vivent au Gabon, mais ils sont un peu plus que cela. C’est l’une des communautés étrangères les plus importantes dans le pays de feu Oumar Bongo Ondimba. Les Maliens sont dans presque toutes les provinces du Gabon tout comme ils le sont dans tous les domaines d’activités.

 

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