L’Algérie a inscrit l’obligation pour la France de décontaminer le Sahara algérien des déchets résultants des essais nucléaires, menés pendant la période coloniale, dans un nouveau texte de loi «relatif à la gestion, au contrôle et à l’élimination des déchets», adopté le 23 janvier au Conseil de la nation, la chambre haute du parlement bicaméral du pays.
La France «doit assumer pleinement ses responsabilités historiques, morales et juridiques dans l’élimination de ces déchets radioactifs et reconnaître l’énorme préjudice […] causé à notre pays et aux populations d’Adrar, de Reggane, d’In Ekker et d’autres régions», a déclaré Nadjiba Djilali, la ministre de l’Environnement, après l’adoption de la loi.
La ministre, citée par l’agence de presse d’État algérienne APS, a souligné l’importance d’«inclure ces revendications de manière claire et explicite dans la législation environnementale nationale afin de garantir les droits des générations actuelles et futures à un environnement sain et durable», appelant à poursuivre le travail sur ce dossier avec tous les moyens disponibles pour «arracher le droit de notre peuple et protéger notre environnement de ces effets délétères».
«Le peuple algérien, notamment les habitants des régions concernées par ces explosions, continue à ce jour de souffrir de leurs effets délétères», a déclaré de son côté le président du Conseil, Salah Goudjil. La nouvelle loi comprend plusieurs autres dispositions dans le domaine du recyclage et de la transformation des déchets, mais semble être taillée sur mesure pour relancer la problématique des essais nucléaires français, un des traditionnels dossiers de contentieux entre Alger et Paris, en pleine crise diplomatique depuis juillet dernier.
Traditionnel dossier de contentieux
L’Algérie considère les essais nucléaires menées par les autorités coloniales françaises dans le Sud algérien comme «des crimes contre l’humanité» qui engagent la responsabilité juridique et politique de Paris. Selon Alger, la France aurait effectué, entre 1960 et 1966, 57 essais nucléaires dans le Sahara algérien, tandis que Paris et la presse française n’en reconnaissent que seulement dix-sept. Plus de six décennies après, ce dossier épineux se heurte toujours aux frustrations du passé colonial qui pèse lourdement sur les relations bilatérales entre les deux pays.
Bien que le dossier des explosions nucléaires ait été abordé à plusieurs reprises, notamment lors de la 9e session des consultations politiques algéro-françaises, tenue en janvier 2023 à Alger, ou encore lors de la visite d’État d’Emmanuel Macron à Alger en août 2022, cette question figure toujours parmi les «dossiers qui hypothèquent les efforts de développement des relations bilatérales», selon les mots du chef de la diplomatie algérienne Ahmed Attaf.
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a affirmé à plusieurs reprises, dans des déclarations à la presse, que les Algériens «attendent une reconnaissance totale de tous les crimes commis par la France coloniale». «Vous êtes devenus une puissance nucléaire et nous, nous sommes tombés malades. Venez nettoyer […]. Il y a des gens qui meurent encore», a-t-il notamment fustigé en octobre dernier.
La crise diplomatique entre Paris et Alger remonte à fin juillet 2024 quand Emmanuel Macron a reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Les dirigeants des deux pays multiplient depuis les joutes verbales et les accusations réciproques dans un contexte de plus en plus tendu, marqué récemment par l’affaire Boualem Sansal mais aussi par l’expulsion ratée d’un influenceur algérien par la France et la volonté affichée par Paris de remettre en cause un accord sur l’immigration algérienne datant de 1968.
Source: https://francais.rt.com/