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Création et fonctionnement des Établissements Privés d’Enseignement au Mali : De la magouille à ciel ouvert au Ministère de l’Éducation Nationale

Nos sources sont formelles : les procédures de création, d’ouverture et de fonctionnement des Établissements Privés d’Enseignement au Mali relèvent des dysfonctionnements et des insuffisances qui se traduisent par des manquements criards dans l’application des textes en vigueur ainsi que dans les mécanismes de suivi et de contrôle. Mais avec l’arrivée du Pr Abinou Temé, à la tête du Ministère de l’Éducation Nationale (MEN), le phénomène est loin d’être vaincu. Aujourd’hui, ces manquements sont de nature à compromettre l’atteinte des objectifs d’économie, d’efficience et d’efficacité nécessaires au bon fonctionnement des Établissements Privés d’Enseignement de notre pays. 

Au Mali, les Gouverneurs accordent des autorisations de création d’établissements privés d’enseignement en l’absence de carte scolaire. Le Ministère de l’Éducation n’ayant pas fixé les modalités d’élaboration de la carte scolaire, les décisions de création de ces établissements s’appuient uniquement sur les avis techniques des Académies d’Enseignement (AE) et des Centres d’Animation Pédagogiques (CAP). Cependant, la création des établissements en l’absence de carte scolaire favorise une installation anarchique et ne permet pas une utilisation efficiente desdits établissements.

Violation flagrantes des normes 

Pour ce qui est de l’application des dispositions législatives et réglementaires encadrant les processus de création, d’ouverture et de fonctionnement des Établissements d’enseignement privés au Mali, c’est du business à tous les niveaux. Ou presque. Et cela, sous le regard complice du sinistre (entendez du ministre) en charge de l’Éducation. D’abord, Le Ministère de l’Éducation Nationale (MEN) a accordé, à des établissements privés d’enseignement, des autorisations d’ouverture non conformes. Il a distribué, à tour de bras, des autorisations d’ouverture alors que les dossiers d’ouverture validés ne contiennent pas des documents requis tels que, notamment, le plan détaillé des locaux et des installations sanitaires, l’attestation indiquant que l’intéressé dispose d’une caution bancaire ou d’un compte alimenté d’un montant égal au moins aux charges de fonctionnement d’un semestre de l’établissement et la copie certifiée conforme du titre de propriété des locaux ou le contrat de bail et le reçu certifiant le paiement d’au moins un trimestre de loyer. L’octroi d’autorisation d’ouverture sur la base de dossiers incomplets, aboutit à l’installation d’établissements privés d’enseignement qui n’offrent pas de conditions requises de formation et d’apprentissage. Non plus, le MEN n’a pas élaboré de cahier de charges pour les ordres d’enseignement secondaire et fondamental, contrairement aux exigences de la loi relative aux établissements privés d’enseignement en République du Mali. L’absence de cahier de charges ne favorise pas la détermination et le suivi des obligations qui incombent aux établissements privés d’enseignement, ce qui ne permet pas d’apprécier l’efficacité desdits établissements.

Plus grave, le MEN ne respecte pas la réglementation en matière d’orientation des élèves. Les critères d’éligibilité sur la base desquels il oriente les élèves de l’État ne reposent pas sur des dispositions législatives et réglementaires. En conséquence,  expliquent nos sources, pour l’année scolaire en cours, le nombre d’élèves orienté par établissement varie de manière disproportionnée. En outre, des établissements d’enseignement secondaire général ont reçu plus d’élèves orientés que d’autres, alors qu’ils ont obtenu moins de points, suivant les critères d’éligibilité établis par le Ministère de l’Éducation Nationale. Aujourd’hui, cette incohérence est perceptible dans plusieurs quartiers du District de Bamako et de la Région de Koulikoro. De plus, des établissements d’enseignement secondaire, bien qu’éligibles et disposant d’infrastructures scolaires adéquates, n’ont reçu aucun élève orienté de l’État, alors que des établissements nouvellement créés mais ne remplissant pas les critères de capacité d’accueil, en ont bénéficié.  D’où la décision des écoles secondaires de décréter une grève illimité pour exiger le paiement de leurs dus de l’année académique 2017-2018 auprès de l’État, avant d’entamer les cours de l’année 2018-2019.

Par ailleurs, assurent nos sources, la grille de notation utilisée par la commission d’orientation n’a attribué que 5 points sur 100 au critère de résultats des examens alors qu’elle prévoit 25 points pour le critère d’administration de l’établissement, 30 points pour les infrastructures et les équipements, 10 pour l’environnement de l’établissement et 30 points pour le personnel. Ainsi, des établissements privés d’enseignement secondaire affichant des résultats d’examen en dessous de la moyenne annuelle reçoivent des élèves de l’État. L’absence de critères pertinents, constants et cohérents a entraîné des orientations ne reposant pas sur des exigences de performance.

Toutefois, les dispositions réglementaires encadrant la création et l’ouverture des établissements privés au Mali, présentent des insuffisances. Les textes régissant le processus de création des établissements privés d’enseignement ne prévoient pas d’incompatibilité pour la qualité de déclarant. En effet, des personnes, partie-prenantes des processus de création, d’ouverture, d’orientation et de contrôle sont devenues également des promoteurs d’établissements privés d’enseignement. Aussi, des fonctionnaires ou autres agents publics en activité sont promoteurs d’établissements privés d’enseignement. L’ouverture du secteur de l’enseignement à tous les statuts, en l’absence de dispositions réglementaires encadrant les conditions d’accession à la qualité de déclarant constitue, aujourd’hui, un frein à l’efficacité de la gestion administrative et pédagogique des établissements privés d’enseignement . Et ce n’est pas tout. Loin s’en faut.

Même, les textes relatifs aux établissements privés d’enseignement en République du Mali ne donnent aucune définition de la reconnaissance d’utilité publique au delà de ces conditions d’obtention. L’absence de définition de la notion d’utilité publique favorise, par conséquent une interprétation dans son application.

De plus, le goût du lucre aidant, le MEN ne s’assure pas du respect, par les établissements privés, des nouvelles dispositions réglementaires des établissements privés d’enseignement créés et ouverts, avant l’adoption de la loi en vigueur relative aux établissements privés d’enseignement en République du Mali. Il en résulte que ces derniers ne remplissent pas toutes les conditions exigées par la loi susvisée, notamment les certifications des services d’assainissement d’eau et d’électricité. La non-régularisation des autorisations de création et d’ouverture des établissements privés d’enseignement ne permet pas de s’assurer de la mise en œuvre et du respect des conditions d’hygiène et d’assainissement par les établissements privés d’enseignement.

En bloc, ce dysfonctionnement est la suite logique du refus du « sinistre » de l’Éducation Nationale d’adopter un arrêté fixant les modalités d’élaboration de la carte scolaire et surtout d‘examiner les dossiers d’ouverture à travers ses services techniques, conformément à la réglementation en vigueur. S’y ajoute, son silence coupable d’élaborer des cahiers des charges opposables à toutes les parties prenantes; le non-respect des critères d’orientation des élèves et qui tiennent compte des exigences de performance.

D’embrouilles en magouilles

Au Mali, il y a un flou artistique autour du mécanisme de suivi et de contrôle du fonctionnement des établissements privés. En effet, le MEN n’effectue pas un suivi efficace des établissements privés d’enseignement. Du coup, de nombreux établissements privés d’enseignement ne respectent pas les dispositions réglementaires relatives à leur fonctionnement. Concernant la tenue des documents de gestion, sur les 61 établissements visités, 29 ne tiennent pas de registres d’employeur soit 48% ; 19 n’élaborent pas de registre de paiements soit 31% et 23 ne réalisent pas de registres de note soit 38%. La non-tenue des registres obligatoires est un manquement aux obligations redditionnelles des Directeurs et ne garantit pas la transparence dans la gestion des établissements concernés.

Concernant la gestion du personnel : sur les 61 établissements visités, 95% ne disposent pas de personnel enseignant dont le tiers (1/3), au moins, est permanent. En outre, des établissements privés emploient des enseignants détenteurs de fausses attestations de réussite. L’emploi exclusif des enseignants vacataires et des enseignants non qualifiés est une entorse à la réglementation en vigueur et ne garantit pas la continuité et la qualité des enseignements.

S’agissant des équipements et les infrastructures : plus de 80% des établissements visités ne disposent pas d’ateliers de travaux pratiques, de laboratoires et de bibliothèques. L’exercice de l’enseignement secondaire en l’absence de bibliothèques et de salles équipées destinées aux travaux dirigés ou pratiques ne favorise pas la préparation des élèves pour les épreuves générales, techniques et expérimentales et par conséquent diminue les performances scolaires.

Et comble du laissez-allez, le MEN ne maîtrise pas le nombre et l’état de fonctionnement des établissements privés d’enseignement. En effet, des établissements ayant reçu des élèves de l’État ne commencent à fonctionner que lorsque les Académies d’Enseignement de Bamako le décèlent. Ainsi, des établissements ont encaissé des montants indus de frais scolaires et de demi-bourses sans assurer en contrepartie, la formation et l’encadrement des élèves. La non-maîtrise de la situation des établissements privés d’enseignement conduit à l’orientation des élèves dans des structures non fonctionnelles.

Cependant, les échéances de paiement des frais scolaires ne sont pas respectées. Sur la période sous revue, les paiements de frais scolaires sont effectués en retard par rapport au calendrier initialement prévu. Et les retards de paiement ont engendré des difficultés dans le fonctionnement des établissements qui encadrent majoritairement des élèves orientés par l’État.  Pire, le MEN n’exerce pas de contrôles sur le processus de paiement des frais scolaires et des demi-bourses. Les montants des frais scolaires et demi-bourses, dus, sont différents de ceux réellement payés à des établissements privés d’enseignement secondaire sur la période. En effet, il existe des écarts importants entre les effectifs des états de paiement et les effectifs réels ayant suivi des formations dans lesdits établissements. Des promoteurs d’établissements privés établissent des projets d’états surévalués en termes d’élèves. Et les Académies d’Enseignement qui sont les interlocutrices des établissements transmettent les états produits par ces derniers, sans aucun contrôle formel, aux directions nationales concernées pour vérification et validation. À leur tour, les directions ne procèdent qu’à un contrôle de conformité portant sur les numéros matricules des élèves sans d’autres types de vérification. Les paiements de frais scolaires et de demi-bourses sur la base d’effectifs fictifs ont causé des préjudices financiers à l’État sur la période sous revue. Toutes ces insuffisances dénotent une absence de procédures de traitement et de contrôle formelles des dossiers de paiement des frais scolaires et des demi bourses, ce qui ne garantit pas l’efficacité et l’efficience de ce processus.

De l’autre côté, l’IGEN (Inspection Générale de l’Éducation Nationale) et L’IPRES (Inspection Pédagogique Régionale de l’Enseignement Secondaire) n’assurent pas pleinement leurs missions. Dans le cadre des contrôles administratifs, pédagogiques et financiers, des établissements privés d’enseignement n’ont pas fait l’objet de mission d’inspection depuis leur création. Cette contre-performance des structures d’inspection s’explique par l’insuffisance des ressources humaines, matérielles et financières nécessaires à l’exécution des missions qui leur sont assignées. La non-opérationnalisation des services d’inspection par le département de l’Éducation Nationale  empêche la détection et la prévention des dysfonctionnements liés au fonctionnement des établissements privés d’enseignement et peut freiner l’atteinte des objectifs de l’État.

Au tant de bourdes dans la politique de gestion des établissements privés d’enseignement au Mali par le Ministère de l’Éducation Nationale et qui l’empêche de relever les défis. Mais depuis l’arrivée du Pr Abinou Temé aux affaires, le MEN est devenu un monde à part, avec ses « dieux », ses anges, ses prophètes et ses esclaves. Un monde, avec ses lois, ses règles. Un monde dans lequel prévaut une seule règle : tous ceux, qui ne sont pas avec nous, sont contre nous. Alors, il faut les briser. Coûte que coûte. Et quoiqu’il en coûte. C’est tout le sens de la gestion de la grève des établissements privés par le département de l’Éducation Nationale. Un dossier à travers lequel, le Pr Abinou Temé  entend régler ses comptes avec certains promoteurs d’établissements privés, dont le tort est d’avoir s’opposé à ses méthodes jugées cavalières.

Bref, le Ministère de l’Éducation Nationale est en proie à une gestion patrimoniale.  Sauf changement, l’État malien risque les jours à venir de faire le deuil des reformes engagées dans le domaine de l’éducation. Décidemment, le MEN est malade. Malade de son ministre, le Pr Abinou Temé qui n’en fait qu’à sa guise. « C’est fini, le Ministère de l’Éducation Nationale est mort ! Il n’existe que pour une poignée de cadres proche du ministre », confie un fonctionnaire, l’air visiblement déçu. Avant de conclure : « si des changements ne sont pas apportés au sein de ce service, les prochains jours seront durs pour l’État, les maliens… »

Certes, le Pr Abinou Temé, Ministre de l’Éducation Nationale du Mali vaut mieux que rien. Mais il reste le pire des ministres nommés à la tête de ce département en ce qui concerne son management.

En tout cas, voilà une situation qui loin de troubler l’ordre public (comme rapporteraient les maffiosi de la république), sonnerait comme une véritable alerte aux oreilles du Premier Ministre. Si en réalité le PM veut aller loin, il ferait mieux de tirer au clair les affaires en cour au département de l’Éducation Nationale. Sa crédibilité en dépend aussi, même si elle peut cacher d’autres affaires managées par des proches. Sauf s’il veut à l’instar de certains de ses prédécesseurs sortir par la petite porte.

Jean Pierre James

Source: Nouveau Réveil

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