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Côte d’Ivoire : qui était Henri Konan Bédié ?

ÉVOCATION. Décédé à 89 ans à Abidjan, le 2e président de la Côte d’Ivoire, surnommé le « sphinx de Daoukro », dans le centre du pays, a eu un parcours peu commun.

Le « Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA) a la profonde douleur » d’annoncer « le décès subit » d’Henri Konan Bédié, survenu « mardi […] à Abidjan ». C’est par ces mots qu’a été rendue publique la nouvelle de la disparition de celui qui a dirigé le pays après la disparition du président Houphouët-Boigny. « Il est décédé à la Polyclinique internationale Sainte-Anne-Marie (PISAM) », avait déclaré plus tôt un membre de la communication de son parti. La famille politique de l’ancien président salue dans le communiqué un « grand homme d’État, qui n’a épargné aucun sacrifice pour la paix en Côte d’Ivoire ». Mardi soir, une foule commençait à se former devant sa résidence à Abidjan, a constaté une journaliste de l’AFP.

Prêt pour la prochaine présidentielle

Chef de l’État de 1993 à 1999, Henri Konan Bédié n’avait pas exclu d’être candidat à la prochaine élection présidentielle en Côte d’Ivoire en 2025. Il avait été désigné fin mars candidat unique à sa succession à la présidence du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) – principal mouvement d’opposition et parti du premier président ivoirien, Félix Houphouët-Boigny –, dont l’élection est prévue lors du prochain congrès du parti en juin. Henri Konan Bédié avait également été désigné candidat lors de la dernière élection présidentielle, en 2020. L’octogénaire avait su décourager toutes les tentatives de jeunes générations de le remplacer au sein de son parti.

Tombé très tôt dans le bain politique

Il était surnommé le « sphinx », peut-être pour prendre une revanche contre le putsch qui l’a renversé en 1999, ou contre ceux qui l’accusent de ne pas avoir su gérer l’héritage du « père de l’indépendance » Félix Houphouët-Boigny. Né le 5 mai 1934 dans le village de Dadiékro (centre) au sein d’une famille de planteurs de cacao, « HKB » se voulait l’héritier et le successeur de Houphouët-Boigny, d’ethnie baoulé comme lui. Ambassadeur à 26 ans, ministre de l’Économie à 32 ans, M. Bédié, dont la carrière avait connu un coup d’arrêt à cause d’accusations de corruption, avait su surmonter ces problèmes pour s’imposer comme le dauphin naturel de Houphouët-Boigny et contrôler sans partage le mouvement fondé par son aîné, le PDCI.

À l’origine du concept d’ivoirité

Il lance à ce moment le concept de l’ivoirité pour écarter de la course à la présidence un certain Alassane Ouattara, dit « ADO » – l’actuel président ivoirien – accusé d’être burkinabé. HKB s’était régulièrement aventuré sur ce terrain en fustigeant « les étrangers ». Élu président en 1995 sans grande concurrence, il surfe sur le nationalisme, mais sa présidence, minée par la corruption, s’effondre en quelques heures à Noël 1999 face à une mutinerie de soldats qui se transforme en putsch, le premier de l’histoire du pays. Il voulait « sa revanche sur ce putsch mal géré. Et sur Ouattara, qu’il a soutenu (en 2010 et 2015) mais qui n’a pas, selon lui, respecté son engagement de lui redonner le pouvoir (en 2020) », estimait un observateur. « Mais surtout » il ne voulait pas « rester dans l’Histoire comme celui qui a perdu le pouvoir du PDCI de Houphouët », ajoutait-il. « Il est responsable de tous les maux de ce pays », avait assuré, sous le couvert de l’anonymat, un spécialiste de la communication. « C’est lui qui a introduit le ver de l’ivoirité dans le fruit », déplorait-il, mentionnant « des violences intercommunautaires fréquentes ».

Un fin tacticien

Amateur de cigares et de bons vins, HKB, que beaucoup décrivaient comme « très près de ses sous », s’était rapproché de son ancien ennemi Alassane Dramane Ouattara en 2005 pour créer le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), alliance électorale entre le parti de Ouattara et le PDCI. Après une lune de miel avec le chef de l’État, qui avait fait baptiser le troisième pont d’Abidjan du nom de Bédié, HKB s’était à nouveau brouillé avec ADO en 2018, à cause de la présidentielle. Un cadre du parti voyait en HKB « un fin tacticien qui a traversé toutes les tempêtes » et a su convaincre « les jeunes loups » du PDCI de le soutenir à nouveau.

lepoint

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