L’une des principales centrales syndicales au Mali, le Syndicat national des travailleurs des administrations d’Etat (Syntade), se bat pour que soit annulée la loi portant prévention et répression de l’enrichissement illicite adoptée en mai 2014. L’opposition politique s’était rangée derrière les manifestants hostiles aux déguerpissements des voies publiques initiées par le gouvernorat du District. Ozone Mali, peine à rendre propre Bamako malgré son engagement… Et si les Maliens avaient refusé le changement !
La lutte contre la corruption est une aspiration profonde du peuple malien qui dénonce l’injustice sociale. Dans son projet de société, le président Ibrahim Boubacar Kéita, avait pris l’engagement de s’investir totalement dans la lutte contre ce fléau qui gangrène la société. Mais la lutte contre la corruption n’est pas aussi simple dans la mesure où le mal a déjà pris possession de nos habitudes. Chacun dénonce la corruption mais ne sommes-nous pas tous corrompus ?
La corruption, dit-on, a quitté nos familles pour s’étaler dans la rue, dans les bureaux, dans les marchés…Bref ! Chacun doit faire un examen de conscience pour rendre la lutte efficace.
Les opposants au président IBK dénoncent son manque d’efficacité dans la lutte contre la corruption lui rappelant constamment qu’il en avait fait son cheval de bataille. Pour preuve, ils disent qu’aucun « gros poisson » n’est encore tombé dans les filets de la justice et qu’au contraire ceux-ci se baladent comme des poissons dans l’eau, protégés par le « système ».
Sous le président « ATT », le bureau du vérificateur général fut institué et avec comme mission de contrôler les finances publiques et de faire un rapport qui peut orienter la justice. C’est le vérificateur général lui-même qui séjournera en prison alors que ces rapports étaient rangés dans les tiroirs.
Ce bureau existe et continue de faire son travail. La délinquance financière n’a, pour autant, pas baisser. Concrétisant une de ses promesses électorales, le président « IBK » a fait voter en 2014, une loi portant prévention et répression de l’enrichissement illicite suivie de la mise en place d’un Office Central de Lutte Contre l’Enrichissement Illicite.
A priori, ces dispositions pourraient constituer les bases de la lutte contre la corruption. Mais contre toute entente, une des principales centrales syndicales, décide de s’élever contre au motif que les futures mesures frapperont uniquement ses membres.
En effet, le SYNTADE a déjà déposé un préavis de grève dans lequel il demande à l’Etat d’abroger purement et simplement la loi portant prévention et répression de l’enrichissement illicite en République du Mali. On attend de voir comment va réagir le gouvernement.
On se rappelle, qu’une décision avait été prise par le gouverneur du district de Bamako visant la libération de l’espace public envahi par des occupants illicites. Cette mesure, si elle avait pu aller jusqu’au bout, rendrait plus fluide la circulation routière, protégerait les usagers de la route contre les accidents de la circulation…Bref ! donnerait tout simplement à Bamako un éclat plus particulier. Mais la mesure fut contestée. Les manifestants recevront même le soutien politique de l’opposition. Mme le gouverneur du district, a dû finir par baisser les armes et fait profil bas en attendant son départ à la retraite prévu pour bientôt. On l’a disait pourtant « dame de fer ». Mais, les Maliens ne sont pas prêts à abandonner facilement leurs habitudes, même si elles sont mauvaises.
Comme on peut le constater dans la lutte contre l’insalubrité, les Maliens, a-t-on l’habitude de dire, vivent ou aiment vivre dans un environnement insalubre. Eux-mêmes ne sont pas prêts à assainir leur propre environnement et ne le sont pas non plus à faciliter la tâche à quelqu’un qui voudrait le faire à leur place.
Ozone Mali, a pris le relais à de nombreux GIE spécialisés dans l’assainissement. On peut dire que leur échec a favorisé l’implantation d’Ozone Mali. Le constat fait au bout de plusieurs années, est qu’Ozone Mali, malgré son engagement et sa détermination, peine à faire mieux que les autres GIE. Faut-il conclure qu’on ne peut pas changer les habitudes maliennes en matière d’assainissement ?
Cet esprit conservateur, est-il à la base de l’échec du projet de révision constitutionnel ? On se rappelle qu’un collectif dénommé « touche pas ma constitution » s’est opposé à toute révision de la constitution de 1992 quoique ceux qui y sont favorables, arguent la nécessité de rendre l’acte constitutif plus conforme au nouveau contexte.
Le changement a été voulu par les Maliens au bout de 23 ans de règne dans la dictature. C’est cette aspiration profonde qui a fait chuter le régime de Moussa Traoré. Mais c’est à quel type de changement les Maliens aspirent-ils d’autant plus qu’ils ne semblent pas prêts à changer leurs habitudes si mauvaises soient-elles ? C’est la question à laquelle nous n’avons pas de réponse. Pour le moment.
Tièmoko Traoré
Par Le Pouce