Engager une véritable lutte contre la corruption et la délinquance financière au Mali. Telle ensemble la volonté affichée des Autorités de la transition. Ainsi, le 26 août 2021, l’ancien Premier Ministre, non moins ancien Ministre de la Défense et des Anciens Combattants, Soumeylou Boubeye Maïga, a été placé sous mandat de dépôt après avoir été entendu par la Chambre d’Accusation de la Cour Suprême et Mme Bouaré Fily Sissoko, ancienne Ministre de l’Economie et des Finances, elle aussi écrouée à la prison pour femmes de Bolé pour la même affaire.
En effet, depuis le coup d’Etat d’août 2020, les Maliens attendent l’ouverture des enquêtes sur les scandaleux dossiers financiers et autres détournements des deniers publics qui ont entaché les 7 années du mandat d’Ibrahim Boubacar Kéïta. Et le Premier Ministre, Choguel Kokalla Maïga avait, lors de la présentation du plan d’actions du gouvernement 2021-2022, a promis une « gouvernance de rupture et d’exemplarité », fondée sur la lutte contre la corruption et l’impunité.
L’arrestation de Soumeylou Boubèye Maïga, Mme Bouaré Fily Sissoko, et de deux Opérateurs économiques dont Mohamed Aly Niangadou semble donner une nouvelle impulsion à la lutte contre la délinquance financière. Cette volonté de la Justice de mener une lutte implacable contre les auteurs des actes détournements des deniers publics doit se poursuivre et aller jusqu’au bout ; car, les dossiers de scandales financiers et autres malversations ne manquent pas.
Aussi, pendant les 7 dernières années du Régime calamiteux d’IBK, ce ne sont pas les scandales qui ont manqué. Outre l’achat de l’avion présidentiel et l’acquisition des équipements militaires pour l’Armée malienne, il y a les sulfureuses affaires de « blindés en carton », l’opacité qui entoure l’emploi des fonds de la loi de programmation militaire, les engrais frelatés, les 10000 tracteurs, les logements sociaux, etc. Des détournements des fonds publics qui ont mis la République dans un gouffre financier sans précédent de l’Histoire de notre pays.
Aussi, plusieurs milliards de FCFA sont détournés par an à cause de la corruption. C’est selon plusieurs Rapports dont celui du Bureau de Vérificateur Général qui élabore périodiquement un document de contrôle sur la gestion des deniers publics. Tous les secteurs sont infestés : santé, éducation, emploi, sécurité, justice, …
Mais au-delà des rapports du Bureau de Vérificateur Général plusieurs autres sandales ont ébranlé le Mali ces dernières années.
Comme celui concernant la fourniture de véhicules au MOC. Ainsi en avril 2016, le gouvernement a remis au MOC (Mécanisme opérationnel de coordination) 42 véhicules destinés aux patrouilles mixtes. La presse a rapporté que lesdits véhicules ont coûté à l’État 2 milliards 300 millions de FCFA, soit plus de 50 millions l’unité.
Après l’affaire de l’avion présidentiel et des équipements militaires surfacturés, le Malien lambda était loin de s’imaginer qu’un autre scandale, portant lui aussi sur des milliards de FCFA, éclaterait. Ce énième scandale portait sur une soixantaine de milliards F CFA destinés à l’achat de l’engrais pour les paysans, sous forme de prêts à rembourser dès la fin des récoltes dans les opérations de développement rural.
C’est un minuscule GIE (Groupement d’intérêt économique) qui était chargé de l’attribution, à travers un avis d’appel fort douteux, de ce gros et juteux marché à des fournisseurs, parfois sans foi ni loi. Il a fallu qu’un concurrent mécontent crache dans la soupe, en soumettant au test de conformité l’engrais d’un rival à un laboratoire de la place, pour que le pot aux roses soit découvert et que la vérité dans toute son horreur commence à être étalée sur la place publique. Le Président de la République a promis la fermeté dans ce dossier, au cours de la session du Conseil supérieur de l’agriculture qu’il a présidée le 16 mai 2016. L’opinion a longtemps attendu sa réaction. En vain !
L’impunité encourageant de nouvelles atteintes à la morale publique, une nouvelle affaire dite « des 1000 tracteurs » a été révélée à l’opinion malienne.
Un autre scandale qui a éclaboussé le mandat d’IBK : l’attribution des 1552 logements sociaux de Tabacoro, dans laquelle il a été orchestré une véritable magouille à ciel ouvert. En plus des ministres de la République et des cadres de l’administration Ainsi, sous IBK, le Mali est entré dans une nouvelle ère des logements sociaux. Désormais, tous les bénéficiaires doivent avoir un caractère particulier : être militant ou sympathisant d’un parti de la mouvance présidentielle, ou avoir un lien avec un président ou un membre des institutions de la République. Un autre scandale qui a marqué le règne d’IBK est l’achat de 2 hélicos Puma, en 2017. Cette affaire sombre a éclaté après que l’ancien Président de la République IBK ait confirmé dans un entretien à Jeune Afrique que les avions achetés sous son magistère sont cloués au sol « faute de maintenance appropriée ». Après, c’était au tour du Président de la Commission Défense de l’Assemblée Nationale de l’époque, Karim Kéïta, de déclarer, lors d’un colloque à Paris que : « les hélicoptères que nous avons achetés ne peuvent plus voler, ça marchait au début mais vraisemblablement on a un problème d’entretien depuis l’achat, je me demande si on n’a pas été floué à l’achat » …
Cette déclaration a réveillé les forts soupçons de surfacturation et les malversations portant sur les ressources financières destinées à acquérir des équipements pour l’armée.
Il urge donc pour la Justice de donner suite sur un certain nombre de dossiers qui ont mis à mal notre pays. C’est dans, notamment, l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires, des engrais frelatés… dont les présumés coupables n’ont nullement été pour le moment inquiétés. Ces affaires sont aujourd’hui pendantes au niveau de la Justice.
Pourtant tous les scandales dissimulés jusque-là se dévoilent facilement après un audit anodin. Ceux qui avaient été découverts par les institutions habilitées et organes de contrôle, mais mis dans les tiroirs par l’ancien président Ibrahim Boubacar Keita, durant tout le temps qu’il était aux affaires, commencent à apparaitre au grand jour. Mais les Auteurs des détournements de deniers publics (nullement inquiétés) se pavanent toujours dans les rues à l’intérieur et extérieur du pays. Curieusement depuis le coup d’Etat du 18 août 2020, aucun d’entre eux n’a été inquiété.
En 2018, un Rapport canadien sur le traitement judiciaire des cas d’irrégularités financières précise que « près de la moitié des dossiers font l’objet d’un classement sans suite ; donc, pas de poursuites, faute d’infraction pénale ». Ce qui amène à un « niveau très bas de recouvrement de 6,5 % du montant total des irrégularités financières ». En clair, les Autorités maliennes n’auraient récupéré qu’environ 48 milliards de francs CFA (73,2 millions d’euros) sur les 741,5 milliards de francs CFA d’irrégularités financières constatées par le BVG entre 2005 et 2017. On attend, en somme, plus de rigueur de la part des Autorités de la Transition dans le recouvrement des irrégularités financières.
Mohamed Sylla
Source: L’Aube