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Décryptage : Alger-Bamako, un western dans le Sahara

Ravi de vous retrouver dans décryptage, consacré aux tensions entre l’Algérie et le Mali.

L’Algérie telle qu’elle se voit

Avant d’analyser les tensions actuelles entre l’Algérie et le Mali, survolons les deux pays. Voici l’Algérie telle qu’elle se voit. L’Algérie est dirigée par l’énarque Abdelmadjid Tebboune (79 ans) réélu en 2024. Avec 42 millions d’habitants sur une superficie de 2,382 millions de km2, elle occupe le 3e rang économique du continent africain selon la Banque mondiale. Avec une façade maritime vitale, l’Algérie voisine avec six pays sur 6 385 km de frontières.

Au nord-est la Tunisie, à l’est la Libye, au sud-ouest la Mauritanie, à l’est le Maroc, au sud le Niger et le Mali. A Tamanrasset, région frontalière avec le Mali, la population est majoritairement berbère, touareg. Sur le continent africain, elle occupe le 2e rang militaire après l’Egypte et avant le Nigeria, selon Global Fire Power Index. Ce sont ses forces. L’Algérie est aussi fragile : tensions avec le Maroc au sujet du Sahara occidental, conflit libyen, etc. Marquée par la décennie noire, elle a intérêt à sauvegarder la paix.

Le Mali tel qu’il se présente

Survolons maintenant le Mali tel qu’il se présente. Il occupe le 18e rang militaire africain selon Global Fire Power Index, juste après la Côte d’Ivoire. Au Mali comme en Algérie, on retrouve les mêmes peuples le long des 1300 km de la frontière. Immense territoire d’1,240 millions de km2, le Mali partage ses frontières avec sept pays sur 7420 km : au nord-est l’Algérie, à l’est le Niger et le Burkina Faso, au sud la Côte d’Ivoire et la Guinée-Conakry, au nord-ouest la Mauritanie et à l’ouest le Sénégal.

Sans façade maritime, le Mali est arrosé par les fleuves Sénégal et Niger, favorisant le développement des activités paysannes et piscicoles. Ce sont ses forces. Confronté au terrorisme, aux rébellions et aux instabilités politiques, le pays de Modibo Kéita est vulnérable : économie exsangue, tensions sociales, etc. Enfin, le pays de Tebboune comme celui de Goïta sont tributaires de l’instabilité régionale, qui donne à comprendre des événements récents, revêtant un caractère géopolitique.

Un maillage sécuritaire

De surenchères en surenchères, Alger et Bamako se toisent au risque d’un engrenage inouï. Du 31 mars au 1er avril 2025 à Tinzawaten (Kidal), l’armée algérienne détruit un drone malien de reconnaissance. Elle reproche à l’armée malienne d’avoir violé son espace aérien sur une distance de deux kilomètres. C’était en pleine célébration de l’Aïd el Fitr. Les esprits étaient à la fête et à la solidarité. Mais les démons de la discorde flânent. Ainsi, le 6 avril 2025, les autorités maliennes répondent. Elles concluent que le drone a été détruit suite à une “action préméditée du régime algérien […] ; le drone n’a jamais quitté l’espace aérien de la République du Mali”.

Le régime algérien est même pointé du doigt, perçu comme un parrain du terrorisme international. Conséquence : le Mali se retire du Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cémoc), créé en avril 2010 à Tamanrasset par l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger. Il est créé pour gérer les problèmes de sécurité communs. A ce sujet, les présidents Touré du Mali, Tandja du Niger, Ould Abdel Aziz de la Mauritanie et Bouteflika de l’Algérie désiraient de faire un maillage sécuritaire le long des frontières. Mais, ça, c’était hier.

Les guêtres de la crise diplomatique

Aujourd’hui, le terrorisme excite les rivalités entre les Etats avec tous les risques qui le convoient. Le 6 avril 2025, les chefs d’Etat de la Confédération des Etats du Sahel (AES) donnent de la voix. Ils mettent en évidence l’irresponsabilité du régime algérien. Ils rappellent pour consultations leurs ambassadeurs, accrédités à Alger. Le ton monte entre l’AES et l’Algérie. La crise diplomatique traîne ses guêtres. Le 7 avril 2025, l’Algérie décide “… de fermer son espace aérien à toute navigation aérienne en provenance ou à destination du Mali”.

Toujours le 7 avril, le Mali décide la réciprocité. Il ferme son “espace national (…) à tous les aéronefs civils et militaires en partance ou à destination de l’Algérie”. La passe d’arme structure les communiqués. Chacun attend le bon moment pour dégainer son colt. Il se joue entre Alger et Bamako un Western dans le Sahara.

Pourtant, il s’agit d’un sujet capital. De part et d’autre de Tinzawaten, le risque de conflit armé entre les deux pays est réel avec des effets immédiats sur les populations. Le défi est colossal. Car il est difficile d’envisager que l’Algérie cède. Comme il est difficile de supposer que le Mali se résigne. Chacun joue sa crédibilité.

La realpolitik encapsule les relations bilatérales

Certes, le Mali et l’Algérie ont une histoire commune : soutien du régime de Modibo Kéita aux dirigeants du Front de libération national pour l’indépendance algérienne. Mais, la realpolitik encapsule les relations bilatérales. Seuls les intérêts comptent. Certes, le Mali et l’Algérie ont un partenaire commun : la Fédération de Russie. Mais, la stabilité des alliances dépend du poids des liens économiques et militaires. Suivez mon regard. La réaction du pouvoir algérien se situe dans un cadre idéologique aux antipodes des liens historiques. La donne a changé.

L’Algérie se voit comme une puissance régionale, un rôle qu’elle veut tenir envers et contre tout. Certains spécialistes croient que le Mali était déjà dans le viseur, car Alger ne cacherait pas sa volonté de s’ancrer dans le septentrion. En face, le régime malien ne veut pas donner le sentiment de se faire dicter sa conduite. Il prépare les esprits. La construction du discours l’illustre. Le 2 avril 2025 l’Etat-major général des armées “demande aux populations de se démarquer des terroristes…”. Le ton est donné.

Détestation commune

Ceci dit, deux ingrédients alimentent les tensions actuelles entre Bamako et Alger. Premier ingrédient : 25 janvier 2024, la dénonciation de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali de 2015, issu du processus d’Alger marque le début du refroidissement des relations entre le pays. Souvenons-nous que l’Algérie était le chef de file de la médiation internationale de l’Accord de paix. L’horizon de paix, tracé par les artisans des indépendances s’éloigne. La guerre fleurit sous l’aveuglement.

Deuxième ingrédient, juillet 2024, pour le contrôle de Tinzawaten de violents combats opposent les Forces armées maliennes (FAMa) et le Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l’Azawad, CSP-PDA. Désormais, Tinzawaten symbolise la pomme de la discorde. Enfin, la destruction du drone malien par l’Algérie ravive les tensions, dans un climat de détestation commune, qui profite à Aqmi et à l’EIS.

Faire humanité commune

Aujourd’hui, le contexte a changé. Allons à bonne école, celle de la négociation et de la bonne diplomatie. Méfions-nous de ce qui pourrait advenir avec ce nouveau contexte qui bouleversera l’équilibre de la région. D’ailleurs, il nous enjoint à faire humanité commune pour sauver la paix. De ce fait, cette crise pourra être une occasion politique de renouveau pour les deux pays. Mais à condition de négocier et d’impliquer les acteurs politiques et les dirigeants du FLA, hier en mauvaise posture, aujourd’hui en pole position. Ne nous laissons pas embrumer par la sarcoïdose, capable d’infecter les poumons de nos Etats. Alger et Bamako ont intérêt à faire la paix pour l’avenir de leurs peuples. Écoutons Peaceful Place de Leon Bridges.

Mohamed Amara

(sociologue)

 Source : Mali Tribune

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