En 2013, au titre de l’effort de guerre, la Coordination de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), a décidé, en accord avec de le Centre national des œuvres universitaires (Cenou) de ponctionner 1000 F CFA sur chaque trousseau. A l’époque 83 000 étudiants avaient droit au trousseau. L’AEEM n’a contribué qu’à hauteur de …490 000 F CFA
En janvier 2013, le président par intérim de la République Dioncounda Traoré, a lancé un appel à contribution, pour soutenir l’armée en guerre contre les envahisseurs. Le pays était occupé aux 2/3 par des « djihadistes », et l’armée manquait de moyens.
A titre de cet effort de guerre, des sociétés et entreprises, publiques et privées, des institutions et des individus ont promis d’apporter leurs contributions. A son tour, l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), a décidé de prélever 1000 F CFA sur le trousseau de chaque étudiant et de les reverser au Trésor national au titre de l’effort des étudiants à l’effort de guerre.
Au Mali, depuis 1998 les trousseaux sont attribués à tous les étudiants maliens réguliers inscrits dans une Université étatique. Une fois, le baccalauréat en poche et inscrit dans une université publique au Mali, l’étudiant malien a droit à 38 000 F CFA comme frais de trousseau. Cela en fonction des critères qu’il remplit.
Selon Mme Sylvie Kéita, responsable des allocations financières du Cenou, sur l’année académique 2013-2014, 83 000 étudiants ont été pris en charge. De façon arithmétique, l’AEEM devrait verser 83 millions de F CFA. Elle n’a contribué qu’à hauteur de 490 000 F CFA, selon les relevés bancaires publiés dans le journal étatique : « l’Essor ». Où sont passés donc le reste des millions ?
Selon les traces que nous avons pu retrouver dans le quotidien « L’Essor », qui publiait régulièrement les contributions à l’effort de guerre, les étudiants maliens n’ont payé que 490 000 F CFA à l’effort de guerre. Or, sur la base des chiffres dont dispose le Centre national des œuvres universitaires, (Cenou), les étudiants maliens ont contribué à hauteur de 83 000 000 de F CFA à l’effort de guerre.
Le Centre national des œuvres universitaires (Cenou) est un établissement public à caractère administratif (EPA). Selon Sylvie la responsable des allocations financières du Cenou, le centre comptabilise les étudiants réguliers inscrits. Sur cette base, le Cenou, au compte de l’année académique 2013, a pris en charge, en trousseaux et en bourses (entière et demi) 83 000 étudiants.
Au Cenou, on affirme que seuls des agents du Trésor public peuvent disposer des décharges et des autres preuves matérielles de payement des étudiants. Au nom du Cenou, des agents jurent la main sur le cœur, que le centre de près ou de loin n’a été impliqué dans aucune « mauvaise histoire ». « Le rôle du Cenou a juste été d’établir le nombre d’étudiants réguliers pour l’année 2013 », affirme-t-on au service des allocations financières et de la communication du Cenou. Un état financier dont copie n’a pu nous être fournie et qui aurait pu les blanchir de toutes suspicions.
Les 82 510 millions de F CFA dont on ne retrouve pas les traces sur les publications des contributions à l’effort de guerre, doivent être entre le Trésor public et le compte de l’Armée malienne domicilié à la BDM. A l’époque le ministre de l’Economie et des Finances, Tiénan Coulibaly, puis ministre des Anciens Combattants actuellement ministre de la Justice, publiait chaque contribution de manière périodique avec un récapitulatif des émissions et des montants déposés. C’est une de ses nombreuses publications, la 34e qui affiche dans sa parution d’avril 2013, la contribution de l’AEEM fait au 13 mars 2013 et par « virement STAR » de 490 000 F CFA. Aucun autre virement spécifique au nom de l’AEEM n’apparaît dans aucune autre publication relative à la contribution à l’effort de guerre.
Un montant, insignifiant compte tenu du nombre d’étudiants en cette année de 2013 (83 000 au total). La source du dépôt n’y est pas indiquée comme pour d’autres versements où les coordonnées de l’institution ou d’une tierce personne sont spécifiées. Une zone d’ombre !
A la Direction nationale du Trésor et de la Comptabilité publique (DNCTP), un service public, il existe la liste des contributions. Une liste qui est publique selon le directeur national, Sidi Almoctar Oumar, mais qui malgré tout, nous est restée inaccessible malgré une transparence affichée du premier responsable. Ce qui laisse planer encore une zone d’ombre sur cette affaire.
Les 82 millions F CFA ont-ils réellement été déposés sur le compte de l’armée ?
Le secrétaire général de l’AEEM en 2013, Ibrahim Traoré dit Papin, assurait l’intérim de la Coordination après de violents affrontements à cause de la succession. Joint au téléphone depuis Sikasso où il réside maintenant, il explique que l’idée de retenir 1 000 F CFA sur le trousseau lui est venue au constat que les étudiants se plaignaient qu’au niveau des GAB (distributeurs d’argent) de l’Ecobank, la banque où sont domiciliées les bourses et trousseaux des étudiants depuis (2011-2012), il leur était difficile de retirer en dessous de 5 000 F CFA en espèce. « La Banque leur retenait 3 000 F CFA. C’est pourquoi, je me suis dit qu’au lieu que cette somme (3 000 F CFA sur chaque étudiant) reste bloquée dans le système bancaire, qu’il fallait l’utiliser à bon escient. Voilà d’où est partie la retenue de 1 000 F CFA. J’avais proposé 2 500 F CFA au comité directeur (Cenou), ils ont retenu 1 000 F CFA. « Le comité directeur était dirigé par le directeur du Cenou à l’époque, le général Nouhoum Sangaré », a-t-il affirmé. « La consigne était qu’aucun membre de l’AEEM n’ait accès au montant prélevé. C’était à l’administration de se charger des prélèvements et que l’argent soit directement versé sur le compte de L’Armée malienne avec reçus à l’appui. Avant de quitter la Coordination, j’ai demandé que la contribution effective de l’AEEM soit annoncée publiquement, mais cela n’a pas été fait. Ce qui prête à confusion », a souligné Ibrahim Traoré dit Papin.
A ce jour, et depuis 2014, 500 F CFA manquent au trousseau des étudiants dont le nombre fluctue chaque année. Le Cenou est-il exempte de tout soupçon comme il le prétend ? Les 500 F CFA sont-ils prélevés à la source (au trésor) comme le dit le Cenou sur le trousseau des étudiants réguliers du Mali ? Pourquoi les retenir ? Et à quelle fin ? Ces questions restent sans réponse à cause d’un manque de retour de la part de la direction du Trésor public qui juge l’objet de l’enquête antérieur à leur gestion.
A ce jour, la suite reste un mystère.
Aminata Traoré
Source : Les Echos
Encadré
Les étudiants pris en charge de 2013 à 2018 par le Cenou
Selon Mme Sylvie Kéita, chargée des allocations financières, sur l’année académique 2013- 2014, 83 000 étudiants ont été pris en charge. 2014-2015, 65 529 étudiants ont été pris en charge. 5 177 sur l’année académique 2015-2016 et 66 607 étudiants sur l’année académique 2017-2018. Pour ce qui est de l’année académique 2018-2019, le nombre des étudiants se chiffrait au mois d’octobre à plus de 58 000.
Mali24