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Contre le terrorisme, sortir du « tout sécuritaire »

En un peu plus d’une décennie, le Mali comme le Sahel, est devenu l’un des points les plus chauds des conflits armés en Afrique et fait l’expérience, de façon inédite, du terrorisme, qui gagne du terrain.

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Les pays du G5 Sahel tentent de répondre à ces menaces en mettant sur pied une force commune pour combattre les groupes djihadistes, qui utilisent notamment le Nord Mali comme base de repli. Alors que cette force est en passe de devenir opérationnelle, des voix s’élèvent contre cette énième réponse sécuritaire et plaident pour une analyse plus profonde des causes des conflits qui ne soit pas uniquement axée sur le tout sécuritaire.

Le Mali, dont une partie importante du territoire échappe au contrôle de l’État, est une zone durement touchée par la crise sécuritaire sahélienne, où les conflits armés à grande échelle sont récurrents et la violence très répandue. Le principal facteur responsable de cette situation préoccupante serait, selon certains observateurs, si on devait le résumer en un seul mot, « l’injustice », rendue permanente ou persistante par son corollaire politique : État en déficit, mal gouvernance, corruption, crises alimentaires successives, frustrations accumulées. « Il y a une grande masse de la population qui est là, dans une situation désastreuse. D’année en année, les choses s’aggravent. Donc, à mesure que l’injustice grandit, il y a des réactions violentes et différentes forces qui essaient de tirer profit de cela », explique Moussa Tchangari, Secrétaire général d’Alternative Espaces Citoyens, à Niamey et membre de la Fondation Frantz Fanon. Les djihadistes profitent de ce « terreau favorable » créé par ces injustices pour islamiser le conflit, utiliser les frustrations pour recruter indéfiniment et attirer l’Occident dans le piège de l’intervention. « Les terroristes sont aussi des gens révoltés, qui pensent avec leurs actions pouvoir apporter un changement qui aille dans le sens de leur propre agenda politique», poursuit le chercheur.

Erreurs et stratégies Cette situation, qui échappe au contrôle de l’État, est gérée par les forces étrangères de la communauté internationale, installées dans le pays, qui doivent aider à trouver une solution. « Dans cette crise, la communauté internationale a au moins 40 ans de retard », lance le Dr Bakary Sambé, enseignant-chercheur, coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique et directeur du think tank Timbuktu. « Dans les années 70, elle n’avait pas les moyens de fournir de l’aide à l’Afrique, frappée par la sécheresse, à cause du choc pétrolier qui touchait l’Europe et les États-Unis. Les pays vendeurs de pétrole ont utilisé la prédication et l’humanitaire pour s’implanter au Sahel. Puis, dans les années 80, la communauté internationale a commis une deuxième erreur, d’appréciation. Elle a imposé aux pays des politiques d’ajustements structurels, qui voulaient dire en quelque sorte : investissez le moins possible dans l’éducation, la santé, etc. et les puissances dites islamistes sont venues carrément occuper le terrain, via des centres culturels, des écoles, des services sociaux de base, pendant que l’État tentait de faire face au défi du déficit d’État. 40 ans après, la communauté internationale élabore des stratégies Sahel pour combattre les terrorismes, alors qu’ils sont là depuis 40 ans. La situation conflictuelle est en partie due à ces deux erreurs », affirme l’enseignant-chercheur.

Armes contre idéologie Toujours est-il que pour faire face à la situation sécuritaire au Mali et dans le Sahel, les pays du G5 (Mauritanie, Tchad, Mali, Niger et Burkina Faso), soutenus par la France, se sont « unis face au terrorisme » et tentent de mettre sur pied une force régionale conjointe, qui comptera 5 000 militaires des cinq pays. Son centre de commandement a été inauguré le samedi 9 septembre, à Sévaré, par le chef de l’État malien, mais son financement, 450 millions d’euros annuels, peine toujours à être bouclé. Le premier bataillon de cette force dite du G5 devrait être opérationnel dès le mois de septembre et les premières opérations militaires transfrontalières menées dès le mois d’octobre. Pour autant, l’efficacité de cette énième force censée combattre le terrorisme au Sahel est loin de convaincre. « La façon dont on pose le problème n’est pas la bonne. On pense qu’on le résoudra avec une force militaire qui aura des moyens. Nos pays font fausse route. Il y a beaucoup de choses à destination de la population qui ne coûtent pas autant d’argent et qu’il faut faire. Il faut commencer par tout ce qui dépend de nous, ce pour quoi on a déjà les moyens, qui ne coûte pas d’argent mais demande de la volonté. Pourquoi ne commence-t-on pas d’abord par ça, au lieu de s’épuiser à obtenir le soutien de la communauté internationale quand on n’a pas celui de son peuple ? Ça montre vraiment le décalage », observe Moussa Tchangari. Pour le Dr Bakary Sambé, il faut privilégier les approches multiples et non seulement se concentrer sur le recours à la force pour résoudre un problème aux racines profondes. « Si la solution militaire était une solution pour combattre le terrorisme, il n’y aurait plus de Talibans en Afghanistan, alors que Trump veut y retourner. Il n’y aurait plus de djihadistes au Nord du Mali. Vous savez, je n’ai jamais vu une idéologie défaite par les kalachnikovs », conclut, sceptique, l’enseignant-chercheur.

 

Source: journaldumali

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