L’atmosphère sociopolitique tendue, traduite le 5 juin 2020 par le grand rassemblement de quelques milliers de personnes à Bamako pour réclamer la démission du Président Ibrahim Boubacar Keita, suite à l’appel de la Troïka CMAS – FSD – EMK, devenue ensuite le M5-RFP, ne s’est pas améliorée. Malgré la main tendue réitérée par le Président de la République dans son adresse à la Nation du 14 juin, les responsables du M5-RFP ne semblent pas s’inscrire dans une dynamique de dialogue. Les médiations et les rencontres se multiplient, sans pour autant aboutir à une décrispation. Une impasse de laquelle, pour plusieurs observateurs, seules des solutions politiques, concrètes et immédiates pourraient contribuer à sortir.
Le Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques ne fléchit pas. Le Président IBK a rencontré le samedi 13 juin, avec le Premier ministre Boubou Cissé, l’Imam Mahamoud Dicko et Choguel Kokala Maïga, sous la médiation de l’ancien Président Moussa Traoré, pour discuter de la situation. Après son adresse à la Nation, la demande envoyée à l’ensemble des leaders du M5-RFP, les invitant au dialogue, a été rejetée. De même, lors de la rencontre du FSD avec les partis membres de la majorité présidentielle, le 15 juin, ses leaders sont restés fermes sur la position du M5-RFP. Pour eux, la seule chose qui vaille est la démission pure et simple d’IBK et si négociation il doit y avoir ce sera sur les conditions de cette démission.
La nouvelle manifestation prévue pour le 19 juin est donc maintenue. Pourtant, lors d’une rencontre le 16 juin avec le Cadre d’action, de médiation et de veille des confessions religieuses et des organisations de la société civile, le chef de l’État a fait des annonces fortes. L’application immédiate et pleine de l’article 39, qui devrait mettre fin à la lancinante crise scolaire et la formation prochaine d’un gouvernement d’union nationale. Il a également rassuré sur le sort de Soumaila Cissé, qui sera selon lui de retour parmi nous dans les meilleurs délais. La réponse du M5-RFP n’a pas tardé.
Le lendemain, Mahmoud Dicko a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a affirmé que la «main n’a pas été tendue, mais contrainte par le peuple». Il a ajouté que le peuple a exprimé son mécontentement et que ceux qui nous gouvernent l’ont ignoré. Dicko a soutenu que l’heure était grave et promis de montrer ce vendredi lors du rassemblement l’inoubliable au monde entier. « C’est dommage que la demande de dialogue du Président de la République soit rejetée par le M5-RFP, parce que, quelle que soit la situation, pour un problème politique, c’est toujours autour d’une table qu’il faut trouver la solution », relève l’analyste politique Salia Samaké. Dissoudre l’Assemblée nationale ?
Dans cette quête de solutions définitives de sortie de crise, il faudrait, selon certains analystes et personnalités politiques, que le Président de la République aille au-delà de ce qui a déjà été annoncé. « Nous en sommes arrivés à un moment où il faut poser des actes. Je pense que ce ne sont plus les discours ni les négociations çà et là qui pourront décrisper la situation. Nous avons dépassé ce stade de négociations et d’appels au retour au calme », souligne Khalid Dembélé, analyste politique et chercheur au CRAPES.
Pour lui, toutes les alternatives doivent être aujourd’hui envisagées par le Président de la République, y compris la dissolution de l’Assemblée nationale, « parce que, en réalité, ce sont les législatives qui ont jeté de l’huile sur le feu ». Cette position est partagée par l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, qui, dans les colonnes de l’Essor, a pro – posé au Président de la Ré – publique des pistes de solutions pour sortir de l’impasse. « Je pense en particulier que le Président doit, l’un après l’autre, utiliser les articles 42 (dissolution de l’Assemblée nationale) et 50 (les pouvoirs exceptionnels) de la Constitution et décider de consacrer une partie du reste de son mandat à la mise en œuvre des réformes qui ont été adoptées lors du Dialogue national inclusif », affirme M. Maïga.
Pour le Président de l’Asma-CFP, le mécanisme de suivi des recommandations du DNI, dûment constitué et très représentatif des différentes composantes de la Nation, pourrait alors jouer le rôle du Législatif.
Germain Kénouvi
Journal du Mali