Le Secrétaire Général de l’ONU a, dans son dernier Rapport, publié, le 1er juin dernier, sur le Mali, déploré la détérioration de la situation sécuritaire, des droits humains et la faible représentativité de l’Etat dans plusieurs localités du pays entravant du coup le rétablissement de l’autorité de l’Etat.
Aussi, dans son Rapport, Antonio Guterres indique que, sur le plan sécuritaire, la Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin et l’État islamique du Grand Sahara ont continué de diriger des attaques contre les populations locales et les forces internationales dans le Nord du Mali. Les taxes illégales exigées par les Extrémistes qui imposent, en outre, leur propre interprétation de la Charia (parfois par des moyens coercitifs tels que les enlèvements), sont monnaie courante, en particulier dans les Régions de Douentza, Gao et Ménaka ainsi que dans les zones contiguës dans le Sud de la Région de Tombouctou. Les extrémistes continuent également de multiplier les opérations dans le sud du pays, dans les Régions de San et de Sikasso. Dans les Régions de Gao et de Ménaka, des Extrémistes présumés ont tué des membres des populations locales qui avaient refusé de payer des taxes ou qui étaient soupçonnés d’avoir fourni des informations aux forces armées. Le 25 mars, des affrontements ont eu lieu entre des combattants présumés de la Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin et de l’État islamique du Grand Sahara dans le village de Tagagan, Cercle d’Ansongo, Région de Gao, lors desquels deux éléments de la Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin et sept combattants de l’État islamique du Grand Sahara ont trouvé la mort.
Les activités terroristes se sont également intensifiées dans le Centre du Mali. Dans la Région de Bandiagara, des Extrémistes présumés ont attaqué plusieurs villages dogons, tuant et blessant plusieurs groupes d’autodéfense dozos.
Le 22 mars, des Extrémistes présumés ont attaqué un convoi des forces internationales près de Hombori où les assaillants ont fait éclater un engin explosif improvisé, avant de procéder à des tirs directs. Le même jour, le camp des Forces armées maliennes à Mondoro a essuyé des tirs directs.
Le 24 mars, dans la région de Mopti, des éléments présumés de la Katiba du Macina ont attaqué une position de la milice peulh de Sékou Bolly, dans le quartier d’Ouro-Guembé, dans la ville de Sévaré, tuant deux personnes et en blessant cinq autres. Dans le même temps, il semble que des membres de la milice Dan Na Ambassagou s’en prennent aussi aux populations locales. Le 27 mars, des éléments présumés de cette milice ont enlevé et tué deux Dogons à Piron ainsi que le Chef du village qui avait tenté de négocier leur libération. Les 2 et 6 avril, des Extrémistes présumés ont attaqué les Forces armées maliennes à Diafarabé et à Kona, respectivement, tuant quatre soldats et en blessant 20 autres.
Le 2 avril, le camp de la force de la MINUSMA à Aguelhok a résisté à une attaque complexe menée par des éléments armés terroristes. Des membres du contingent tchadien ont riposté en combat rapproché et ont neutralisé plusieurs pick-up des assaillants. Lors de cette attaque, quatre soldats de la paix ont trouvé la mort et 17 autres ont été blessés. Une quarantaine d’éléments terroristes présumés ont été tués. Un suspect a été placé en détention puis remis aux Autorités maliennes. Des activités terroristes ont également été observées dans les Régions de San et de Sikasso. Le 31 mars, un véhicule des Forces armées maliennes aurait touché un engin explosif improvisé près de Tiéré, dans le Cercle de Koutiala, Région de Sikasso, et deux soldats ont été blessés. Le 4 avril, des Extrémistes présumés ont attaqué une patrouille des Forces armées maliennes, tuant un soldat et en blessant trois autres près de Mafoune, dans la région de San.
Les Attaques asymétriques continuent
Toujours, sur le plan sécuritaire, le Secrétaire Général de l’ONU constate que le nombre d’attaques au moyen d’engins explosifs improvisés a légèrement baissé durant la période considérée : 137attaques de ce type ont été enregistrées depuis juillet 2020, contre 168 pour la même période en 2019 et en 2020. Parmi les soldats de la paix de la MINUSMA, 7 sont morts et 87 autres ont été blessés lors de ces attaques ; 4 avaient été tués et 69 autres blessés au cours de la même période en 2020. Les forces nationales et internationales, la MINUSMA et les groupes armés signataires ont essuyé 44 attaques asymétriques ; 23% d’entre elles ont eu lieu dans le nord du pays, à savoir 8dans la région de Tombouctou, 7 dans la Région de Gao, 5 dans la Région de Kidal et 3 dans la Région de Ménaka. Le Centre du Mali a été le théâtre de 21 attaques : 17 attaques dans la Région de Mopti et 4 dans celle de Ségou, soit une baisse par rapport à la période précédente, au cours de laquelle 57 attaques avaient été enregistrées contre les forces de sécurité et les groupes signataires.
En outre, pendant la période considérée, la MINUSMA a subi 14 attaques qui ont fait 4 morts et 50 blessés parmi les Soldats de la paix. Le nombre d’attaques a donc baissé par rapport à la période précédente, durant laquelle 39 attaques ont fait 7morts (6 Soldats de la paix et 1prestataire militaire) et 48 blessés. Les Forces de défense et de sécurité maliennes ont été la cible de 25 attaques, au cours desquelles 49 membres des Forces armées maliennes et 2 membres de la Police et de la Gendarmerie ont été tués et 55 blessés, dont 53 membres des Forces armées maliennes et 2 membres des forces de sécurité
Détérioration de la situation des droits humains
S’agissant de la situation des Droits humains, le Secrétaire Général de l’ONU souligne que la période considérée a été marquée par une forte détérioration de la situation des droits humains qui s’explique principalement par une augmentation de la violence contre les civils, en particulier dans certaines zones du Sud du pays. Les attaques perpétrées par les groupes extrémistes violents continuent d’être la cause de nombreuses atteintes dont des meurtres, des graves dommages corporels et des déplacements forcés des civils. En plus, des nouvelles violations ont été commises dans le contexte d’opérations de sécurité ou de lutte contre le terrorisme et une forte augmentation du nombre d’enlèvements, imputables en grande partie à des groupes armés et milices communautaires dans le Centre du Mali, a gravement entravé l’exercice des libertés et des Droits fondamentaux dans les zones touchées.
Dans certaines parties du Mali, la situation des femmes et des filles demeure épouvantable, notamment ; car, celles-ci ont continué d’être les principales victimes de la violence sexuelle liée aux conflits et des différentes formes d’atteintes aux Droits humains commises par les groupes armés.
À cet égard, la MINUSMA a recensé 422 violations des Droits humains (181) et atteintes à ces droits (241), soit 13 de plus que pendant la période précédente. Il s’agissait notamment d’exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires (39 victimes), d’autres meurtres (41), de blessures (72), d’actes de torture ou autres traitements inhumains (51), de disparitions forcées (6), d’enlèvements (118), d’arrestations ou de détentions illégales, y compris de détentions prolongées et de violations des garanties d’une procédure régulière (95) ainsi que de nombreux cas de déplacements massifs et forcés de civils, de menaces de mort et d’actes d’intimidation, de pillage et de destruction de biens. La plupart des violations et atteintes ont été recensées dans le centre du Mali, dans les Régions suivantes : Bandiagara (51), Douentza (82), Mopti (21) et Ségou (34). D’autres ont également été constatées dans les Régions du Nord du pays [Gao (38), Kidal (34), Ménaka (42) et Tombouctou (17)], ainsi que dans des régions du sud du pays [Kayes (16) et Sikasso (17)] et dans le district de Bamako (70). Ces violations et atteintes ont été imputées aux forces nationales (92), aux Autorités judiciaires (68), aux forces armées nigériennes (21), aux groupes armés signataires de l’Accord et y adhérant (34), aux groupes armés et milices communautaires (97) et aux groupes extrémistes violents (110).
Dans le Centre du Mali, la milice Dan Na Ambassagou a participé à des dizaines d’enlèvements de civils dans des villages dogons dont les Habitants refusaient de contribuer aux « efforts de guerre » de la milice ou n’avaient pas versé le montant exigé en remplacement du recrutement forcé des villageois. Par ailleurs, la milice, de même que d’autres groupes communautaires dont Guina Dogon, Baguine-Sô et Groupe Fato, sont responsables de la diffusion en ligne de plusieurs messages incendiaires d’incitation à la violence et la haine contre les membres de la population peule.
Le 18 mars, des membres des Forces armées maliennes ont exécuté sommairement 2 hommes, en ont blessé 4 autres, ont infligé des mauvais traitements à au moins 30 personnes et pillé et détruit des Biens civils à Boni, dans la Région de Douentza, à la suite de la détonation d’un engin explosif improvisé qui a fait trois blessés parmi les éléments des Forces de défense et de sécurité maliennes qui se trouvaient à proximité du village
Le 30 mars, la MINUSMA a publié un rapport sur les résultats de l’enquête relative aux Droits humains menée à la suite de la frappe aérienne effectuée par les forces armées françaises dans le cadre de l’opération Barkhane. Au moins 22 personnes ont été tuées dont des membres présumés de la Katiba Serba, un groupe extrémiste. Huit civils au moins ont été blessés. Dans un communiqué daté du 30mars, le Ministère français des armées a indiqué que le 3 janvier, les forces armées françaises ont effectué une frappe aérienne « ciblant un groupe armé terroriste », émis de nombreuses réserves quant à la méthodologie retenue dans le rapport et a estimé que le Rapport se fondait sur des « témoignages locaux non vérifiables » et des « hypothèses non étayées ».
Le 27 avril, des membres des forces armées nigériennes auraient exécuté sommairement au moins 19 civils (des hommes), en auraient blessé un autre et fait disparaître de force un autre homme lors d’une opération militaire transfrontalière dans le village de Bana, dans la Région de Ménaka. Les Autorités nigériennes ont ouvert une enquête.
L’ONU a observé une baisse du nombre de violations graves 172 commises contre 126 enfants. Elle en avait recensé 236 commises contre 183 enfants, au cours de la période précédente. La plupart des violations confirmées ont été imputées à des éléments armés non identifiés (77) et les autres au Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (19), au Mouvement national de libération de l’Azawad (35), au MAA-CMA (7), à Dan Na Ambassagou (5), à Ganda Koy (5), à la Coalition du peuple de l’Azawad (5), à Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (4), à la Katiba du Macina (2) et à l’État islamique du Grand Sahara (1). Il a été établi que des violations ont été commises dans les Régions suivantes : Mopti (48), Kidal (45), Tombouctou (35), Gao (27), Ségou (8), Ménaka (7) et Sikasso (2). Au total, 35 enfants (27 garçons et 8 filles) ont été tués (19) ou mutilés (16). Par ailleurs, 71 enfants (60 garçons et 11filles) âgés de 10 à 17ans ont été recrutés par des groupes armés ; 44 d’entre eux ont été séparés de ces groupes et remis à des acteurs civils de la protection de l’enfance.
Le 18 mars, l’ONU a organisé un atelier de haut niveau avec la CMA sur l’exécution de leur plan d’actions visant à lutter contre les violations graves commises contre des enfants. À cette occasion, les activités prioritaires pour les six mois suivants ont été définies, notamment l’organisation de visites qui seraient menées par des représentants de l’Organisation dans des camps de la CMA à des fins d’enquête, en vue de faciliter l’établissement de l’identité des enfants concernés, leur départ des groupes armés et leur prise en charge. Neuf violations auraient été commises lors des opérations militaires conjointes des forces internationales et des Forces armées maliennes contre des groupes armés et trois autres lors d’affrontements entre des groupes armés et des dozos.
Au titre des arrangements de suivi, d’analyse et de communication de l’information, la MINUSMA a recueilli des données sur deux cas de violence sexuelle liée aux conflits, à savoir le viol collectif d’une femme peule par des Dozos à Niono, dans la Région de Ségou, à la mi-mars, et le viol collectif d’une autre femme par des hommes armés non identifiés dans la ville de Ménaka, dans la Région du même nom, le 27 mars. De manière générale, les cas de violence sexuelle liée aux conflits continuent de ne pas être signalés. Cela s’explique par l’absence des services médicaux et psychosociaux dans les différentes zones touchées par le conflit, des raisons socioculturelles et la stigmatisation, la crainte de représailles de la part des auteurs et le fait que les auteurs ne sont pas amenés à répondre de leurs crimes.
La MINUSMA a continué de soutenir la Commission vérité, justice et réconciliation, qui, le 3avril, a tenu sa troisième audience publique, axée sur des cas de disparition forcée enregistrés depuis 1960. Lors de l’audience, 14 victimes (12 hommes et 2 femmes) ont témoigné. Avec l’appui de la MINUSMA et de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), la Commission a également organisé, les 16 et 17 mars à Bamako, une conférence sur la question de la réparation en vue de faciliter l’adoption d’un projet de politique nationale de réparation. Au 11 mai, la Commission avait enregistré 20451dépositions, dont la moitié a été faites par des femmes.
Sur la mise en œuvre de l’accord pour la paix, il signale que « le Comité de suivi de l’Accord s’est réuni en dehors de Bamako pour la deuxième fois depuis sa création. Le 29 mars, à sa 42e session, tenue à Kayes, il a constaté qu’aucun nouveau progrès n’avait été accompli dans l’exécution des engagements pris précédemment, notamment pour ce qui est d’accroître la participation des femmes aux mécanismes du Comité et de faire en sorte que le bataillon de l’armée reconstituée déjà déployé à Kidal devienne opérationnel ».
Rétablissement de l’Autorité de l’État à la peine
Concernant le Rétablissement de l’Autorité de l’Etat, le Rapport souligne que la présence des Autorités de l’État demeure limitée en dehors des centres des Régions et des Cercles. Dans les cinq Régions du Centre du pays, au 30 avril, 7 Préfets sur 15 (46%) et 18 Sous-préfets sur 93 (19%) étaient présents sur leur lieu d’affectation.
Pour faciliter le rétablissement de l’Autorité de l’État, la MINUSMA a dispensé, à Mopti et à Ségou, une formation axée sur la décentralisation et l’administration publique à quelques 200 Représentants de l’État et Responsables élus en vue de renforcer leurs capacités en la matière. La Mission a également achevé la remise en état de la sous-préfecture de Sanga, dans le cercle de Bandiagara, et a lancé un projet de mise à disposition de matériel et de fournitures au profit de la Sous-préfecture de Kona, dans la Région de Mopti, et des trois collèges transitoires de la Région de Taoudenni. Ces projets ont amélioré le fonctionnement des structures administratives publiques et l’accès à ces structures.
La MINUSMA a achevé les travaux de construction des Bureaux de la Brigade de Gendarmerie de Somadougou et du Poste de Gendarmerie de Sofara.
Mémé Sanogo
Source: Journal l’Aube- Mali