Comment changer son image et incarner le renouveau pour gagner un troisième mandat ? C’était le défi auquel était confronté Denis Sassou N’Guesso, il y a un an, et dans le contexte géopolitique de l’époque, peu d’observateurs pensaient que le Président congolais atteindrait aujourd’hui ses objectifs. Force est de constater qu’il est sur le point d’y parvenir. Analyse.
Le premier défi était celui de rendre lisible une action politique déployée tout au long de son dernier mandat, mais dont la cohérence n’avait jamais été soulignée. C’est à cette pédagogie de son propre bilan que le Président congolais a donc consacré une bonne partie de l’année 2015, mettant à profit les moments clefs de la communication publique (fête nationale, vœux…) pour marteler son message : le chemin parcouru pour le développement des infrastructures de base au Congo, le ruban des routes traversant le pays de Pointe Noire à Ouesso, et au-delà, les aménagements urbains et routiers de Brazzaville…
Infrastructures
Mais les infrastructures de base du développement, ce sont aussi les aéroports, et le Congo compte 5 aéroports internationaux flambant neufs, les ports, le chemin de fer, et l’on sait que le fameux chemin de fer Congo-Océan a été entièrement rénové, avec percements de tunnels et construction d’ouvrages d’art spectaculaires. A ces “grands équipements fondamentaux” il faut ajouter les barrages et les centrales de production électriques qui ont permis de faire progresser l’électrification au fil des “municipalisations accélérées” qui ont rythmé les deux mandats de Denis Sassou N’Guesso. Or l’amélioration de la fourniture de l’énergie est une condition essentielle du développement.
Ces attributs d’équipement du pays qui constituent le socle du développement et la base de la croissance et de la diversification de l’économie, Denis Sassou N’Guesso en a fait une priorité affichée, plaçant à ses côtés la délégation générale aux Grands Travaux et son Ministre titulaire Jean-Jacques Bouya.
Programmes sociaux
A ces investissements titanesques, il faut ajouter les grands programmes sociaux auxquels, là encore, des sommes considérables ont été consacrées : d’abord l’éducation, avec la mise en place d’écoles, de collèges et d’établissements d’enseignement supérieurs, afin que le Congo consolide encore sa place éminente en termes d’alphabétisation et de scolarisation en Afrique, comme le souligne régulièrement le rapport du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la référence en la matière. La construction achevée de la nouvelle Université de Kintélé qui rassemblera plus 20 000 étudiants en est une nouvelle image. A deux pas, des infrastructures sportives durables que constituent les enceintes créées pour accueillir, en septembre dernier, les Jeux Africains !
Autres programmes sociaux essentiels, ceux qui touchent à la santé et à l’accès à l’eau potable. Le programme “Eau pour tous” a permis de couvrir, dans toutes les régions, l’enjeu essentiel du “dernier kilomètre” qui constitue également l’un des critères d’évaluation du PNUD. Permettre dans toutes les zones rurales un accès à une source d’eau potable, dont l’extraction, au Congo, se fait par utilisation de l’énergie solaire, méthode “écologique” importée du Brésil et qui permet la préservation des espaces naturels et de la forêt primaire, en particulier. A cela s’ajoute la construction d’hôpitaux qui, département par département, permettent un accès sécurisé à des soins d’une qualité croissante. Ce n’est pas par hasard si au cours des 10 dernières années, ainsi que le note encore le PNUD, l’espérance de vie au Congo a fait un bond spectaculaire en passant de moins de 54 à presque 60 ans…
Sécurité et paix civile
Dernier acquis que Denis Sassou N’Guesso a su mettre en avant : la sécurité civile et la sécurité extérieure. Placé entre une RDC qui ne parvient pas à stabiliser ses frontières orientales et s’enlise dans une guerre de vingt ans, une Centrafrique brutalement secouée par des violences civiles exploitées par ses leaders politiques, un Cameroun ébranlé par le choc de Boko Haram, la République du Congo est un pays en paix. La sécurité intérieure et extérieure y est assurée, sous l’égide d’un très proche de Denis Sassou N’Guesso, l’amiral Jean-Dominique Okemba, Président du Conseil de Sécurité nationale, dont la personnalité tranche avec celle de ses homologues de nombreux pays africains : humaniste, attaché au développement et à la culture, guidé par des valeurs universalistes. Le meilleur contrefeu aux discours ethniques ou régressifs.
Communication numérique
La dernière victoire de Denis Sassou N’Guesso aura probablement été de confier son image “numérique” à l’agence OSIRIS, ainsi que l’a révélé une indiscrétion de l’hebdomadaire français Le Point, d’ordinaire bien informé : par une action incessante sur les réseaux sociaux et Internet, OSIRIS a placé Denis Sassou N’Guesso dans le camp de la jeunesse et de l’avenir, remportant la “bataille des hashtags” et surclassant, par l’édition de comptes Twitter et Facebook particulièrement bien référencés, la propagande numérique des opposants… C’est ainsi, comme le note l’hebdomadaire, que dans la campagne référendaire, #sassoui a mis en déroute #sassoufit ! Succès inaugural, sous le signe d’Osiris, premier Dieu égyptien de la résurrection, et sous l’égide d’Isis – autrement dit Claudia Lemboumba, qui mène à la baguette la communication de son Président de père, comme put le faire naguère Claude Chirac en France.
Engagé fortement dans l’équipement et le développement du pays, avec une préoccupation forte pour les investissements sociaux, et des résultats sensibles en termes de scolarisation, d’allongement de la durée de la vie et de prise en charge médicale, et probablement fidèle en cela à ses convictions marxistes de jeunesse, le Président congolais est ainsi et surtout apparu, au cours des douze derniers mois, comme soucieux de faire entrer le Congo dans la modernité. La rénovation constitutionnelle en a été l’image, qui a permis une promotion de la parité homme-femme et un abandon de la peine de mort, une déconcentration des pouvoirs et une décentralisation de l’Etat, ainsi que la mise en place de nouvelles institutions politiques intermédiaires destinées à mieux équilibrer l’exercice des pouvoirs démocratiquement élus.
Le scrutin du dimanche 20 mars s’annonce, d’après les instituts de sondage régulièrement sollicités, comme largement favorable à Denis Sassou N’Guesso. Mais les observateurs de la vie politique congolaise peuvent difficilement nier que ce résultat aura été obtenu par la conjugaison d’une action politique efficace et mesurable dans les faits, avec une communication intelligente, numérique et moderne.
Source: afrik