En plus de la crise sécuritaire que notre pays traverse à laquelle tous les Maliens s’emploient pour une solution durable, le foncier constitue une véritable menace pour la stabilité nationale. Aujourd’hui, les conflits fonciers couvent lentement, mais surement dans presque toutes les grandes agglomérations du pays, malgré la détermination des autorités à faire face au phénomène, à travers une réforme conséquente du secteur.
Au Mali, pays à vocation agro-pastorale, la terre constitue un élément indispensable à la vie de la famille, de la communauté, voire de la nation. Elle est porteuse d’enjeux politiques et socioéconomiques aussi importants que variés, allant de la souveraineté nationale à la réalisation de grands investissements, en passant par la propriété collective ou privée des ressources naturelles.
La coalition contre l’arbitraire
Les grandes mobilisations paysannes, ces derniers temps, pour protéger ce qu’ils appellent leur patrimoine contre des prédateurs, qui envahissent le secteur, en sont des illustrations parfaites. Face à la détermination des sociétés immobilières qui prennent d’assaut les villages et hameaux, à la recherche de trésor, les paysans expriment le besoin de protection. C’est en tout cas, la preuve qu’ils ont montrée lors des meetings jusque-là organisés, respectivement les 2 et 9 avril à Kati et Maraka-Coungo. Ces paysans dans la chair des rapaces, depuis quelque temps, expriment un besoin de changement dans la gestion du foncier, dans notre pays. Ils dénoncent l’arbitraire et l’injustice dont ils sont victimes. Jamais, sans doute, depuis l’accession du Mali à l’indépendance, l’attente de nos concitoyens en matière de changement dans le domaine du foncier n’a été aussi forte ; jamais l’exigence d’une action claire, volontaire et concertée de tous les acteurs publics pour répondre aux défis n’a été impérieuse. En dépit des pouvoirs financiers dont disposent les promoteurs immobiliers qui sont prêts à tout pour constituer des trésors de guerre, les paysans résistent et appellent à l’aide.
Auront-ils la chance de se faire entendre, avant qu’il ne soit trop tard ? Au regard de certaines réalités qui prévalent sur le terrain, il y va de l’intérêt de tous les Maliens.
« Désormais, ils nous trouveront sur leur chemin » ; « Ils vont marcher d’abord sur nos cadavres avant de nous exproprier » ; « Nous allons désormais opposer notre union au pouvoir déstabilisateur de leur fortune », ce sont là des termes fréquemment lâchés lors des meetings.
Même si cette grande mobilisation n’est pas suffisante, elle est loin d’être fortuite, puisqu’il n’y a pas de fumée sans feu. Aussi, le changement, ou la fin de certains niveaux d’arbitraires dans les pays, que nous considérons aujourd’hui comme développés, a passé par ces étapes.
Besoin de leadership
Ces récentes sorties des paysans prouvent le besoin de leur leadership confirmé, mais aussi sont une interpellation de l’État à accélérer le processus de réforme foncière engagée par lui, depuis certains temps. Car dans le domaine du foncier dans notre pays aujourd’hui, c’est le désordre, l’anarchie et le laisser-aller où tout le monde se permet de faire ce qui lui passe par la tête, en violation de tous les textes du pays. La décentralisation au lieu de mieux clarifier les choses a ouvert un boulevard pour le désordre. Aujourd’hui, ce sont les communautés villageoises, à cause de leurs niveaux d’alphabétisation très limités, qui deviennent les proies faciles des autorités locales (maires, sous-préfet, préfets et même des gouverneurs).
Toutes les enquêtes foncières, jusqu’ici menées, ont bien démontré que le foncier est aujourd’hui une source d’insécurité croissante, en milieux rural et urbain. Il est aussi l’une des premières préoccupations des populations maliennes et cela est fortement perceptible dans le District de Bamako, dans toutes les capitales régionales avec un focus sur la région de Koulikoro, notamment le cercle de Kati.
Au Mali, la réussite de la régionalisation et des politiques de développement du gouvernement passeront, entre autres, par la rationalisation et l’efficacité dans la gestion des terres.
Aussi, l’ampleur et le caractère parfois violent des conflits fonciers prouvent la nécessité d’intervenir dans ce domaine, en plaçant ceux-ci au cœur des débats publics.
Ce qui se passe à l’Office du Niger, précisément dans les villages de Sanamadougou et Sahou, est assez édifiant.
Il est important de souligner ici que le désordre observé dans la gestion et l’exploitation foncière en milieu rural, la précarité des différents modes d’accès aux terres ainsi que les différends fonciers ne rendent pas la tâche facile aux différentes initiatives dans certains secteurs clés de notre développement, tels que l’Agriculture et l’industrialisation, etc.
Nécessité d’une réforme
Aujourd’hui, bon nombre d’experts sont convaincus que la mise en place d’une réforme foncière aura des retombées positives importantes pour le pays. Il s’agit en tout premier lieu de la possibilité d’identifier plus rapidement et plus facilement le droit de propriété. La réforme contribuera également à l’établissement d’un climat sécuritaire pour renforcer le dispositif hypothécaire. Tout ceci offrira ensuite une base sûre au développement du crédit immobilier et l’essor des entreprises de construction. De la même manière, la confiance en notre économie s’en trouvera renforcée.
« Quand il n’est pas sûr de son droit de propriété, quand il ne sait pas à quel moment une contestation peut surgir, quand il ne sait pas sur quelle base le tribunal va trancher dans un conflit foncier, l’investisseur est paralysé, quel que soit le niveau d’investissement qu’il veut faire. Personne n’a envie de construire une usine quand le terrain peut être réclamé par un prétendu propriétaire ; ni de mettre en place un centre d’épuration, quand trois prétendus propriétaires peuvent surgir du jour au lendemain », indiquait un ministre des Domaines et du cadastre, au cours d’un plaidoyer pour le financement de cette réforme. Car indiquait-il, par la même occasion, l’incertitude ne profite à personne ; d’ailleurs elle est plutôt nuisible au développement économique du pays.
Par Sidi Dao
Source: info-matin