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Conflit en Ukraine : comment la Russie a tissé des liens plus étroits avec l’Afrique

Ces dernières années, la Russie a étendu son influence en Afrique et, après l’invasion de l’Ukraine, elle attend de ses nouveaux alliés qu’ils lui apportent leur soutien, ou du moins qu’ils restent neutres, dans les instances internationales telles que l’ONU.

De la Libye au Mali, en passant par le Soudan, la République centrafricaine (RCA), le Mozambique et d’autres pays, la Russie s’implique davantage, souvent militairement, en aidant à combattre les rebelles ou les militants djihadistes.

Au Conseil de sécurité des Nations unies, le Kenya, actuellement membre non permanent, a exprimé très clairement son opposition à l’action de la Russie en Ukraine.

Mais les autres pays n’ont pas encore soutenu la position du Kenya en chœur. L’organe continental, l’Union africaine, s’est dit “extrêmement préoccupé” par ce qui se passait, mais est resté discret dans ses critiques à l’égard de la Russie.

L’Afrique du Sud, qui est un partenaire de la Russie au sein du groupe Brics, a appelé le pays à retirer ses forces d’Ukraine, mais a déclaré qu’elle gardait l’espoir d’une solution négociée.

Par ailleurs, le président de la RCA, Faustin-Archange Touadéra, aurait soutenu la décision de la Russie de reconnaître les régions ukrainiennes de Donetsk et de Louhansk comme des États indépendants.

Et mercredi, le chef adjoint de la junte soudanaise, Mohamed Hamdan Dagalo, a conduit une délégation à Moscou, signe d’un rapprochement entre les deux pays.

L’un des exemples les plus flagrants de l’évolution des alliances en Afrique est apparu une semaine avant l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, avec la fin de la participation française à la lutte contre les djihadistes au Mali.

Le Premier ministre malien, Choguel Maiga, a confirmé, dans une interview accordée à France24, que son pays avait signé des accords de coopération militaire avec la Russie. Mais, il a nié que la société militaire privée russe controversée, le groupe Wagner, soit impliquée.

L’aide russe au Mali, ainsi que l’offre qui aurait été faite au gouvernement militaire du Burkina Faso, s’inscrivent dans le cadre des mesures prises par la Russie au cours des cinq dernières années pour accroître son influence en Afrique, tant officielle qu’informelle.

Alors que l’engagement renouvelé de la Russie et de l’Afrique prenait de l’ampleur, un sommet organisé en 2019 dans la ville de Sotchi, dans le sud de la Russie, a réuni des délégués de plus de 50 pays africains, dont 43 chefs d’État.

Le président Vladimir Poutine s’est adressé aux dirigeants, faisant appel à un passé de soutien aux mouvements de libération et s’engageant à stimuler le commerce et les investissements.

Mais il y a également eu un autre type de présence : la fourniture opaque de sécurité aux gouvernements d’un certain nombre de pays africains, sous forme de formation, de renseignements et d’équipements, ainsi que l’implication de mercenaires russes dans les conflits locaux.

Comme l’a indiqué M. Poutine, il existe des liens historiques qui remontent à l’époque de l’URSS, le prédécesseur de la Russie, lorsque l’Afrique était l’une des nombreuses sphères de concurrence entre celle-ci et les États-Unis.

Mais depuis l’effondrement de l’URSS en 1991 jusqu’au début de la dernière décennie, alors que la Russie traversait une période de transition, les relations avec l’Afrique ne figuraient pas en tête des priorités.

Puis, retrouver le statut de superpuissance est devenu une priorité de politique étrangère pour le président russe.

En 2014, après l’annexion par la Russie de la péninsule ukrainienne de Crimée et les sanctions internationales qui ont suivi, les relations avec les États-Unis et l’Union européenne se sont fortement détériorées.

Face à la menace d’un isolement international, Moscou a commencé à chercher de nouveaux alliés.

“À la suite des sanctions, la Russie a dû chercher de nouveaux marchés pour ses exportations”, explique Irina Abramova, directrice de l’Institut de l’Afrique à l’Académie nationale des sciences de Russie.

Mais la Russie ne cherchait pas seulement des marchés, elle voulait aussi accroître son influence dans le monde.

En 2014, elle s’est impliquée dans la guerre civile en Syrie, soutenant le président Bachar al-Assad, en partie pour mettre en évidence le chaos que l’Occident était en train de créer et montrer comment la Russie pouvait le réparer.

De la Syrie, elle s’est ensuite tournée vers le continent africain.

Irina Filatova, professeur honoraire de l’université de KwaZulu-Natal en Afrique du Sud, explique que la tâche principale de la Russie en Afrique était de discréditer l’influence occidentale, de la même manière qu’en Syrie.

Elle voulait montrer que les Européens, par exemple, n’avaient pas réussi à contenir la menace djihadiste dans le Sahel.

Elle l’a fait par le biais d’une double politique en Afrique, combinant des instructeurs militaires officiels travaillant dans certains pays, et des agences informelles, telles que le Groupe Wagner, combattant dans un certain nombre d’autres.

La RCA a été le premier pays africain où des mercenaires russes du groupe Wagner sont apparus en 2017.

Plus tard, ils ont été suivis par un contingent officiel de consultants militaires russes. Leur objectif était d’aider le président Touadéra à garder le contrôle.

Les allégations d’atrocités commises par les mercenaires sont devenues courantes, mais la Russie a toujours nié qu’un de ses citoyens ait été impliqué dans des crimes de guerre ou des violences contre des civils.

Les mercenaires russes ont également été actifs en Libye, au Soudan, au Mozambique et au Mali, avec plus ou moins de succès.

Autre signe de l’importance croissante du continent, l’Afrique est devenue un marché clé pour l’industrie de l’armement russe. Selon l’agence nationale d’exportation d’armes, près de la totalité des armes destinées à l’Afrique proviennent de Russie.

Les principaux importateurs sont l’Algérie et l’Égypte, mais de nouveaux marchés ont vu le jour au Nigeria, en Tanzanie et au Cameroun.

Mais il y a aussi un prix à payer pour des liens plus étroits sur le front diplomatique. L’Afrique, au total, dispose de plus d’un quart des voix à l’Assemblée générale des Nations unies, et peut être une voix collective puissante dans d’autres organes internationaux.

Un rapport de 2021 sur les perspectives de coopération entre l’Afrique et la Russie, publié par l’École supérieure d’économie de Moscou, souligne que les pays africains ont eu tendance à rester neutres face aux actions de la Russie par le passé.

“Aucun des pays africains n’a introduit de sanctions contre la Russie [après 2014]. Lors des votes à l’ONU sur les questions liées à l’Ukraine, la plupart des pays du continent expriment une position neutre”, indique le rapport.

Avec l’invasion de l’Ukraine, si cette position neutre se poursuit, ou si elle se traduit par un soutien plus marqué, alors les efforts de la Russie au cours des dernières années pourraient être considérés comme ayant porté leurs fruits.

Source : BBC Afrique

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