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Communauté musulmane : Querelles de leadership ?

Depuis le refus de la majorité  des membres du Haut conseil islamique du Mali de suivre l’imam Mahmoud Dicko dans l’organisation d’un meeting de dénonciation du programme d’éducation sexuelle complète, fin décembre, le fossé s’élargit entre certains leaders religieux musulmans. Son dernier appel au stade du 26 mars, sans certains poids lourds, et ses prises de positions laissent apparaitre, au-delà du politiquement correct, un malaise. Querelles de leadership où stratégie politique avant la fin du mandat ?

Malian religious leader Cherif Ousmane Madani Haidara (L) speaks to Mahmoud Dicko, the head of Mali’s High Islamic Council (HCIM), during a peace gathering organised by non-governmental organisations in Bamako on May 2, 2015 following deadly clashes between Tuareg rebel groups and Malian forces and pro-government militias in the north of the country. AFP PHOTO / HABIBOU KOUYATE / AFP / HABIBOU KOUYATE

Ils font l’actualité. Des véritables draineurs des foules. Leurs voix sont écoutées au-delà des mosquées. Depuis plus d’une dizaine d’année, les leaders religieux musulmans occupent, et ce de façon fulgurante, le devant de la scène nationale. « Aujourd’hui, tout bouge du côté de la dynamique religieuse. Il y a la rébellion djihadiste, la société civile musulmane, les conflits de leadership. Rien ne peut se faire désormais dans ce pays sans l’Islam et aucun pouvoir ne peut plus exister s’il ne tient pas compte des musulmans, parce qu’ils ont reçu la formation pour comprendre ce qu’ils représentent comme poids politique », soutient Dr Hamidou Magassa, enseignant chercheur, anthropologue et collaborateur de Mahmoud Dicko pendant dix ans.

Estimés à environ 95% de la population, les musulmans sont devenus au fil des années une force motrice qu’il vaut mieux avoir avec soi que contre. La création par le gouvernement, en 2002, du Haut conseil islamique (HCI), s’inscrivait dans la volonté de canaliser la création des associations musulmanes et d’avoir un interlocuteur unique à qui parler. Mais les relations entre cette institution et le pouvoir sont à la fois complices et conflictuelles. Les dernières sorties de l’Imam Mahmoud Dicko, Président du Haut conseil islamique depuis 2008, dans lesquelles il dénonce les dérives religieuses et sociales signent la fin de l’idylle. Mais pas seulement. Alors que l’imam de la mosquée de Badalabougou et le très respecté Chérif Bouyé Haidara de Nioro font front commun contre le gouvernement, le Vice-président Chérif Ousmane Madani Haidara, soufi, et Chouala Bayaya Haidara, chiite, prennent leurs distances. Deux camps émergent, l’un opposé au pouvoir et l’autre qui ne l’attaque pas.

Le projet de la discorde

Bien que dans le passé la lutte ait été quelques fois âpre entre le gouvernement et le Haut conseil sur certains sujets, elle semble prendre aujourd’hui une autre tournure. L’imam Mahmoud Dicko, qui a alerté l’opinion sur l’existence d’un programme d’enseignement d’éducation sexuelle complète, ne désarme pas des mois après. Il parle publiquement des atteintes à la religion du projet, qui invite selon lui à « la débauche et à la dérive des mœurs». L’homme, d’obédience wahabite, mais qui se dit « adepte de l’islam tout court », est scandalisé. Il entreprend d’organiser un meeting au Palais de la culture afin d’informer les fidèles de ses découvertes. Mais la majorité des membres du Haut conseil islamique, dont son Vice-président, Chérif Ousmane Madani Haidara, Président de l’association Ançar Dine international et du Groupement des leaders religieux musulmans, s’oppose à la tenue d’un tel rassemblement, d’autant qu’entre-temps le gouvernement a reculé. Si ces leaders ont des positions tranchées et évoluent dans des courants différents, l’acte de défiance à l’endroit de l’imam de Badalabougou va cristalliser les dissensions au sein de la communauté musulmane. « Je ne crois pas qu’il ait une crise de leadership  au sein du Haut conseil. Peut-être entre les leaders. Ils ne sont pas de la même tradition religieuse et il y a une scission à l’intérieur de la communauté musulmane quant à l’approche vis-à-vis des autorités », souligne Ballan Diakité, analyste politique au Centre de recherches et d’analyses politiques, économiques et sociales (CRAPES). Même s’ils laissent paraitre certaines convergences, des actes qui peuvent sembler anodins révèlent ces dernier temps un climat tendu.

Le meeting et  après ?

Le Président du Haut conseil islamique va organiser le 10 février, avec la bénédiction du Chérif de Nioro, un meeting grandiose au stade du 26 mars.

C’était officiellement pour prier pour la paix et la réconciliation au Mali, un pays qui traverse la plus dure période de son existence. Mais les thèmes du meeting vont changer. Les leaders religieux profitent de l’occasion pour fustiger la gouvernance actuelle et appellent à la démission du Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maiga. Pour eux, le mal, c’est ce « hérisson ». « Récemment, avant que Barkhane ne mène l’offensive contre Kouffa, les ministres de la Défense française et allemande se sont entretenues avec SBM. Et c’est là que l’ordre a été donné, alors que le contact était déjà établi avec Koufa par la Mission de bons offices. Si on détruit les instruments de dialogue que nous avons, nous risquons de devenir comme le Nigeria, où l’État est très puissant mais n’a pas réussi à régler le problème Boko Haram », prévient Dr Hamidou Magassa.

Les dissensions latentes au sein de la communauté musulmane ont fini par se manifester lors de ce rassemblement. « L’objet du meeting était de prêcher pour le Mali, mais nous avons vu un meeting politique. On comprend que Haidara ne voulait pas s’inscrire dans cette logique et s’est intelligemment effacé, en prétextant qu’il était hors du pays. Et tout cela montre que ça ne va pas. C’était juste un combat entre eux et les dirigeants, car s’ils étaient là-bas pour l’Islam ils n’allaient pas huer la délégation de Haidara », signale pour sa part l’analyste politique Boubacar Bocoum.  La création par Chérif Ousmane Madani Haidara du Groupement des leaders religieux musulmans, suite à la crise de 2012, n’avait pas enchanté le camp de Mahmoud Dicko. « Ils ont hué son représentant parce que Haidara n’est pas très loyal. Il a créé le Groupement des leaders religieux soufis alors qu’il est dans une faitière. Je sais que  Dicko a eu toujours l’intelligence de ne jamais être en conflit avec lui. Les gens savent qu’il est son adjoint, c’est pour cela qu’ils l’ont hué », explique Dr Hamidou Magassa.

Pour ce proche du Président d’Ançar Dine, ils ne regrettent pas leur démarche. « Le 26 mars n’est pas un lieu de prière. Le lieu de prière c’est la mosquée. Et Dieu aussi nous a donné raison », déclare Mohamed Maky Bah, Président de l’Union des jeunes musulmans du Mali (UJMMA) et Secrétaire général du Groupement des leaders religieux musulmans. Il poursuit : « il n’y a pas de problèmes entre nous quand il s’agit de l’islam, mais quand certains leaders veulent se servir de la religion pour faire de la politique ». Pour le Professeur Issa N’Diaye, ce meeting montre « une fracture au sein du Haut conseil islamique, dans la mesure où d’autres clans religieux ne s’y sont pas associés, comme Haidara. Il y a donc deux tendances désormais, une qui soutient le pouvoir et une autre qui est contre », observe-t-il.

Les prises de positions se sont transportées jusque dans les mosquées. Vendredi dernier, pendant son Koutouba (discours) dans une mosquée de Dravela, un imam favorable au maintien de Soumeylou Boubeye Maiga et critique vis-à-vis de la démarche de l’imam Dicko a déclenché l’ire de certains fidèles. Quelques-uns ont même décidé d’abandonner cette mosquée.

La fin d’un mandat

Mahmoud Dicko, en place depuis 2008, sera au terme de son second mandat au HCI en avril prochain. Il ne peut plus se représenter. Mais, au-delà de sa foi, de sa défense de l’islam et du Mali qu’il réclame, l’imam serait-il à la recherche d’un point de chute ? « C’est un rempart vis-à-vis d’un certain nombre de dérives de ce gouvernement, qu’il semble bien connaitre. Même si ses sorties sont liées à des raisons politiques, il faut admettre qu’elles ont permis d’éclairer la lanterne de nombre de nos concitoyens », concède  Ballan Diakité. Son aura et la confiance qu’il capitalise ont fait de lui une personnalité de poids aujourd’hui. « Peut-être qu’il pourrait créer un parti politique. Personne ne peut l’empêcher d’avoir une vie politique. C’est une hypothèse. Il ne peut pas rester seulement au Haut conseil alors que l’opinion publique est derrière lui », s’interroge Dr Hamidou Magassa.

Journal du mali

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