C’est le moins que l’on puisse dire. Sa lutte contre le terrorisme piétine. Le sentiment anti-français gagne du terrain dans le Sahel comme un feu de brousse attisé par l’harmattan. L’ancienne puissance coloniale semble ne plus savoir sur quel pied danser devant l’ampleur de la bronca qu’elle suscite dans l’espace sahélien. Ses soldats se font chahuter dès qu’ils quittent leurs bases.
La posture des autorités maliennes lui donne du fil à retordre. Bamako demande de relire l’Accord de défense liant les deux pays, Paris fait mine de prendre son temps. Alors qu’en réalité, elle est gênée aux entournures. L’embarras est encore plus perceptible dans la polémique sur le déploiement du contingent danois au sein de la Force Takuba. Paris et ses alliés donnent l’impression d’être surpris par la fermeté des autorités maliennes qui entendent signifier que désormais l’on n’entre plus sur notre territoire comme dans un moulin.
Les Danois, peu habitués aux arcanes des relations franco-africaines, n’ont pas mis du temps à comprendre que leur allié les fait jouer un mauvais rôle dans un théâtre d’ombre. Leur départ est un camouflet supplémentaire pour Paris. Comme si cela ne suffisait pas, le changement récent à la tête du Burkina Faso sonne, à première vue, comme une nouvelle croupière taillée dans l’influence de la France en Afrique de l’ouest. Ses rivaux russes et chinois ne se feront pas prier pour pousser leurs pions en faisant miroiter aux Sahéliens qu’ils gagneraient au change. La Russie joue la carte de l’efficacité maximum dans ses interventions et ne manque pas de séduire.
La perspective de voir les rivaux s’installer à sa place explique certainement le changement de stratégie de Paris. L’ancienne puissance coloniale ne menace plus de s’en aller si le Mali fait venir le partenaire russe. Elle entend rester désormais envers et contre la défiance qu’elle essuie sur ses terres d’influence. Les Américains ont sans doute compris qu’il était temps de se démarquer de la France pour ne pas être victimes à leur tour du virus de la défiance envers les interventions étrangères dans les pays du Sahel. Voilà qui pourrait expliquer la récente sortie de l’ancien ambassadeur spécial des États-Unis pour le Sahel, Dr Peter Pham, sur la BBC. Sur la chaîne publique britannique, le diplomate américain déclare ceci : « Nous (USA) devons travailler avec nos amis africains pour développer des talents locaux pour la stabilité au lieu de suivre tout ce que la France dit étant donné qu’ils peuvent ne pas avoir raison ». Il est clair que l’Amérique commence à douter de la fiabilité de son allié et ne semble plus disposée à lui donner carte blanche sur le dossier Sahel.
Cette déclaration du diplomate américain sonne comme en écho à une récente exhortation du chef de la diplomatie malienne à l’adresse des États-Unis. Dans une interview accordée au quotidien national (L’Essor du 20 décembre 2021), Abdoulaye Diop invitait les Américains à ne pas se contenter des avis de leur allié français sur le dossier Sahel. « Nous voulons que l’Amérique soit davantage présente. Qu’elle puisse avoir la lecture de la situation par elle-même parce que c’est une grande puissance qui a les moyens de comprendre les problèmes par elle-même et qui bénéficie aussi d’un élan de sympathie auprès des populations africaines », exhortait-il. Convergence dans l’analyse.
B. Touré
Source: Le Démocrate