Le parti du premier Président démocratiquement élu de la 3ème République aurait ainsi fait preuve de courage, voire d’audace politique. Mais ce n’est qu’à première vue. Pour les observateurs de la scène politique, ce grand rendez-vous allait être un moment privilégié de débats autour des acquis, des faiblesses et insuffisances ainsi que des perspectives de la construction de l’Etat démocratique. Il devait être aussi et surtout un moment de se dire franchement toutes les vérités et de situer les responsabilités. II n’en a rien été. De cette rencontre organisée par le parti qui a exercé et/ ou accompagné tous les pouvoirs durant ces trente dernières années, le peuple bafoué dans sa dignité et humilié aurait bien aimé savoir comment notre pays, l’élève modèle d’hier est devenu le dernier de la classe, a perdu sa souveraineté et a vu sa dignité bafouée. II n’en a rien été.
A titre de rappel, les Maliens ont encore en mémoire les propos ahurissants de Dioncounda Traoré, alors président de l’ADEMA /PASJ, que les militants comparaient à l’ANC de Nelson Mandela, propos tenus en 2007 sur le choix d’un candidat interne du parti à l’élection du Président de la République. Son argument-massue était qu’en choisissant un candidat autre qu’ATT, le parti risquait de passer sous les fourches caudines de la répression des crimes d’enrichissement illicite et de corruption. Le peuple malien aurait voulu comprendre pourquoi après 30 ans de » gestion démocratique » l’image qu’a reflétée notre pays a été celle d’un Etat effondré sans aucune autorité, une armée en profonde décrépitude morale et matérielle, un système éducatif complètement déstructuré, une jeunesse sans repères et à l’horizon bouché.
Au lieu de cela, les Maliens, médusés, ont assisté à une malencontreuse tentative de réécriture et de falsification de l’histoire politique et militaire de notre pays. Le tout sur fond d’intentions inavouées de déstabiliser et jeter le discrédit sur les autorités de la Transition, singulièrement sur le Premier ministre et le Président de la Transition.
En effet, face à l’aveuglement de la classe politique dirigeante qui n’arrivait plus à se mettre en question et semblait totalement déconnectée des aspirations du peuple et de la prise en compte de ses besoins élémentaires, les forces vives de la nation étaient désemparées. Aucun démocrate ne saurait se réjouir de la rupture de la légalité constitutionnelle mais la situation sociopolitique s’était si fortement dégradée que le pronunciamiento du 18 août 2020 a été accueilli comme un soulagement par l’immense majorité de nos concitoyens. Les panelistes ont tour à tour appelé à l’unité du Mouvement pour sortir le mamouth de sa catalepsie. Au moment où le peuple aspire ardemment à la paix, à la concorde, à la réconciliation des cœurs et des esprits, le vétéran Ali Nouhoum Diallo sonne la charge: « Camarades, unissez-vous! Vous ne devez pas vous considérer comme des anciens combattants; vous êtes des combattants et au travail !». Ils appellent à reprendre la lutte contre qui, quel adversaire ou plutôt quel ennemi ? Quand comprendront-ils que leur mouvement a achevé sa mission historique? Les Maliens, dans leur écrasante majorité, ont déjà compris ce qui s’est réellement et véritablement passé le 26 mars 1991; comment, pour le compte et dans l’intérêt de qui les choses se sont passées.
D’autres comme Oumar Mariko et Soumana Sako, pour ne pas les nommer, n’ont pas pu s’empêcher d’entonner leur antienne habituelle contre Moussa Traoré et les FAMa : l’injure et la haine à la bouche, comme d’habitude.
Oumar Mariko crée le doute à propos de la raclée infligée aux terroristes à Mourah par les vaillantes FAMa en fin mars 2022. Il devient du coup le défenseur et l’allié objectif des mouvements terroristes et des puissances étrangères qui travaillent à discréditer les Forces de défense et de sécurité du Mali. Nous lui souhaitons bon vent dans sa fuite peu glorieuse du 2 avril 2020, pardon dans la nouvelle mission qu’il s’est donnée en tant » qu’acteur majeur du Mouvement démocratique de 1991″. Il est d’ailleurs un abonné assidu aux fuites peu glorieuses chaque fois que » ça chauffe « ; il n’est pas à sa première fuite. Déjà en 1997, du temps du Coppo, il avait fui le Mali pendant un an au motif que le régime ADEMA/ PASJ voulait l’assassiner. En juillet 2020, pendant les journées chaudes des 10, 11, 12 juillet, il avait fui pendant plusieurs jours, avant de réapparaitre pour chercher à jouer à la vedette au M5-RFP.
Quant à Soumana Sako alias Zou, cet atypique bourré de contradictions et de complexes, il tente de semer la confusion dans l’esprit de la jeune génération. Absent du Mali le temps des journées chaudes de l’insurrection de 1991 et ne militant dans aucune association de la » coordination des associations et organisations du Mouvement démocratique de 1991″, il a été bombardé Premier ministre, Chef du gouvernement de Transition de 1991 à 1992. Il affirme que sous Moussa Traoré « il n’y avait pas d’Etat» alors que c’est précisément avec le Président Moussa Traoré qu’il a gravi à la vitesse du TGV tous les échelons de l’administration publique. Celui qui s’était autoproclamé ennemi public n°1 du régime militaire ne doit sa notoriété qu’à son passage éphémère dans un gouvernement de Moussa Traoré comme ministre des Finances. Nous reviendrons dans un proche avenir, si Soumana Sako en convient, sur la face cachée du mythe « Zou bon ministre des Finances ». Quand les auteurs du livre « Le Mali sous Moussa Traoré » le lui ont fait remarquer gentiment, voilà ce qu’il a répondu : « J’ai servi sous le régime du Président Moussa Traoré. Je ne regrette en rien d’avoir occupé ces postes et si cela avait été à refaire, je l’eusse fait en posant les mêmes conditions que celles posées au ministre d’Etat et au Président ».
Notez bien: Le ministre des Finances Soumana Sako aurait posé les mêmes conditions au ministre d’Etat et au président du gouvernement d’un Etat qui n’existe pas. Qu’est-ce qu’il faut comprendre?
Soumana Sako clame aussi que sous Moussa « il n’y avait pas d’armée ». II se permet même cette énormité à propos du conflit frontalier avec le Burkina Faso de 1985: « Ne vous laissez pas dire que l’armée malienne a gagné la guerre ».
Dans les vieilles démocraties, l’auteur d’un tel propos aurait pu connaitre la déchéance de nationalité. Les jeunes auxquels Zou s’adresse n’ont aucune raison de se sentir humiliés, la troupe est loin d’avoir perdu la guerre de la bande de l’Agacher. La puissance de feu de l’armée malienne à ce moment était de loin nettement supérieure à celle du Burkina Faso.
Le Mali victorieux n’a fait aucun tapage médiatique triomphal parce qu’il était profondément meurtri d’avoir été contraint de faire la guerre à un pays frère et ami pour un litige créé par la colonisation. Voici ce qui s’est passé:
Un premier affrontement avait opposé les deux armées en 1974. Il a duré deux jours et avait été remporté par le Mali, ce que reconnait Soumana Sako.
Les deux Etats ont accepté de porter le litige devant la Cour Internationale de Justice (CJ) à la Haye en 1983. Entretemps, le pouvoir a changé à Ouagadougou. La Haute Volta devient le Burkina Faso, dirigé par un Conseil National de la Révolution (CNR), avec à sa tête un certain Capitaine Thomas Sankara. Sans attendre l’issue du procès, Sankara fait occuper la zone et envoie des agents de recensement avec escorte militaire dans les 4 villages: Dioulouna, Douma, Kounia et Oukoulourou. Le Président Moussa Traoré alerte les autres chefs d’Etat de la CEAO qui demandent à Sankara de se retirer de la zone litigieuse en attendant le verdict de la CIJ. En vain. De guerre lasse et à son corps défendant, le Président Moussa Traoré fixe un ultimatum. A son expiration, il ouvre les hostilités. Le 25 décembre 1985, à 00h, plus de 150 chars franchissent la frontière, appuyés par une escadrille d’une vingtaine d’avions de chasse Mig 21 et Mig 23. L’offensive dure 5 jours. Le 30 décembre, est signé à Yamoussoukro un accord de cessez-le-feu au moment où l’armée malienne était entrée en profondeur dans le territoire burkinabé, Djibo et Ouahigouya avaient été bombardées, Bobo-Dioulasso pris en tenailles et les aéronefs étaient en ordre de bataille pour lancer l’assaut sur Ouagadougou.
L’armée malienne ne se retirera définitivement des zones contestées que le 17 janvier 1986. Le litige sera définitivement tranché le 22 décembre 1986 par la CIJ. Le Mali garde les 4 villages querellés. Est-cela avoir perdu la guerre ? Un peu de retenue et moralité, Monsieur Zou!
Pour soutenir son argumentation, Zou fait allusion au livre de Moussa Balla Coulibaly: Mali-La Nation trahie. L’ayant lu peut être en diagonale, il a dû retenir le passage suivant: « Dans sa fuite, le commandant de l’unité n’a même pas eu l’idée de détruire le matériel qu’il abandonnait. »
Cette phrase renvoie à l’affaire du char exhibé à Ouagadougou comme trophée de guerre. Beaucoup, tels Oumar Mariko et son maître à penser, Aly Nouhoum Diallo, reviennent souvent dans les débats politiques sur cet épisode comme pour justifier la supposée défaite de l’armée malienne, dont ils semblent se réjouir. Zou fait également allusion à la sanction infligée au CEM-GA et fait tenir par Bouillé Siby, membre du BEC de l’UDPM, des propos désobligeants.
Pour le général d’Armée Moussa Traoré, en période de guerre, il y a des fautes qu’on ne pardonne pas et pour qui connait Bouillé Siby, un homme sage et pondéré, respectueux de l’ainé et de l’autorité, il ne s’adresserait jamais de façon irrévérencieuse au Président. Du reste quelqu’un qui commet une faute en temps de guerre doit-il être absous parce qu’il a une progéniture ?
Cette affaire du char exhibé comme trophée de guerre sur l’aéroport de Ouagadougou possède un rapport avec la sanction infligée au général Bougari Sangaré. Cela fera l’objet d’une publication ultérieure, toujours avec l’intention d’édifier notre jeunesse sur un pan de notre histoire nationale, falsifiée à dessein par » les auteurs du Mouvement démocratique » en mal de bilan. Soumana Sako a la phobie voire la haine du militaire et il ne rate aucune occasion de l’afficher. Et pourtant c’est un militaire (Moussa Traoré) qui l’a nommé ministre et il a accepté volontiers, c’est un autre militaire (ATT) qui l’a bombardé Premier ministre et il l’a accepté. Quelle duplicité!!! En tout état de cause, l‘honnêteté intellectuelle devrait lui commander de reconnaitre qu’à l’époque de Moussa Traoré, l’armée malienne faisait partie des plus performantes de la sous-région. Mais passons. La descente aux enfers de la troupe a commencé avec son arrivée aux affaires. C’est lui l’instigateur du démantèlement de l’Escadron blindé. Nous y reviendrons si nécessaire.
Bref, il est temps, grand temps de tourner la page et de se pencher sur le devenir du Mali. Notre pays est aujourd’hui à la croisée des chemins. Pour surmonter l’impasse, il faut le nécessaire sursaut national et l’éveil des consciences. Toutes choses qui passent par la dissipation des rancœurs et des rancunes. Malheureusement, dans notre pays, il ya une catégorie de Maliennes et Maliens qui ont labélisé la démocratie. Ils se sont autoproclamés » acteurs du Mouvement démocratique » ou » Démocrates et patriotes sincères convaincus ». Ils considèrent les autres Maliens comme des citoyens de seconde zone. Tout ce qui se fait au Mali sans eux, sans leur accord, sans leur participation active, est illégal, illégitime et contre nature. Ils s’organisent en conséquence pour le discréditer et le déstabiliser. C’est ce qu’ils font aujourd’hui malicieusement avec les autorités de la Transition. Mais ils échoueront lamentablement, Incha’Allah, le Peuple malien ayant compris leur jeu. Ce dont le Mali a besoin aujourd’hui, ce qu’il attend de ses enfants, c’est la création d’un vaste Mouvement ou Front patriotique qui met en commun nos énergies et nos intelligences en laissant à chacun la liberté d’exprimer ses spécificités et son identité tout en constituant un bloc compact autour de ce qui est fondamental à savoir notre volonté partagée de bâtir un Etat libre, indépendant, souverain, un et indivisible, un Mali nouveau le Mali Kura.
Par Moussa Diakité, Enseignant à la retraite