Le Pélican : Bonjour mon colonel !
Col major Néma Sagara : Bonjour Messieurs les journalistes !
Vous êtes à la tête du secrétariat permanant de la lutte contre la prolifération des armes légères et de petits calibres depuis deux ans : Quelles sont les prérogatives allouées à votre structure et comment elle fonctionne ?
Nous, nous avons pour mission de sensibiliser les populations et de faire les collectes d’armes sans les stocker, puisqu’elles sont stockées à un autre niveau par des gestionnaires des magasins pour que les armes ne repartent pas dans les zones de crime. Donc, pour cela nous sommes d’abord sous tutelle du ministère de la Sécurité intérieure et de la Protection civile. Il y a le secrétariat permanant qui est nouvellement créé sinon, c’était la commission avec un président mais comme nous sommes affiliés au ministère de la Sécurité, c’est le ministre de la Sécurité qui est le président.
Nous, nous constituons le secrétariat permanant. Maintenant, la commission est constituée des membres de la société civile qui sont au nombre de cinq(5) et des représentants des départements ministériels dont 18 représentants de ces ministères et le secrétariat permanant qui est constitué de secrétaires permanents de sa cellule d’appui , des membres de bureau locaux, régionaux. On a un bureau au niveau du District qui est l’équipe d’appui. Nous sommes représentés dans toutes les communes de Bamako, nous avons un représentant au niveau du gouvernorat. Dans les régions, nous avons deux représentations à Tombouctou et à Gao. Nous sommes en train de fournir les autres régions et leurs chefs-lieux. Donc, avec toutes ces composantes, nous procédons à la sensibilisation de la population malienne sur le danger de la fréquence des armes dans la circulation. Comme vous le savez, depuis les rebellions, il y a des armes qui sont sorties des magasins, pendant les mutineries aussi et ces armes ne sont plus rentrées.
Avec le problème de la Lybie aussi, il y a eu beaucoup d’armes qui sont rentrées au Mali. Après l’assassinat de Kadhafi, la Lybie a été un magasin de stocks à ciel ouvert où tout le monde est parti s’en servir. On s’occupe de tout ça avec l’aide de la population, il y a d’autres organisions de la société civile avec lesquelles nous travaillons, des groupes de femmes, des jeunes. Comme vous le savez, il y a beaucoup d’armes dans les écoles et quand on parle d’armes, il y a les armes blanches aussi. Il y a une prolifération terrible des armes appelées ‘’ Suisse’’, de ces petites armes qui tuent. C’est ce qui nous oblige à travailler avec les jeunes pour qu’ils comprennent qu’il n’y a pas une nécessité pour qu’ils soient toujours armés ou les pistolets de fabrication artisanale avec lesquelles, il y a les braquages à mains armées. Personne n’est à l’abri de ces braquages. Lors des sensibilisations, nous faisons tout pour que tout le monde s’y implique, surtout les femmes.
Y’a-t-il, mon Col, d’autres structures transversales ou complémentaires dans la lutte contre la prolifération des armes légères et de petits calibres ?
Comme nous nous n’avons pas un rôle de répression donc, on est obligé de passer par les autres corps comme la police, la gendarmerie. Dans les régions aussi, même les militaires sont impliqués dedans. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué pendant les patrouilles, souvent, il y a des récupérations d’armes, les douaniers aussi dans les frontières récupèrent souvent des armes, c’est comme une goutte d’eau dans le fleuve. Il y a beaucoup d’armes qui entrent par tous les moyens. Elles entrent dans les sacs de céréales, il y a aussi une autre façon de les faire venir par pièces qui une fois au complet, ils la montent puis, ils s’en servent. Aussi dans les capots des véhicules, sous les motos avec leurs munitions, bien sûr, tout ce que vous pouvez imaginer. Ce n’est pas facile, c’est pour quoi on est obligé de passer par la population qui, quand elle veut ou est très avertie, peut donner des informations insoupçonnées.
Mon colonel, l’actualité oblige, notre pays est confronté à une insécurité endémique sans précédent notamment dans les régions du nord et du centre, dites-nous ce que votre structure est en train de faire exactement afin que ces zones endémiques puissent être débarrassées de ces armes létales?
Bon (sourire !!!), on fait ce qu’on peut avec de petits moyens. Je dis de petits moyens, j’insiste parce qu’on n’a pas les moyens de nos missions. Mais on est obligé avec tout ce que nous avons comme armes sur le terrain aujourd’hui. Comme j’ai l’habitude de dire, les armes et les munitions qui sont sur le terrain aujourd’hui, on ne peut pas vous dire combien c’est.
Y a-t-il un inventaire de ces armes ?
Il n’y a pas un inventaire possible. Ça ne peut pas se faire parce que ça existe partout. Je me demande aujourd’hui, si la quantité d’armes qu’on a ici se trouve même en Lybie. Il y a même des fabricants artisanales qui font ça légalement. Avec ces fabricants, il y a de petits soucis, mais on arrive maintenant à les canaliser. Parce qu’ils sont tous enregistrés, il y a un registre de fabricants d’armes et il y en a un de leurs membres qui travaille avec nous, parce qu’il est fonctionnaire de l’état, il fait partie de l’équipe d’appui. Il procède toujours à des entretiens, des rencontres, il forme en même temps ces fabricants traditionnels d’armes.
Cette fabrication traditionnelle d’armes ne peut pas être interdite car, ça fait partie de notre culture. Une arme fait partie de l’attribut des hommes. Tous les hommes possèdent depuis la nuit des temps une arme. Mais c’est un outil de chasse. On peut réglementer et c’est ce qui est en train de se faire. On est en train de procéder à la relecture de la loi portant sur la vente, la possession des armes et leurs fabrications. Donc, on arrive tout doucement à convaincre ces fabricants d’armes, eux-mêmes, ils nous aident dans la lutte contre la prolifération des armes légères, on ne peut pas interdire leur fabrication artisanale, c’est impossible. On n’a pas d’usines d’armements industriels ici. Mais, ce sont ces armes-là qui pullulent chez nous, il y en a certes qui sont artisanales. Nos artisans ne fabriquent pas d’armes de guerre mais, ils peuvent le faire mais ils ne doivent pas le faire.
Avez-vous, mon Col, des ressources compétentes ?
Bien sûr, c’est pourquoi, malgré tout on arrive à travailler. Ce n’est pas la compétence qui manque. Toutefois, tout ce qu’on est en train de faire pour la paix, ça ne peut pas aller loin, si on ne met pas cette structure (Secrétariat Permanent de Lutte contre les Armes Légères et Petits Calibres) en avant parce que tant qu’il y a les armes qui se promènent dans la population, c’est très difficile d’établir la paix.
Avez-vous des difficultés sur le terrain ? Les populations adhèrent-elles vraiment à votre combat ?
Bon, on a fait notre plan d’action ! Mais avant de le faire, on avait un autre dont on a fait l’évaluation à mi-parcours par notre consultant. Par des enquêtes, l’état des lieux, des entretiens avec les populations, on a pu avoir leurs opinions sur la collecte volontaire des armes. Les gens veulent se défaire des armes mais il y en a parmi eux qui sont dans le doute. Pourquoi ? Parce qu’il y a certains endroits où l’état n’existe pas et la population s’approvisionne en armes pour leur sécurité. Ils sont sceptiques parc qu’ils se disent qu’en rendant les armes qui va les protéger. Mais ils sont conscients que la possession d’armes à la maison, c’est dangereux, ce n’est pas nécessaire de les garder si ce n’est pas pour se protéger. Il y en a qui veulent les déposer en échange contre un projet générateur de revenus parce qu’ils se servent de ces armes pour attaquer et déposséder les gens de leurs biens pour se nourrir. Les armes sont entrées dans des milieux où ça n’existait pas avant, je parle des armes de guerre.
Votre dernier mot à l’endroit des populations maliennes ?
J’ai l’habitude de le dire aux gens, quand on sort à Bamako aujourd’hui, on regarde deux ou trois véhicules, dans le troisième véhicule, on voit des gens qui ne sont pas des maliens. Aujourd’hui, nous avons toutes sortes de nationalité au Mali. Pourtant, ces étrangers sont épanouis et les maliens souffrent. Donc, pourquoi les maliens doivent accepter de s’asseoir, alors que les gens qui viennent chez nous, eux, ils sont à l’aise et nous-mêmes nous souffrons.
C’est nous qui sommes en train de mourir, si nous ne travaillons pas pour nous-mêmes que l’on se dise que ces gens ne vont pas nous aider. Mais, nous vivons nous-mêmes dans la prolifération des armes, est ce qu’on a encore besoin de nous dire que l’on doit se lever, se donner la main, donner les informations à ceux qui peuvent aider à enlever ces armes des mains de la population. Nous n’avons pas besoin de demander à qui de droit de fournir les moyens pour que l’on puisse se débarrasser de ces armes-là pour qu’il y ait la paix. Pourquoi les maliens ne font pas ça, pourquoi les gens veulent ignorer qu’on a des problèmes et que l’on souffre pendant que d’autres viennent s’épanouir chez nous.
On est enfermé dans un esprit d’esclave. C’est vrai, on a le bon ‘’Jatiguiya’’ chez nous mais, on ne peut pas aimer quelqu’un plus que soi-même. Que les gens se lèvent, le Mali n’était pas comme cela ! Où bien, si on s’accorde à accepter d’être esclave des autres, cela aussi est une décision. Sinon, que l’on se lève pour lutter contre ce fléau-là (la prolifération des armes), que l’on nettoie notre territoire, c’est-à-dire, se débarrasser de ces armes par tous les moyens, je dis bien tous les moyens. Mais hélas, des maliens sont complices du phénomène de prolifération des armes. Parce que moi, je ne peux pas entrer chez vous avec ce que j’ai, si je n’ai pas votre complicité. Mon appel est qu’on se lève, qu’on se batte pour notre sécurité parce que l’on ne doit pas s’attendre à ce que les autres le fassent pour nous. On ne peut pas sous-traiter sa sécurité, c’est faux ! Celui à qui vous allez confier votre sécurité, mais s’il sait ce que vous avez chez vous, il ne va pas vous aider à garder ce que vous avez parce qu’il est là pour s’enrichir.
Nous vous remercions !
Interview réalisée par Gaoussou Madani Traoré et Moussa Diarra
Source:le Pelican