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CITE ADMINISTRATIVE : scandale autour du réseau multi services

Le Gouvernement, à travers le ministère de l’Équipement et des transports, après avoir conclu, en 2006, un marché portant sur la fourniture d’un Réseau Multi-Services (RMS) à la Cité administrative avec Ytelcom, pour un montant de 7 317 393 968 FCFA XOF,  a décidé unilatéralement, en 2009, de son « ajournement » avant de le réattribuer à CFAO Technologie et CB Networks en usant d’exutoires qui ont été battus en brèche par le Comité de règlement des différends.

CITE ADMINISTRATIVE MINISTERIELLE BAMAKO MALI

C’est à l’issue d’un processus enclenché depuis 2003 que la société Ytelcom Engineering a décroché le marché de l’installation d’un Réseau multiservice qui désigne (selon les termes du marché) l’infrastructure de télécommunication, informatique, vidéo, et sécurité à la Cité administrative (l’ensemble de la Primature, 12 ministères et le bâtiment des services communs). Concrètement, il s’agissait pour le Fournisseur (Ytelcom) de fournir, installer et mettre en service un Réseau Multi-Services (téléphonie, informatique, vidéo et sécurité) à la Cité administrative de Bamako, et en conséquence de livrer les matériels et à effectuer les prestations dont la formation du personnel technique d’exploitation.

Par la correspondance N°0001/MET-BPCCA, du 4 janvier 2006, le Chef du Bureau du Projet de la Cité administrative signifiait au Directeur général de la société Ytelcom : « Les propositions techniques et les offres que vous avez bien voulu présenter ont reçu un avis favorable des différents services techniques intéressés… »

 

Le marché conclu

Le marché était découpé en deux sous-systèmes complémentaires.

D’une part, le sous-système Etude et infrastructures était composé de 4 lots. Le lot N°1 portait sur : la desserte interne téléphonie et informatique correspondant au câblage voix et données à l’intérieur de chaque bâtiment ; le lot N°2 était relatif à l’interconnexion fibre optique, correspondant au câblage du Réseau Multi-Services entre les bâtiments de la Cité administrative de Bamako ; le lot N°6 couvrait la sécurité des bâtiments, correspondant à la fourniture, l’installation et la mise en service des systèmes de sécurité (détection incendie, contrôle d’accès, vidéosurveillance, antiintrusion de chaque bâtiment) ; le lot N°8A portait sur les études d’ingénierie, correspondant à la définition technique détaillée de chaque lot technique jusqu’à la Revue de définition qui désigne la réunion entre le Fournisseur (Ytelcom) et l’Acheteur (le ministère de l’Équipement) permettant de finaliser l’ingénierie détaillée et la composition de fourniture (Matériels et Prestation) de chaque lot et de lancer les approvisionnements dudit lot.

D’autre part, le sous-système Equipement correspond à la fourniture des matériels de télécommunication, informatique et vidéo ainsi qu’à la réalisation des prestations associées. Il est divisé en 12 lots : le lot N°3 concernait la téléphonie, les commutateurs téléphoniques ; le lot N°4 portait sur le réseau informatique (matériel de réseau Ethernet) ; le lot N°5, sur la vidéosurveillance ;  le lot N°7 sur les services informatiques (plateformes de service pour la messagerie électronique, la sécurité informatique, la gestion du réseau local) ; le lot N°8B, sur la direction et le suivi de projet : management et coordination globale de l’ensemble des activités du projet (ingénierie, réalisation de l’infrastructure, fourniture, installation et mise en service d’un Réseau Multi-Services) ; le lot N°9, sur l’assistance technique ; le lot N°10, sur les formations ; le lot N°11, sur la vidéo distribution (système de réception, de gestion et de diffusion de chaînes vidéo dans les différents bâtiments de la Cité administrative de Bamako ; le lot N°12, sur la traduction simultanée ; le lot N°13, sur la régie vidéo de postdistribution (système de prise et traitement d’images vidéo) ; le lot N°14, sur les liaisons radio (liaisons de transmission cryptées par faisceaux hertziens pour relier la Cité administrative à la Présidence de la république, le ministère de l’Intérieur, le ministère de la Défense et le ministère de la Sécurité intérieure et de protection civile.

Le coût du marché était de 7 317 393 968 FCFA et financé par le budget de l’État sur les Exercices 2006, 2007 et 2008.

Abus de pouvoir

Pendant que le marché était en cours d’exécution, le ministère de l’Équipement, par une correspondance adressée au Fournisseur, a demandé un « ajournement » qui, pour celui-ci, au regard de l’article 99 de l’Arrêté N°1970/MEF-SG du 6 août 2009, correspond à « une suspension temporaire ».

Un nouvel Appel d’offres ouvert national N°0021/MET-SG du 19 mai 2010 relatif à l’achèvement de la mise en œuvre du Réseau multiservice pour la Cité administrative de Bamako a été lancé. Et c’est CFAO Technologie qui a été l’attributaire de ce nouveau marché à la stupéfaction générale. Ce, alors que Cimalcom avait déjà investi dans le projet plus de 4 milliards FCFA ;

Outre le fait que CFAO, dans notre pays, ne traine que la réputation de concessionnaire de véhicules et qu’elle n’était pas la moins disante (5 milliards contre une offre de 4 milliards FCFA), l’ensemble des soumissionnaires ont fait le constat troublant d’une procédure d’attribution totalement opaque. Les différentes lettres de réclamations adressées au ministre de l’Équipement et des transports d’alors, Ahmed Diane SEMEGA, en font largement foi.

En ce qui est de la société Cimalcom (anciennement Ytelcom), les griefs retenus contre elles par le département de l’Équipement pour justifier son exclusion du marché étaient les suivants : « Validité de la garantie d’offres de Cimalcom est quatre-vingt-dix (90) jours. Ce qui est inférieur au délai de validité de cent vingt (120) jours demandé dans le Dossier d’Appel d’Offres ; inexistence de bordereau des prix unitaires dans l’offre de Cimalcom ; lettre du représentant agréé du fabricant d’équipements fournie est adressée à la société EBT (Ets Baboye THIAM) ».

Les arguments de Cimalcom

Face à de tels alibis, la société Cimalcom a saisi l’Autorité de régulation des Marchés publics et des délégations de service public par une correspondance en date du 28 octobre 2010 et dans laquelle, elle soulève tous les tripatouillages et violations flagrantes du ministère de l’Équipement.

Elle a en effet souligné : « La société Cimalcom a soumissionné et répondu à l’Appel d’Offres cité en objet (dossier déposé conformément aux exigences de l’AO). Aucun élément concernant l’avancement du dossier n’ayant été fourni durant la période d’analyse des dossiers et le terme des trois mois prévus à cet effet étant proche de l’échéance, nous avons fait parvenir un courrier, en date du 14 septembre 2010, au ministère de l’Équipement et des transports afin de pouvoir connaître l’état d’avancement du dossier. Nous avons reçu pour réponse 2 courriers de demande de prorogation, l’un en date du 17 septembre, et l’autre du 1er octobre. Nous avons répondu le 27 septembre 2010. En l’absence de nouvelles informations, nous avons, une nouvelle fois, adressé un courrier le 22 octobre au ministre de l’Équipement et des transports. En réponse, le Secrétaire général du ministre de l’Équipement et des transports nous informe le 27 octobre que l’offre Cimalcom n’a pas été retenue pour les raisons suivantes : délai de validité de la garantie de l’offre inférieure aux 120 jours demandés ; inexistence de bordereau des prix unitaires ; lettre des fabricants d’équipements non conforme à la demande. Aussi, nous nous permettons de porter à votre connaissance notre total désaccord sur les causes du rejet pour les raisons suivantes : le document de caution remis est la copie conforme du document proposé dans l’appel d’offres, document qui fait état d’une caution de 90 jours valables 30 jours au-delà de la fin de validité des offres, soit un total de 120 jours ; les bordereaux de prix sont la copie conforme des documents de l’appel d’offres. Par ailleurs l’article 12-1 de l’AO indique que le soumissionnaire indiquera sur le bordereau des prix appropriés, les prix unitaires (le cas échéant)… Ce que nous avons fait. Enfin, la lettre du fabricant d’équipements Alcatel Lucent indique clairement que leur distributeur sur le Mali est la société EBT et que nous devons nous rapprocher de cette société pour ce projet ».

Violations flagrantes

L’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public, par sa Décision N°10-036/ARMDS du 12 novembre 2010, a conclu : « Déclare le recours de la société Cimalcom recevable, constate que l’Autorité contractante a violé les principes de l’égalité de traitement des candidats et de la transparence des procédures de passation des marchés publics édictées à l’article 3.1 du Décret N°08-485/P-RM du 11 août 2008 ; en conséquence, annule la procédure d’Appel d’Offres querellée et ordonne sa reprise conformément à la règlementation en vigueur ; dit que le Secrétaire exécutif est chargé de notifier à la société Cimalcom, au ministère de l’Équipement et des transports et à la Direction générale des marchés publics et des délégations de service public la présente décision qui sera publiée ».

Suite à cette décision, sans équivoques, le ministre de l’Économie et des finances d’alors, Lassine BOUARE, a rapidement pris la pleine mesure et a entrepris de rectifier le tir en ce qui le concerne.

Dans la lettre circulaire N°03812/MEF-SG, du 22 novembre 2010, il rappelait : « Il m’a été donné de constater que certains dispositifs mis en place par la nouvelle règlementation des marchés publics en vue d’améliorer la transparence et l’efficience des procédures de passation des marchés publics connaissent des difficultés dans leur mise en œuvre par les acheteurs publics. Parmi ces dispositifs, on peut noter l’obligation pour l’autorité contractante d’informer les soumissionnaires de l’issue d’un appel d’offres prescrite par l’article 70 du Décret N°08-485/P-RM du 11 août 2008 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public. Je vous rappelle que l’information des soumissionnaires du résultat de l’évaluation des offres doit intervenir dès la réception de l’avis de non-objection de la Direction générale des marchés publics et des délégations de service public concernant l’attribution du marché pour les différents financements sur budget national. Par ailleurs, il convient de noter que sur demande écrite d’un soumissionnaire non retenu, l’autorité contractante est tenue de lui communiquer par écrit les motifs de son élimination dans un délai de cinq (5) jours ouvrables, à compter de la réception de la demande écrite ».

Instrumentalisation de la justice

Curieusement, alors que le ministre de l’Économie se rangeait sagement, son homologue de l’Équipement et des transports, M. SEMEGA, décidait d’enfoncer le clou de sa logique de déprédation des biens publics en attaquant la décision de l’Autorité de régulation en faveur de Cimalcom devant la justice.

Sans surprise aucune, la Section administrative de la Cour suprême a annulé la Décision de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public, confortant par la même occasion le ministère de l’Équipement dans sa décision de tripatouillage des textes en vigueur.

Les arguments développés par l’Autorité de régulation des marchés publics, le ralliement à la décision de cette autorité d’un autre département hautement plus qualifié en la matière, à savoir le ministère de l’Économie et des finances ne sont pas arrivés à bout de la détermination de ce ministre qui s’est illustré sur tous les sombres tableaux de ces dernières années.

Ce qui saute aux yeux dans le cas d’espèce, c’est une instrumentalisation de la justice de notre pays par un ministre de la république, en l’occurrence Ahmed Diane SEMEGA, qui parlait et agissait pour des intérêts tout à fait étrangers à ceux de l’État malien. Et pour cause, le dévolu jeté, en catimini, sur CFAO Technologie pour l’exécution de ce marché d’achèvement de la mise en œuvre du Réseau Multi-Services de la Cité administrative, était tout sauf désintéressé.

Nonobstant la parodie de justice qui visait juste à servir les intérêts d’un clan, la société Cimalcom, qui ne s’avoue pas vaincue, a décidé de revenir à la charge pour le triomphe de la vérité.

Ce pour quoi, le ministre de la Justice, garde des sceaux est particulièrement interpellé.

Affaire à suivre.

Par Bertin DAKOUO

Source: Info-Matin

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