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Cinéma malien : NÉCESSITÉ D’UNE APPROCHE PLUS POSITIVE

Comment peut-on définir aujourd’hui le cinéma malien sachant que nos cinéastes réalisent des films alors qu’il n’y a pas de salles pour les montrer au public ? M’a demandé un fidèle lecteur de notre journal qui se souvient d’un de mes articles publiés il y a trois décennies et qui caractérisait le cinéma malien de nain à grosse tête. « Autant le développement de sa structure cérébrale est remarquable, autant l’atrophie de ses membres l’empêche d’atteindre des sommets au-delà des résultats obtenus dans de grands festivals africains et internationaux », écrivions-nous dans cet article.

Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous le pont, entraînant le ravinement, synonyme de graves dommages dans le fonctionnement du cinéma malien. La barre avait été placée bien haut par nos vaillants cinéastes pionniers. Jugez-en par vous-même ! Les salles de cinéma florissaient partout dans le pays, permettant aux Maliens de voir les belles œuvres de leurs réalisateurs. Une nouvelle vague de cinéastes, des jeunes pleins d’ambition, recrutés et formés à la technique cinématographique, commençait à prouver que la valeur n’attend point le nombre des années. Des Etalons couronnaient les têtes de nos cinéastes, allant jusqu’à titiller la Palme d’Or du Festival de Cannes (Yeelen, de Souleymane Cissé a obtenu le Prix du Jury en 1987). L’on voyait donc l’avenir tout en rose, même si les autorités de tutelle ne suivaient pas le rythme.
Nous étions loin d’imaginer que la chute allait être brutale. Les salles de cinéma ont toutes fermé leurs portes. Plus d’Etalon depuis 1995, date de la dernière consécration malienne avec le film Guimba de Cheick Oumar Sissoko (suite aux couronnements de Souleymane Cissé avec Baara en 1979 et Finye en 1983). Aussi, le financement des films, marqué par une grande dépendance à la contribution extérieure, le plus souvent européenne, rend la tâche ardue. Ce qui a amené de jeunes cinéastes à constater une régression dans l’octroi des fonds européens ; une situation qu’un responsable européen a mis sur le compte d’une hausse de la demande de financement.
Le cinéma est un art, mais aussi une industrie qui repose sur quatre branches que sont la production (ou financement), la réalisation, la distribution et l’exploitation. Ces quatre branches connaissent une liaison dialectique qui fait que l’une survit difficilement aux trois autres. La réalité malienne, voire africaine, fait que les secteurs de la production, de la distribution et de l’exploitation sont inopérants, ce qui influe négativement sur tout le travail des cinéastes. À défaut de structure efficace de distribution, ils se voyaient dans l’obligation de parcourir le continent avec leurs films sous le bras. Maintenant qu’il n’y a même plus de salle de cinéma à qui proposer leurs œuvres, ils se contentent de participations aux festivals et à des projections privées. Actuellement, la seule issue qui s’offre pour atteindre le public auquel le film est dédié est le recours aux chaînes de télévision. Mais, les recettes engendrées par les accords avec la télévision sont si infimes qu’ils n’autorisent pas à l’optimisme pour des films réalisés à coût de centaines de millions, voire des milliards.
Le cinéma malien, voire africain, tente la survie, loin de sa vocation industrielle, en dehors de quelques îlots comme le Nigeria et l’Egypte. L’Afrique, à travers l’Union africaine entend créer un fonds d’aide au cinéma. Également, l’Etat malien a mis en place un fonds de 6 milliards Fcfa principalement pour le financement de la réalisation de films.
Tout se passe comme si une analyse, même la plus sommaire, n’a pas été entreprise à tous ces niveaux pour souligner une réalité. À quoi bon faire des films qui ne peuvent être vus par les concitoyens, leur destination première. Lorsque l’on veut composer un attelage, on doit savoir qu’il faut mettre ensemble le bœuf et la charrue, l’un ne pouvant aller sans l’autre. À moins que ce ne soit pour le prestige de se voir couronner de lauriers aux festivals et autres rencontres cinématographiques.
C’est une bonne initiative de créer des fonds d’aide à la réalisation cinématographique. Mais, par la même occasion, l’Etat, s’il ne le fait pas lui-même, doit encourager les initiatives privées à ouvrir des salles de cinéma, surtout dans les quartiers populaires, afin que le film malien parvienne aux citoyens.
Alors, cher lecteur, vous attendez toujours la définition de l’état du cinéma malien aujourd’hui ? Sachez seulement que le nain à grosse tête qu’il était avec des membres atrophiés n’a plus l’usage de ces précieux outils de locomotion et de préhension. Les tentatives de transfusion sanguine ne peuvent que le maintenir en vie, alors qu’il faudra une approche plus pragmatique des soins à lui apporter.

Kabiné Bemba Diakité

L’Essor

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