C’est déjà une grande prouesse que de réaliser un film en Afrique. Des fonds d’aide ont été souvent évoqués et même adoptés. Ils sont, hélas, souvent dérisoires, s’ils ne sont pas tout simplement mis au rancard. Celui adopté le jeudi 22 décembre 2016 par le conseil des ministres au Mali, dénommé Fonds d’appui à l’industrie cinématographique, vient d’être confié à un directeur général, en la personne de Bréhima Moussa Koné, inspecteur des finances, désigné le 28 mars 2018 en conseil des ministres. C’est un important pas vers la concrétisation de ce désir longtemps exprimé par les cinéastes.
Il fait suite à l’opération ponctuelle mise en branle par l’Etat malien qui a déboursé plus de 800 000 000 FCA pour la réalisation du film en voie d’achèvement de Assane Kouyaté «Pari cheytane». Il faut espérer que la mise en marche de la structure ne prendra pas une éternité.
Si pareille initiative se multipliait, ce serait un début de réponse aux sérieuses incertitudes que connaît le cinéma africain. Ce malaise est né des changements conséquents dans les politiques d’aides des bailleurs de fonds occidentaux qui portent souvent à bout de bras la production cinématographique. Aidez-moi à compter les films africains qui n’ont pas bénéficié d’un soutien financier extérieur conséquent, tant ils sont rares du côté-ci de notre continent.
Au bout d’une pénible bataille pour réaliser un film, on se trouve devant le grand casse-tête de la distribution et de la diffusion. Comment faire voir son film au public, d’abord à ses compatriotes ? La question est d’autant plus cruciale que les salles de cinéma qui pullulaient dans nos villes et même dans les moindres recoins du pays sont presque toutes fermées. Les pays africains où il n’existe plus aucune salle de cinéma font légion. La bataille aujourd’hui engagée est de faire vivre au moins une ou deux salles.
Cette période de transition et d’incertitude semble s’installer durablement, aucune solution pérenne ne se pointant à l’’horizon. La faute principale va à la révolution numérique avec toutes ses conséquences sur le secteur. Les films en tous genres sont visibles à tout moment sur les petits écrans ravitaillés par les rediffuseurs, mais aussi sur les cassettes et les clés usb nourries en permanence par le net, le plus souvent par piratage.
L’Afrique du cinéma n’a pas su résister à cette évolution numérique et cherche encore les voies et moyens pour se tirer d’affaire. Le défunt Consortium Interafricain de Distribution Cinématographique (CIDC) est un exemple de la volonté des acteurs du secteur de trouver une solution à ce problème crucial de diffusion des films. Basé à Ouagadougou, il a tenté d’exister de 1979 à 1985, sous la gestion des Etats africains qui l’ont constitué. Il s’est éteint surtout à cause d’une gestion administrative dénoncée par les cinéastes eux-mêmes, sans que les responsabilités soient nettement identifiées jusque-là.
Des initiatives sont en cours tant au niveau d’organismes panafricains comme la FEPACI, le FESPACO que des associations individuelles. Elles partent du fait que l’industrie du cinéma ne s’arrête pas à la réalisation de films. Les autres volets que sont la distribution et la diffusion, sont tout autant importants.
La mise en fonction effective du Fonds d’Appui à l’Industrie Cinématographique au Mali, que nous n’espérons pas trop lointaine, ne doit être prise que comme un pas franchi dans la réalisation de l’industrie cinématographique. Les autres branches de cette industrie que sont notamment la distribution et la diffusion méritent tout autant l’attention des autorités pour que cette bonne action ne soit pas un coup d’épée dans l’eau. Tant il est vrai que l’Etat ne peut tout faire mais doit donner au secteur privé les moyens d’assurer ces fonctions.
Kabiné Bemba DIAKITÉ
Source: Essor