Les transitions ainsi que les perturbations de l’ordre constitutionnel ne naissent pas ex nihilo et se justifient par les dérives de gouvernance. C’est la substance qu’on peut tirer en filigrane d’un communiqué rendu public en milieu de la semaine dernière et par lequel les autorités maliennes de la Transition volent au secours de la Guinée voisine pour lui rendre la solidarité qu’elle lui a témoignée lors des restrictions imposées au Mali par la CEDEAO.
Comme il est loisible de le comprendre, le communiqué en question est consécutif au dernier sommet que cette organisation sous-régionale a délocalisé à New-York où la Guinée a été l’objet d’une batterie de sanctions ciblant les acteurs du putsch. Et lesdites mesures, le moins qu’on puisse dire, auront suscité moins d’indignation aux autorités du pays concerné qu’à celles du Mali. Et pour cause, elles sont inspirées du même malaise sur lequel les positions de la CEDEAO et des autorités maliennes avaient précédemment achoppé et qui ne manquera peut-être pas de rebondir dans la foulée, à savoir : la brûlante question du chronogramme. Ainsi, en réplique aux sanctions infligées au colonel Doumbouyou et compagnons, le gouvernement du Mali ne s’est pas contenté d’une désolidarisation des mesures infligées à la Guinée, lesquelles sont qualifiées au passage «d’illégales, inhumaines et illégitimes». Il a en outre affiché sa disponibilité à porter l’assistance nécessaire à la «République sœur de Guinée» afin qu’elle réussisse à surmonter les épreuves imposées à sa population au mépris, estime-t-il, de la vocation de la CEDEAO à améliorer leurs conditions de vie. «….les transitions politiques ne résultent que de la mauvaise gouvernance. En conséquence, les autorités de Transition méritent d’être accompagnées par la CEDEAO pour mener des réformes politiques et institutionnelles qui contribueraient à renforcer la bonne gouvernance et la stabilité», soutient le gouvernement malien avec la signature de son porte-parole, dans le communiqué où la remise en cause du protocole sous-régional sur les élections et la bonne gouvernance le dispute au plaidoyer pour l’acceptation des putschs.
Au détour de leur dette de solidarité et de soutien envers leurs homologues guinéennes, les autorités maliennes de transition remettent du même coup au goût du jour leur option pour les jalons d’une refondation comme préalable à tout retour à l’ordre constitutionnel ainsi que le rejet, pour ce faire, de tout impératif ou contrainte de délai qui opposent actuellement la Communauté Économique des Etats d’Afrique de l’Ouest à Conakry. Autant dire que le chronogramme précédemment conclu avec les autorités sous-régionale est loin d’être un acquis définitif et que les autorités maliennes n’y ont souscrit que pour différer le bras de fer sur le retour à l’ordre constitutionnel dans le respect de l’échéance auquel elles ont souscrit. En tout cas, le soutien aux autorités guinéennes fait figure en même temps indicatif de la fragilité des engagements donnés à la CEDEAO et qui sont par ailleurs déjà mis à mal par la lenteur criante du processus électoral ainsi que des préalables sécuritaires de son effectivité. À ces signes avant-coureurs s’ajoutent, par ailleurs, les brèches ouvertes par les défiances et dérogations démystifiantes des pressions internationales et régionales, dont l’avatar le plus récent est le message en force du président Deby-fils vers une candidature à la présidentielle tchadienne en étant président de la Transition.
A KEÏTA
Source: Le Témoin