Sous la transition, Dioncounda Traoré dut recourir à la nomination d’un Conseiller spécial pour conduire à Ouaga le dialogue qui a donné, le 18 juin dernier, l’accord ayant permis la tenue de l’élection présidentielle sur l’étendue du territoire national. La Commission Dialogue et Réconciliation existait pourtant portée par une trentaine de commissaires et avec pour vocation de veiller à la paix et à la concorde nationales.
ARLESIENNE. Cette Commission était-elle déjà un albatros que ses ailes de géant empêchent de voler ? Difficile de la faire percevoir autrement par nos compatriotes. Elle coûte cher au contribuable, elle puise sa légitimité de la crise du Nord mais elle ne sera ni visible ni audible sur les négociations concernant le cas précis de Kidal. En tout cas, c’est clair : les premiers rôles, ce n’est pas cette Commission qui les aura joués. D’ailleurs à peine installé, Ibrahim Boubacar Kéita, à travers son gouvernement a cru devoir rectifier ce qui, à ses yeux, passait pour des carences congénitales. Jusque dans la composition de ladite Commission. Et jusque dans ses missions auxquelles manquait le vocable Vérité dont la charge politique est évidente. Après avoir repensé et recadré le projet, le gouvernement l’a envoyé aux députés qui s’apprêtent à en débattre. On pressent que ce ne sera pas simple. Il contient, en effet, quelques gisements de passions qui seront difficiles à canaliser.
BOITE DE PANDORE.Ce qui n’enlève rien à la vision méritoire du gouvernement pour lequel la vérité doit aller au-delà des crises répétées de ces dernières décennies pour affronter le mal à sa racine. Ainsi donc, les exactions, atrocités commises par l’Etat et les rébellions depuis 1963 seront concernées. C’est dire que les autorités ont pris en compte l’impératif de devoir de mémoire que réclamaient des cadres de la rébellion, notamment Kel Tamasheq et ce en relation avec la manière dont la révolte de Kidal a été réprimée en 1963 ainsi que les représailles exercées par l’armée contre des populations civiles nomades au cours des rébellions ultérieures. Le côté surréaliste de la concession est que le travail de mémoire essentiel au retour durable de la paix et de la confiance ouvre le procès d’une époque et d’une pratique. Il s’agira et ce n’est pas la chose la plus simple de gérer alors l’opinion dominante qui est celle du Sud. Acceptera t-elle de voir dans son héros Dibi Silas Diarra l’éventreur ou le dynamiteur en série de simples bergers ou d’épouses de bergers, comme tendent à l’accréditer les versions du « Nord » ?
LE CHEMIN DES ECOLIERS. Les auteurs des massacres d’Aguel Hoc, des viols de Gao et Tombouctou avoueront t-ils ? Leur confession sera-t-elle suivie d’accolades ? Le pays peut avoir changé et, pour tout dire, beaucoup dépendra de l’art des négociateurs et des niveaux de responsabilités recherchées. Moins ceux seront individuels, plus ce sera facile. On se demande alors pourquoi ne pas prendre le raccourci. A savoir le procès dit du prix du sang qui prévaut dans les communautés nordistes et qui exprime un regret sincère avant une réparation symbolique. Et du côté de l’Etat, la reconnaissance et le pardon demandé au plus haut niveau pour tous les crimes d’Etat, ceux commis au Nord comme ceux commis au Sud. A l’occasion du cinquantenaire de notre indépendance, des voix avaient demandée cette sorte d’exorcisme qui aurait fait sortir de nos placards des morts que seul le pardon sincère et accepté « peut insonoriser ». Mais il est clair que le premier travers est que nous devons mettre au bûcher c’est d’abord notre vanité. La haine pourra suivre et devra suivre car aucune nation n’est possible sur un tel socle
Adam Thiam
Source: Lerepublicainmali